Jean-Paul Pelras
Nous ne pourrons peut-être bientôt plus
planter nos choux à la mode de chez nous. C’est du moins ce que
redoutent les défenseurs de la biodiversité.
Un projet de loi proposé par la Commission européenne, dans son introduction, précise : «
Des règles plus intelligentes pour des denrées alimentaires plus sûres :
la Commission propose un paquet législatif primordial pour moderniser,
simplifier et renforcer la filière agroalimentaire en Europe. »
Jusqu’ici, pas de quoi s’alarmer. Sauf que, depuis
quelque temps, sur les réseaux sociaux et dans les communiqués
d’associations militant pour la biodiversité, les rédacteurs redoutent
une nouvelle loi visant « l’illégalité de la pousse, la reproduction
ou la vente des semences de végétaux qui n’ont pas été testées et
approuvées par une nouvelle autorité, en l’occurrence l’Agence
européenne des variétés végétales ».
De toute évidence, nous n’en sommes pas encore là. Mais
si ce jour devait arriver, c’est l’existence même des potagers familiaux
et l’activité des jardiniers du dimanche qui pourraient être remis en
question.
Un secteur déjà réglementé
Sur un plan plus professionnel, précisons que, depuis la
loi concernant le Certificat des obtentions végétales (COV) de
décembre 2011, la semence de ferme est en principe interdite. Sauf pour
21 espèces : pois chiche, lupin jaune, luzerne, pois fourrager, trèfle
d’Alexandrie, trèfle de perse, féverole, vesce commune, avoine, orge,
riz, alpiste des Canaries, seigle, triticale, blé, blé dur, épeautre,
pommes de terre, colza, navette et lin oléagineux. Espèces soumises à
cotisations volontaires obligatoires utilisées, en grande partie, pour
rémunérer l’obtenteur. L’agriculteur étant toujours libre de produire
des semences pour toutes variétés du domaine public qui ont plus de 25
ans, soit environ 450 répertoriées au catalogue français.
En revanche, il ne peut ni échanger ni vendre ses
semences de ferme, sachant de surcroît que la Cour de justice de l’Union
européenne a validé, le 12 juillet dernier, l’interdiction de
commercialiser les semences de variétés traditionnelles et diversifiées
qui ne sont pas inscrites au catalogue officiel européen.
Signalons également que le sénat en novembre 2013 a voté
un accord international sur le brevet qui fait de tout agriculteur
utilisant ses propres semences un contrefacteur dès que ses cultures
sont contaminées par des gènes brevetés ou contiennent naturellement un
gène protégé par un brevet. Une loi qui doit repasser devant les députés
en février 2014.
Le chaud et le froid
Des textes qui soufflent un peu le chaud et le froid avec
Bruxelles, qui répond à ceux qui redoutent la mise en place d’un
règlement plus draconien sur l’utilisation du matériel végétal : «
L’utilisation de semences dans les jardins privés n’est pas régie par la
législation de l’UE et les jardiniers amateurs pourront continuer à
acheter tout type de matériel végétal et à vendre leurs semences en
petites quantités. En outre, il sera précisé que tout non-professionnel
(jardinier amateur, par exemple) peut procéder à des échanges de
semences avec d’autres particuliers sans être concerné par les
dispositions du règlement proposé ».
Une déclinaison qui semble donc s’éloigner des
prohibitions potagères. Et, en parallèle, des interrogations de plus en
plus prégnantes qui interpellent forcément là où chacun pense qu’il ne
peut y avoir de fumée sans feu.