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samedi 11 avril 2015

Au secours, Jean-Marie s’en va !



Au secours, Jean-Marie s’en va !
 
 Michel Gandilhon
 
Ainsi donc, Jean-Marie Le Pen a décidé de quitter la scène. Il a choisi le moment (l’intermède entre les départementales et les régionales), le lieu (Rivarol) et le bourreau (sa propre fille). Jean-Marie Le Pen s’en va et tire sa révérence. Comme Butch Cassidy en Bolivie, comme la Garde à Waterloo, en vidant crânement, une dernière fois, son chargeur. Marine Le Pen le ne l’ignorait pas, bien sûr : tous les deux, même s’ils ne le savent peut-être pas encore, sont complices ; il fallait en effet que Le Pen s’en aille pour que Le Pen vive. Le roi est mort, vive la reine. Comme le murmurait Debord dans son dernier film In girum imus nocte et consumimur igni, les avant-gardes qui ont fait leur temps doivent mourir et faire place nette.

Avec Jean-Marie Le Pen, une page se tourne définitivement. Celle des guerres de la décolonisation, de l’Indochine à l’Algérie, du pétainisme, de l’OAS. Le Crabe-Tambour, Điện Biên Phủ, la bataille d’Alger, le bachaga Boualem, Bastien-Thiry, Déat, Doriot : tout cela n’intéresse plus les jeunes générations, même au Front national, surtout au Front national, et pour cause. En face d’elles, de nouveaux défis se dressent qui ont pour nom Lampedusa, UOIF, Bruxelles, Femen, Juncker, Valls, Coulibaly, Conchita Wurst, etc. C’est ainsi. C’est la vie. Avec ses joies et ses peines.

D’ailleurs, la peine, c’est surtout du côté de la rue de Solférino qu’elle risque de prendre ses quartiers, car le départ du vieux chef ne constitue pas une bonne nouvelle pour la gauche divine. En la privant de sa présence, Jean-Marie Le Pen sait pertinemment qu’il lui assène un coup fatal. Fini le bon temps de la reductio ad Hitlerum, des indignations surjouées, de l’antifascisme, du combat pour le bien. La gauche qui voulait être jugée sur ses ennemis et non sur ses résultats est aujourd’hui en deuil. Son monstre préféré, son méchant de confort, son ennemi de dilection, son Hitler d’opérette la quitte. Elle ne pourra plus invoquer le retour des années 1930 en criant le poing dressé ¡No pasarán! ! Elle est nue, désormais, et sans abri : la forteresse de l’antifascisme dans laquelle elle adorait se retrancher n’était en réalité qu’un château de cartes et vient de s’écrouler sur elle. SOS-Racisme et le MRAP vont devoir licencier pour éviter la liquidation judiciaire.

Certes, comme ce pauvre Cambadélis, la gauche va essayer d’y croire encore un peu en clamant que Philippot n’est rien d’autre que la réincarnation d’Himmler, que le nouveau FN est pire que l’ancien, que Marine Le Pen est plus dangereuse que son père. Et en un certains sens, sur ce dernier point, elle aura raison. Le fonds de commerce sur lequel elle sévissait depuis trente ans vient de s’évanouir. Aux élections présidentielles de 1988, les affiches de Mitterrand, un pétainiste authentique, lui, arborait un audacieux « Au secours, la droite revient ! », aujourd’hui, ce serait plutôt « Au secours, Jean-Marie s’en va ! ». La « comédie », comme le disait Lionel Jospin, est terminée. 
 
Source:

Boulevard Voltaire