Paulo A. Paranagua
Grâce à l’accord-cadre avec l’Iran et au
rapprochement avec Cuba, Barack Obama arrive en position de force au
septième Sommet des Amériques, vendredi 10 et samedi 11 avril au Panama,
une de ces grands-messes diplomatiques dont raffolent les dirigeants de
la planète. Le président des Etats-Unis a repris la main sur la
politique étrangère, même si le Congrès s’évertue à lui mettre des
bâtons dans les roues. En revanche, les présidents d’Amérique latine,
qu’ils soient en situation de quémandeurs ou de contempteurs, arrivent
en ordre dispersé, malgré l’unanimité de façade dont ils se targuent
dans des instances régionales – des sommets de moindre envergure – qui
peinent à laisser des traces.
Une poignée de mains Obama-Castro
Le clou du spectacle médiatique, au Panama, sera réservé à la première rencontre officielle entre Barack Obama et son homologue cubain, Raul Castro. Il ne s’agira plus, comme aux funérailles de Nelson Mandela, en décembre 2013, d’une poignée de main furtive. Pour la première fois, les chefs d’Etat des deux voisins brouillés depuis un demi-siècle auront pris le temps de se parler et d’évoquer les négociations en vue du rétablissement de leurs relations diplomatiques. La guerre froide tropicale est révolue. Les Etats-Unis devront retirer Cuba de la liste des pays qui soutiennent le terrorisme, un anachronisme à l’heure où La Havane accueille les négociations de paix avec la guérilla colombienne.
Tous les Latino-Américains présents au sommet de Panama vont célébrer ces retrouvailles comme s’ils étaient de la fête. Certes, l’Amérique latine réclame à l’unisson, depuis des années, la réintégration de Cuba aux instances régionales, comme l’Organisation des Etats américains (OEA), prête à accueillir à nouveau les représentants de La Havane, qui maintenant se font prier. Mais le seul Sud-Américain qui peut légitimement prétendre avoir favorisé le rapprochement entre les Etats-Unis et Cuba est François, le pape argentin.
Si le Vatican reste un médiateur apprécié, la diplomatie latino-américaine, elle, est en pleine déliquescence. Dans cette Amérique du Sud qui proclame son union à tout vent, la Bolivie et le Chili n’entretiennent pas de relations diplomatiques à cause d’un litige frontalier qui remonte aux guerres du XIXe siècle.
Apaisement entre Washington et Caracas ?
Caracas avait promis de jouer les trouble-fête au sommet de Panama, outré par les sanctions américaines qui frappent sept dignitaires vénézuéliens. Accusés de violations des droits de l’homme, ces derniers sont privés de visa et leurs avoirs aux Etats-Unis ont été gelés. L’argent de la corruption placé dans des paradis fiscaux comme Andorre et le Panama, ou aux Etats-Unis et en Espagne, est le talon d’Achille du régime vénézuélien. Voulant échapper à la mainmise du Congrès sur la politique étrangère, la Maison Blanche a pris l’initiative de ces sept sanctions individuelles, qui ont aussitôt permis au président Nicolas Maduro de dénoncer une agression impérialiste. Si les Sud-Américains ont rejeté toute ingérence des Etats-Unis dans la crise vénézuélienne, ils n’en ont pas moins souligné que la solution passait par les élections législatives prévues avant la fin de l’année. Reste à savoir si Caracas acceptera des observateurs de l’OEA, les mieux préparés pour ce genre de mission.
Ricardo Zuniga, le conseiller Amérique latine de la Maison Blanche, a tenté de calmer le jeu à la veille du sommet, en rappelant que le Venezuela est un des principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis. « Le Venezuela, Cuba et les Etats-Unis ont d’importantes différences, mais aussi des intérêts communs, extensibles au reste du continent, estime de son côté l’analyste cubain-américain Arturo Lopez-Levy, de l’université de Denver. Le principal est d’éviter l’instabilité politique, d’empêcher que la crise ne déborde et ne complique ainsi la situation régionale et internationale. »
Le Brésil affaibli
Le principal outil diplomatique d’Amérique latine, celui du Brésil, a été réduit à néant par la présidente Dilma Rousseff. Outre son manque d’intérêt et son mépris à l’égard de la politique étrangère, son orientation erratique a amené Brasilia à ménager ou à s’aligner sur Moscou au sujet de l’Ukraine et de la Syrie, et à se laver les mains des problèmes régionaux, que ce soient les disputes entre ses voisins argentins et uruguayens ou les entorses à l’Etat de droit au Venezuela. Le Brésil ne respecte plus ses obligations financières auprès des organisations internationales et ne paie plus les factures de ses ambassades. Ses diplomates sont dégoûtés, si ce n’est révoltés.
Le géant d’Amérique du Sud est en position de faiblesse au Panama à cause aussi d’une économie en berne et d’une politique à bout de souffle. Lors de son tête-à-tête avec Barack Obama, Dilma Rousseff tentera de recoller les morceaux et de fixer, enfin, la date du voyage d’Etat prévu depuis longtemps à Washington. Un petit succès, ne serait-ce que d’annonce, permettrait de redorer son image, qui semble avoir touché le fond.
