Kalli Giannelos
Autant par sa parution posthume que par la portée du
projet qui en scelle l’unité, L’homme dévasté de Jean-François Mattéi
s’apparente à une œuvre testamentaire. De Platon aux penseurs
contemporains, Mattéi déploie une réflexion qui traverse les époques,
les échelles (du monde à l’homme) et les disciplines, en quête des
origines et des avatars de la figure de la dévastation de l’homme. La
préface très nourrie qui introduit l’essai, réalisée par Raphaël
Enthoven, situe le contexte, les enjeux, autant que la lignée dans
laquelle la pensée de Mattéi s’inscrit (Platon, Heidegger, Camus...).
Dans cet essai, Mattéi dénonce les effets dévastateurs de l’entreprise
de déconstruction, tout en montrant que la déconstruction se déconstruit
elle-même. À travers une analyse foisonnant d’exemples divers et une
démarche limpide, Mattéi expose le processus de « destruction » de
l’homme : son obsolescence, sa réification, sa désorientation, sa
disparition. On y trouve, en creux, un humanisme redéfini à mi-chemin
entre l’antihumanisme et un humanisme naïf. Les pérégrinations
philosophiques de cet essai s’établissent par le biais de références
multiples, puisant autant dans les ressources philosophiques que dans
celles propres à la littérature, aux arts ou aux sciences. Aussi, la
typologie des références de l’ouvrage, établie par Raphaël Enthoven,
indique que cet essai séduira autant les « plus savants », que les «
indignés », les « cinéphiles », les « snobs », les « amateurs de jargon »
ou les « gamers » .
La condition de l’homme moderne : le constat de la dévastation
L’homme dévasté, qui est le dernier homme, est bien celui qui a effacé l’horizon avant de disparaître dans un ultime clignement d’œil.
Le constat de la dévastation de l’homme moderne porte en creux le dépérissement de ce qui fut : une construction de la culture européenne, humaniste, remontant à la Grèce antique. Mattéi retrace les rouages et la cible de la déconstruction, cet anti-humanisme théorique qui a désolidarisé le XXe siècle des fondements de la culture occidentale, annihilant non seulement une certaine pensée « architectonique » mais aussi du même coup les conditions d’accès à un monde doué de sens, lui-même garant de l’humanité . Cible des déconstructeurs, l’idée architectonique qui a longtemps porté la culture européenne connaît effectivement un déclin : un déclin de l’architectonique de la cité induisant celui de l’architectonique de la pensée . Contre la déconstruction et la « barbarie » qu’il y décèle, Mattéi dénonce la stérilité de celle-ci autant que son « mouvement ravageur » qui dénote une tentative « de suppression de la condition humaine dans son imbrication avec le monde » .
Empruntant à Nietzsche la figure de l’« ensablement » et au sociologue Zygmunt Bauman celle de la « liquéfaction », Mattéi situe la dévastation comme « l’action d’un homme qui se déserte de lui-même et du monde. » . Le corollaire de cette renonciation à l’humain est pour Mattéi que « l’homme a perdu le sens de l’orientation » , sous le coup d’une dissolution des fondements théologiques et moraux mais aussi logiques et ontologiques : « tout ce qui relevait, dans les discours de la tradition, d’un principe, d’une fondation ou d’un centre, c’est-à-dire d’une source de sens, a été répudié comme une illusion » . Aussi, selon Mattéi, « on ne peut que constater, avec la destruction de l’homme, la dévastation radicale de l’âme et du monde » . Au sein du constat de la dévastation de l’homme, on retrouve, par ailleurs, une filiation camusienne notable, soulignée par Raphaël Enthoven dans la préface. En écho à L’homme révolté de Camus, qui est « un homme qui dit non à ce qui transgresse les frontières de l’humain et qui dit oui à la part précieuse de lui-même » , Mattéi trace les contours de cette figure de l’homme « dévasté », qui est « le négatif » de l’homme révolté et « une rupture dans la chaîne de l’humanité » .
La déconstruction du langage, du monde et de l’art
La rupture avec la construction de l’homme est poursuivie par une entreprise de déconstruction généralisée, s’étendant du langage au corps en passant par le monde et l’art. La fascination pour le vide au sein de la pensée française du second XXe siècle inaugure une ère marquée par la volonté de rompre avec les récits fondateurs. Mattéi identifie, à cet égard, une « tragédie de la déconstruction [qui] se joue en quatre actes sur la scène du langage » : partant de la neutralisation de l’écriture et de l’existence qui instaurent une voie impersonnelle, cette tragédie se dénoue en une reconnaissance commune pour tous les déconstructeurs qui révèlent ainsi leur objectif partagé, celui d’« en finir avec l’astre qui commandait la raison édificatrice pour laisser le champ libre à l’épuisement du désastre » . Se référant à Deleuze, Guattari et Derrida, Mattéi trace les sillons de ce mouvement déconstructeur en en soulignant les étapes, les enjeux et les effets en présence. Pour Mattéi, le corollaire de cette déconstruction est le suivant :
Il n’y a plus dans le livre, dans l’homme ou dans les choses ni profondeur ni hauteur, seulement des lignes indécises de segmentation, des tiges superficielles ou des plateaux connectés, puis déconnectés, sans qu’aucun horizon vienne éclairer un monde dévasté.
