La publication d’un rapport des inspecteurs des
Nations unies sur les armes chimiques qui pointe plusieurs attaques au
gaz sarin menées par les forces soi-disant « rebelles » expose encore
plus les mensonges du gouvernement Obama sur la responsabilité du
gouvernement syrien pour l’attaque à l’arme chimique du 21 août à Ghouta
dans la banlieue de Damas.
Washington
s’était emparé de cet incident comme d’un prétexte pour une campagne de
bombardement déjà prévue et pour accentuer la pression en faveur d’un
changement de régime sur le président syrien Bashar el-Assad.
La publication du rapport de l’ONU jeudi dernier fait suite à
la publication par le journaliste d’investigation Seymour Hersh, lauréat
du prix Pulitzer, d’un article détaillé dans la London Review of books.
Celui-ci révélait que le gouvernement Obama avait délibérément manipulé
les renseignements dont il disposait pour affirmer à tort qu’il avait
des preuves de la responsabilité du gouvernement syrien et de son armée
dans l’attaque de Ghouta.
Hersh citait des responsables actuels et passés de l’armée américaine
et des services de renseignements américains sur la falsification des
informations concernant l’attaque du 21 août et sur le fait que le
gouvernement Obama avait dissimulé l’existence de rapports des services
de renseignements prévenant de ce que le Front Al Nusra (affilié à Al
Qaïda) avait la capacité de fabriquer et d’utiliser comme arme du gaz
neurotoxique sarin, le même qui a servi lors de l’attaque de Ghouta.
Le rapport de 82 pages rendu par les l’ONU sur les armes chimiques
s’appuie sur des enquêtes approfondies sur les lieux de plusieurs
attaques où des allégations d’usage d’armes chimiques ont été faites
soit par le gouvernement syrien, soit par les gouvernements américain,
britannique et français. Les inspecteurs ont analysé le sol et d’autres
prélèvements dans l’environnement, examinés des prélèvements de cheveux,
d’urine, de tissus biologiques et sanguins pour y trouver des traces de
composés chimiques, ils se sont entretenu avec des survivants, des
témoins et du personnel médical, ils ont également étudiés les obus qui
auraient servi de vecteur au sarin dans chaque incident.
Ils sont arrivés à la conclusion qu’outre l’incident de Ghouta, il y a
eu au moins quatre attaques « probables » au sarin. Dans trois de ces
attaques, ce sont les soldats de l’armée syrienne qui ont été victimes
du gaz mortel, et dans la quatrième, ce sont des civils. Aucune des
attaques confirmées n’a visé les milices des combattants « rebelles ».
Deux des attaques maintenant confirmées ont eu lieu à quelques jours
de celle de Ghouta. Le 24 août – trois jours après Ghouta et au moment
où Obama préparait l’armée américaine pour une frappe et dénonçait le
gouvernement syrien pour avoir « franchi une ligne rouge » – le gaz
sarin a été déployé contre des soldats syriens à Jobar dans la banlieue
de Damas. Ce que le rapport de l’ONU décrit comme « une attaque
relativement petite » a été confirmé par des entretiens avec des
survivants et des personnels de santé, ainsi que par des prélèvements
sanguins positifs au sarin collectés par les autorités syriennes et
authentifiés par les inspecteurs de l’ONU.
Sur cet incident, le rapport indique : « un groupe de soldats a reçu
l’ordre de nettoyer certains bâtiments sous le contrôle des forces de
l’opposition. Vers 11h00, l’intensité des tirs de l’opposition a baissé
et les soldats avaient l’impression que l’autre camp se retirait. À près
de 10 mètres de certains soldats, une bombe improvisée aurait éclaté
avec un faible bruit, libérant un gaz qui sentait très mauvais. Un
groupe de 10 soldats a été évacué dans des transports de troupes blindés
vers le local médical de campagne avec des difficultés respiratoires et
des symptômes étranges non spécifiés. »
Un jour après cette attaque, le 25 août, du sarin a été utilisé « à
faible échelle contre des soldats » dans la ville d’Ashrafiah Sahnay au
Sud, au cours d’affrontements entre des « rebelles » et des troupes qui
tenaient un poste de contrôle du gouvernement. Là aussi, l’ONU appuie
ses conclusions sur des entretiens et des prélèvements sanguins
effectués par le gouvernement syrien.
Les inspecteurs n’avaient pas pour tâche de déterminer qui était
responsable des attaques au sarin qu’ils ont confirmés, et ce rapport
est donc silencieux sur cette question. Ce rapport, néanmoins, est
rédigé dans les termes les plus circonspects, se contentant de donner
des conclusions scientifiques.