Le Mexique en avant, l’Argentine en retrait
Le Mexique fait des efforts discrets pour relancer sa diplomatie, à travers la participation, pour la première fois, à des forces des Nations unies en Haïti ou au Sahara, malgré une tradition de non-intervention un peu étriquée. L’adhésion à l’Organisation internationale de la francophonie devrait permettre aux Mexicains d’élargir leurs relations diplomatiques. Toutefois, l’élan réformateur du président Enrique Peña Nieto est compromis par la persistante crise de sécurité, malgré les succès remportés contre le trafic de drogue.
En Argentine, les velléités diplomatiques ont sombré dans les décombres du Mercosur (l’union douanière sud-américaine), l’obsession des îles Malouines, les complaisances envers Téhéran et Moscou. La succession non résolue de la présidente Cristina Kirchner accroît l’incertitude. La Colombie est tout entière accaparée par le règlement de son conflit armé intérieur.
D’autres acteurs, comme le Chili, l’Uruguay ou le Pérou, qui pourraient jouer un rôle, se sont trop résignés à un rang modeste. Ensuite il y a ceux, comme le Venezuela et ses alliés, pour qui le simple mot de diplomatie semble inapproprié, tant la politique étrangère est pour eux un exutoire occasionnel, quand cela ne se limite à la désignation d’un bouc émissaire : les Etats-Unis, la plupart du temps.
Or l’antiaméricanisme, véritable réflexe pavlovien, ne correspond guère aux sentiments des populations, qui demandent davantage de rapprochement avec les Américains. L’attente des Cubains, après l’annonce conjointe de Barack Obama et Raul Castro, le 17 décembre 2014, en est bien la preuve, puisqu’elle contredit des décennies de propagande négative.
Croissance régionale à la baisse
La veille du sommet, la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (Cepal), une référence, a révisé à la baisse ses prévisions de croissance pour 2015. La moyenne de 1 % dissimule des fortes inégalités, entre les insolents 6 % au Panama et la récession au Brésil (– 0,9 %), qui rejoint les lanternes rouges, le Venezuela (– 3,5 %) et l’Argentine (0 %), plombant ainsi les pronostics régionaux.
Du nord au sud des Amériques, des forces centrifuges empêchent toute intégration régionale et freinent y compris l’intégration physique entre les pays. L’Alliance du Pacifique (Chili, Colombie, Pérou et Mexique, qui s’en tirent plutôt bien) regroupe des nations qui ne se résignent pas au déclin du Mercosur après avoir assisté à la mort de la Communauté andine, tandis que l’Amérique centrale et les Caraïbes poursuivent leur propre chemin. Il n’est pas sûr que la photo de famille du Sommet des Amériques suffise à annoncer une nouvelle ère.
Une poignée de mains Obama-Castro
Le clou du spectacle médiatique, au Panama, sera réservé à la première rencontre officielle entre Barack Obama et son homologue cubain, Raul Castro. Il ne s’agira plus, comme aux funérailles de Nelson Mandela, en décembre 2013, d’une poignée de main furtive. Pour la première fois, les chefs d’Etat des deux voisins brouillés depuis un demi-siècle auront pris le temps de se parler et d’évoquer les négociations en vue du rétablissement de leurs relations diplomatiques. La guerre froide tropicale est révolue. Les Etats-Unis devront retirer Cuba de la liste des pays qui soutiennent le terrorisme, un anachronisme à l’heure où La Havane accueille les négociations de paix avec la guérilla colombienne.
Tous les Latino-Américains présents au sommet de Panama vont célébrer ces retrouvailles comme s’ils étaient de la fête. Certes, l’Amérique latine réclame à l’unisson, depuis des années, la réintégration de Cuba aux instances régionales, comme l’Organisation des Etats américains (OEA), prête à accueillir à nouveau les représentants de La Havane, qui maintenant se font prier. Mais le seul Sud-Américain qui peut légitimement prétendre avoir favorisé le rapprochement entre les Etats-Unis et Cuba est François, le pape argentin.
Si le Vatican reste un médiateur apprécié, la diplomatie latino-américaine, elle, est en pleine déliquescence. Dans cette Amérique du Sud qui proclame son union à tout vent, la Bolivie et le Chili n’entretiennent pas de relations diplomatiques à cause d’un litige frontalier qui remonte aux guerres du XIXe siècle.
Apaisement entre Washington et Caracas ?