Prolongeant la déconstruction du langage, la déconstruction du monde brouille les frontières du réel en substituant le modèle par le simulacre. Mattéi décrypte cette nouvelle échelle de la déconstruction en faisant dialoguer, entre autres, Platon, Günther Anders, Jean Baudrillard et Guy Debord, au croisement d’œuvres cinématographiques. Ces dernières sont invoquées d’une part, comme illustration du règne des simulacres et, d’autre part, comme partie prenante à leur création. La première dimension consiste en une mise en abyme de ce monde déconstruit : Mattéi dresse ainsi une brillante analyse de la trilogie Matrix qui « décline de façon originale le thème de la dévastation de l’homme par la technique, ou du moins celui de sa soumission aux simulacres. » . Par ailleurs, Mattéi décrit l’emprise du virtuel sur le réel, résultant de la prévalence des nouvelles technologies, faisant que l’« existence de l’homme se réduit à un fourmillement de pixels » . Des films mettant en scène une réalité virtuelle ou un monde de simulacres jusqu’aux jeux vidéo créant des univers virtuels, l’analyse de Mattéi met en évidence la question ontologique qui les relie. Le règne de la simulation et la préférence de l’image à la chose conduisent à une désertion du monde : « sous des regards dévastés, le monde est devenu un codage numérique » .
L’état des lieux de la déconstruction se poursuit avec l’art où le processus établit une « dévastation revendiquée des formes artistiques » . Mattéi en montre les effets dans cinq domaines artistiques : le langage poétique, les arts plastiques, la musique, le cinéma et l’architecture. Aussi, la modernité artistique se traduit-elle éminemment par des modifications fondamentales : « en littérature, la neutralité de l’écriture, en peinture, la vacuité de la toile, en musique, le silence de l’instrument, auront été les limites ultimes d’un art devenu étranger à lui-même » . La subordination du geste créateur au discours, la substitution de la représentation par la simulation, ou la substitution des structures en temps continu par les processus, figurent ainsi parmi les effets de cette transfiguration de l’art au contact de la déconstruction. La singularité de ce positionnement de l’art contemporain va de pair avec son aporie qui, pour Mattéi, « tient à sa dérive vers la conceptualisation et à sa confusion avec le processus » .
Face au spectre de la liquéfaction de l’humain, l’espoir en sa pérennité
Après avoir effacé le visage de l’homme dans la peinture et la sculpture, démantelé la parole dans la poésie, l’intrigue dans le roman et le cinéma, la déconstruction contraint l’homme à s’absenter d’un corps dont il tient pourtant son existence.
Cible ultime de la déconstruction généralisée, le corps humain parachève ce mouvement de déconstruction, incarnant la figure extrême de la dévastation. Mattéi identifie ce nouveau rapport à la corporéité dans un double mouvement, de régression et de confusion de l’homme avec d’autres formes de vie et, d’autre part, une transgression vers une fusion de l’homme avec les machines : une « défiguration » ou « dénaturation » de l’homme qui conduit à sa destruction ou dévastation . La neutralisation du corps est aussi un des effets de cette déconstruction du corps, que l’on retrouve dans les gender studies : « le corps de l’homme [est] dissous par le discours qui le remplace. » . De la transgression du sexe vers le genre, Mattéi passe à la transgression de l’humain vers le surhumain : ce posthumanisme - qui a tendance à se sublimer en « transhumanisme » - procède à la construction d’un être artificiel, simulant l’homme naturel. Notre monde contemporain est pour Mattéi celui du « dernier homme » que Nietzsche avait annoncé, et le paradoxe de cette évolution en cours est qu’il s’agit bien d’un « projet humain d’en finir paradoxalement avec l’être humain » . La déconstruction théorique de l’humanité se dédouble ainsi en une déconstruction physique de l’homme.