Cela ne fait qu’en rendre le contenu encore plus fort. La seule
conclusion qui peut être tirée est que les milices « rebelles »
soutenues par les États-Unis et dominées par les islamistes sont
responsables de plusieurs crimes de guerre sous la forme des attaques
chimiques contre les soldats syriens et les civils.
Celles-ci ont été menées pour tenter d’inverser le sort sur le champ
de bataille et de déclencher une intervention
américano-britannico-française du même genre que celle qui avait donné
la victoire aux rebelles libyens, afin d’écraser le régime d’Assad et
d’installer au pouvoir l’opposition soutenue par les impérialistes. Le
gouvernement Obama a délibérément menti parce qu’il y voyait une
occasion de supprimer un autre obstacle à sa domination impérialiste de
cette région riche en pétrole et d’isoler l’Iran, en préparation d’une
frappe éventuelle contre ce pays.
En fin de compte, Obama s’est retiré à cause des divergences
tactiques aiguës au sein de son gouvernement, de l’élite militaire et
des services de renseignements américains au sujet des implications
qu’il y aurait à laisser le contrôle de la Syrie à des forces dominées
par Al Qaïda; et à cause de l’opposition majoritaire dans la population
Américaine et mondiale à une guerre sans raison de plus au Moyen-Orient.
Washington a préféré organiser un changement de tactique, donnant son
accord au plan russe pour la destruction des armes chimiques syriennes
et à l’ouverture de négociations avec le gouvernement iranien. Un des
motifs principaux de cette évolution était le désir de libérer les
forces militaires américaines pour le « pivot » en Asie et une
éventuelle guerre contre le rival montant de l’impérialisme américain
sur la scène internationale, la Chine.
Les dernières révélations sur les mensonges du gouvernement Obama sur
la Syrie exposent encore plus le rôle criminel joué par les États-Unis
et les médias internationaux. Il y a dix ans, les élucubrations du
gouvernement Bush sur les armes de destruction massives irakiennes
étaient promues comme des informations sûres par les grands médias. En
août et en septembre de cette année, les médias ont fait comme si la
population mondiale était affectée d’amnésie collective, avec des «
renseignements » bidons et des affirmations sans preuves de la part de
la Maison blanche, une nouvelle fois relayées par la presse et la
télévision.
Maintenant que ce barrage de propagande a été complètement exposé, la
couverture se poursuit. L’article de Seymour Hersh comme les
conclusions de l’ONU sur les attaques chimiques en Syrie ont été soit
minimisés soit complètement passés sous silence.
Les organisations de la pseudo-gauche dans le monde entier ont servi
de complices dans ces efforts pour faire taire toute exposition de la
propagande guerrière du gouvernement Obama. L’international Socialist Organisationaméricaine mal nommée, le Nouveau parti anticapitaliste en France, tout comme le Parti la Gauche (Die Linke) en
Allemagne continuent à faire de l’agitation pour une intervention plus
forte des États-Unis contre le régime syrien, en maintenant que les
milices « rebelles » seraient à la pointe d’une « révolution »
démocratique.
Depuis les préparatifs de guerre d’Obama en août jusqu’à aujourd’hui,
ces organisations issues des classes moyennes et pro-impérialistes ont
rejeté toute remise en question des allégations américaines selon
lesquelles le gouvernement Assad était responsable de Ghouta. Maintenant
elles évitent toute mention de Hersh et des révélations de l’ONU.
En opposition complète à cela, le World Socialist Web Site a
immédiatement remis en question les affirmations faites sur Ghouta par
le gouvernement Obama et ses alliés internationaux. Dans un article
publié le lendemain de l’incident, le WSWS notait : « Les accusations
non fondées selon lesquelles le régime syrien du président Bashar
al-Assad a perpétré une attaque aux armes chimiques près de Damas et qui
a tué un grand nombre de civils présentent toutes les caractéristiques
d’une provocation montée de toutes pièces visant à déclencher une
intervention occidentale. [...] Si l’on se demande à qui profite un tel
crime, il est clair que ce n’est pas au régime d’Assad mais aux forces
dirigées par les islamistes et qui combattent pour le renverser. Ces
accusations de crimes de guerre perpétrés par le gouvernement syrien
sont faites au moment où ces forces sont confrontées à une crise
croissante et à une série de défaites militaires.»
Patrick O’Connor