Caracas avait promis de jouer les trouble-fête au sommet de Panama, outré par les sanctions américaines qui frappent sept dignitaires vénézuéliens. Accusés de violations des droits de l’homme, ces derniers sont privés de visa et leurs avoirs aux Etats-Unis ont été gelés. L’argent de la corruption placé dans des paradis fiscaux comme Andorre et le Panama, ou aux Etats-Unis et en Espagne, est le talon d’Achille du régime vénézuélien. Voulant échapper à la mainmise du Congrès sur la politique étrangère, la Maison Blanche a pris l’initiative de ces sept sanctions individuelles, qui ont aussitôt permis au président Nicolas Maduro de dénoncer une agression impérialiste. Si les Sud-Américains ont rejeté toute ingérence des Etats-Unis dans la crise vénézuélienne, ils n’en ont pas moins souligné que la solution passait par les élections législatives prévues avant la fin de l’année. Reste à savoir si Caracas acceptera des observateurs de l’OEA, les mieux préparés pour ce genre de mission.
Ricardo Zuniga, le conseiller Amérique latine de la Maison Blanche, a tenté de calmer le jeu à la veille du sommet, en rappelant que le Venezuela est un des principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis. « Le Venezuela, Cuba et les Etats-Unis ont d’importantes différences, mais aussi des intérêts communs, extensibles au reste du continent, estime de son côté l’analyste cubain-américain Arturo Lopez-Levy, de l’université de Denver. Le principal est d’éviter l’instabilité politique, d’empêcher que la crise ne déborde et ne complique ainsi la situation régionale et internationale. »
Le Brésil affaibli
Le principal outil diplomatique d’Amérique latine, celui du Brésil, a été réduit à néant par la présidente Dilma Rousseff. Outre son manque d’intérêt et son mépris à l’égard de la politique étrangère, son orientation erratique a amené Brasilia à ménager ou à s’aligner sur Moscou au sujet de l’Ukraine et de la Syrie, et à se laver les mains des problèmes régionaux, que ce soient les disputes entre ses voisins argentins et uruguayens ou les entorses à l’Etat de droit au Venezuela. Le Brésil ne respecte plus ses obligations financières auprès des organisations internationales et ne paie plus les factures de ses ambassades. Ses diplomates sont dégoûtés, si ce n’est révoltés.
Le géant d’Amérique du Sud est en position de faiblesse au Panama à cause aussi d’une économie en berne et d’une politique à bout de souffle. Lors de son tête-à-tête avec Barack Obama, Dilma Rousseff tentera de recoller les morceaux et de fixer, enfin, la date du voyage d’Etat prévu depuis longtemps à Washington. Un petit succès, ne serait-ce que d’annonce, permettrait de redorer son image, qui semble avoir touché le fond.
Le Mexique en avant, l’Argentine en retrait
Le Mexique fait des efforts discrets pour relancer sa diplomatie, à travers la participation, pour la première fois, à des forces des Nations unies en Haïti ou au Sahara, malgré une tradition de non-intervention un peu étriquée. L’adhésion à l’Organisation internationale de la francophonie devrait permettre aux Mexicains d’élargir leurs relations diplomatiques. Toutefois, l’élan réformateur du président Enrique Peña Nieto est compromis par la persistante crise de sécurité, malgré les succès remportés contre le trafic de drogue.
En Argentine, les velléités diplomatiques ont sombré dans les décombres du Mercosur (l’union douanière sud-américaine), l’obsession des îles Malouines, les complaisances envers Téhéran et Moscou. La succession non résolue de la présidente Cristina Kirchner accroît l’incertitude. La Colombie est tout entière accaparée par le règlement de son conflit armé intérieur.
D’autres acteurs, comme le Chili, l’Uruguay ou le Pérou, qui pourraient jouer un rôle, se sont trop résignés à un rang modeste. Ensuite il y a ceux, comme le Venezuela et ses alliés, pour qui le simple mot de diplomatie semble inapproprié, tant la politique étrangère est pour eux un exutoire occasionnel, quand cela ne se limite à la désignation d’un bouc émissaire : les Etats-Unis, la plupart du temps.
Or l’antiaméricanisme, véritable réflexe pavlovien, ne correspond guère aux sentiments des populations, qui demandent davantage de rapprochement avec les Américains. L’attente des Cubains, après l’annonce conjointe de Barack Obama et Raul Castro, le 17 décembre 2014, en est bien la preuve, puisqu’elle contredit des décennies de propagande négative.
Croissance régionale à la baisse
La veille du sommet, la Commission économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes (Cepal), une référence, a révisé à la baisse ses prévisions de croissance pour 2015. La moyenne de 1 % dissimule des fortes inégalités, entre les insolents 6 % au Panama et la récession au Brésil (– 0,9 %), qui rejoint les lanternes rouges, le Venezuela (– 3,5 %) et l’Argentine (0 %), plombant ainsi les pronostics régionaux.
Du nord au sud des Amériques, des forces centrifuges empêchent toute intégration régionale et freinent y compris l’intégration physique entre les pays. L’Alliance du Pacifique (Chili, Colombie, Pérou et Mexique, qui s’en tirent plutôt bien) regroupe des nations qui ne se résignent pas au déclin du Mercosur après avoir assisté à la mort de la Communauté andine, tandis que l’Amérique centrale et les Caraïbes poursuivent leur propre chemin. Il n’est pas sûr que la photo de famille du Sommet des Amériques suffise à annoncer une nouvelle ère.
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