
Les syndicats à la rescousse
Hervé Montbard
Chez Carrefour, l'Anglais va-t-il remplacer le Français ? La
question est d'actualité. C'est incontestable : la CGT elle-même s'en
inquiète et l'a fait savoir au cours d'une table ronde organisée entre
ses représentants et les responsables de la société.
Il
est en effet à l'évidence que Carrefour est encore une entreprise
française dont les actionnaires principaux sont la Société Générale et
le Groupe Arnault également sociétés françaises : or l'utilisation de la
langue anglaise est dans ce groupe de plus en plus importante. C'est
ainsi que cet usage devient évident quand on voit les enseignes utiliser
des noms anglais : Carrefour Market, Carrefour City, Carrefour On Line
etc… Et même les produits vendus utilisent la langue de Shakespeare
(Blue Sky, First Line, Green Cut, Home, Top Bike…). Et les salariés de
Carrefour nous informent volontiers que dans le cadre de leurs activités
professionnelles cette tendance se poursuit : on y évoque le
cross-marchandising, l'e-learning, le self-scanning, la Street-Palette
ou l'Autonomous checkout system.
Et
puis disent-ils, dans le cadre de la Formation Professionnelle
l'anglais est la seule langue étrangère accessible. On constate encore
que les messages d'alerte sont rédigés en bilingue Français-Anglais dans
tous les magasins, les slogans publicitaires sont extraits de cet
idiome. La chanson Happy Day est utilisée en fonds sonore des slogans
publicitaires radiophoniques, et les jours heureux chez Carrefour sont
Sunday et Monday…
Ces spécialistes du "merchandising" semblent ignorer qu'il y a au moins 230 millions de personnes dans le monde qui parlent et écrivent couramment le français, qu'il y a en plus au moins 750 millions d'hommes et de femmes qui le comprennent. La Francophonie est une organisation qui regroupe 51 états dans le monde. Le Français est donc une langue internationale, et en France c'est la seule langue commerciale. Il n'y a donc aucune raison d'utiliser une autre langue. A la rigueur, on peut imaginer utiliser l'espagnol dans le Sud-Ouest, l'Italien ou l'Allemand à l'Est, mais l'anglais n'a aucun intérêt pratique, sinon celui d'un certain snobisme cher aux publicitaires et à certains diplômés des Ecoles de Commerce. En France le client parle d'abord le Français.
Les syndicats de Carrefour ont fait passer le message et ont demandé qu'un groupe de travail chargé de mettre en place un suivi de l'emploi de la langue française dans l'entreprise soit créé. La direction a-t-elle entendue le message ou, enfermée dans une tour d'ivoire méprisante et/ou condescendante, va-t-elle ignorer cette requête?