Face au constat de la déliquescence de l’homme, le tableau dressé par Mattéi atteint son terme sur une note alarmante : « la déconstruction a fêté un bal des adieux […] L’adieu à ce qui faisait la substance de l’humanité […] l’adieu à la condition humaine » . Pourtant, dans ce sombre tableau, l’idée « a le premier et le dernier mot » et sa primauté vient sauver l’homme de son enlisement dans les simulacres . De plus, Mattéi identifie au sein d’une triple équation la liberté, l’humanité et l’acte comme « faculté de commencer », dans la lignée de Camus et Arendt . En cela, la trame de l’humanité peut être pérenne, et la dévastation dont il a esquissé la généalogie, les avatars, les contours et les enjeux, est appelée à être « passagère, vouée à disparaître » . Le cri d’espoir qui clôt cet essai est ainsi une foi en la liberté humaine, et consiste à affirmer que quoi qu’on fasse, « on ne pourra jamais effiler l’humain » .
Que l’on adhère pleinement, peu ou pas à la pensée de Jean-François Mattéi, cet essai séduit dans tous les cas par la vivacité de la pensée philosophique qui s’y déploie, et par ses miroitements diaprés qui invitent l’extra-philosophique dans une réflexion dénuée de toute prétention. Cela tempère d’ailleurs les critiques éventuelles qui pourraient être adressées à certains de ses postulats, à l’instar des objections que lui adresse Raphaël Enthoven dans sa préface, visant à nuancer certaines thèses de l’ouvrage. Le regard humain sur le monde que porte Mattéi, aussi bien que cet espoir qui l’anime et qui renaît de ses cendres in extremis, ne peut qu’émouvoir. Car y a-t-il un cri d’espoir en l’humain plus éloquent que celui d’un homme dont seule son écriture demeure ?
La condition de l’homme moderne : le constat de la dévastation
L’homme dévasté, qui est le dernier homme, est bien celui qui a effacé l’horizon avant de disparaître dans un ultime clignement d’œil.
Le constat de la dévastation de l’homme moderne porte en creux le dépérissement de ce qui fut : une construction de la culture européenne, humaniste, remontant à la Grèce antique. Mattéi retrace les rouages et la cible de la déconstruction, cet anti-humanisme théorique qui a désolidarisé le XXe siècle des fondements de la culture occidentale, annihilant non seulement une certaine pensée « architectonique » mais aussi du même coup les conditions d’accès à un monde doué de sens, lui-même garant de l’humanité . Cible des déconstructeurs, l’idée architectonique qui a longtemps porté la culture européenne connaît effectivement un déclin : un déclin de l’architectonique de la cité induisant celui de l’architectonique de la pensée . Contre la déconstruction et la « barbarie » qu’il y décèle, Mattéi dénonce la stérilité de celle-ci autant que son « mouvement ravageur » qui dénote une tentative « de suppression de la condition humaine dans son imbrication avec le monde » .
Empruntant à Nietzsche la figure de l’« ensablement » et au sociologue Zygmunt Bauman celle de la « liquéfaction », Mattéi situe la dévastation comme « l’action d’un homme qui se déserte de lui-même et du monde. » . Le corollaire de cette renonciation à l’humain est pour Mattéi que « l’homme a perdu le sens de l’orientation » , sous le coup d’une dissolution des fondements théologiques et moraux mais aussi logiques et ontologiques : « tout ce qui relevait, dans les discours de la tradition, d’un principe, d’une fondation ou d’un centre, c’est-à-dire d’une source de sens, a été répudié comme une illusion » . Aussi, selon Mattéi, « on ne peut que constater, avec la destruction de l’homme, la dévastation radicale de l’âme et du monde » . Au sein du constat de la dévastation de l’homme, on retrouve, par ailleurs, une filiation camusienne notable, soulignée par Raphaël Enthoven dans la préface. En écho à L’homme révolté de Camus, qui est « un homme qui dit non à ce qui transgresse les frontières de l’humain et qui dit oui à la part précieuse de lui-même » , Mattéi trace les contours de cette figure de l’homme « dévasté », qui est « le négatif » de l’homme révolté et « une rupture dans la chaîne de l’humanité » .
La déconstruction du langage, du monde et de l’art
La rupture avec la construction de l’homme est poursuivie par une entreprise de déconstruction généralisée, s’étendant du langage au corps en passant par le monde et l’art. La fascination pour le vide au sein de la pensée française du second XXe siècle inaugure une ère marquée par la volonté de rompre avec les récits fondateurs. Mattéi identifie, à cet égard, une « tragédie de la déconstruction [qui] se joue en quatre actes sur la scène du langage » : partant de la neutralisation de l’écriture et de l’existence qui instaurent une voie impersonnelle, cette tragédie se dénoue en une reconnaissance commune pour tous les déconstructeurs qui révèlent ainsi leur objectif partagé, celui d’« en finir avec l’astre qui commandait la raison édificatrice pour laisser le champ libre à l’épuisement du désastre » . Se référant à Deleuze, Guattari et Derrida, Mattéi trace les sillons de ce mouvement déconstructeur en en soulignant les étapes, les enjeux et les effets en présence. Pour Mattéi, le corollaire de cette déconstruction est le suivant :
Il n’y a plus dans le livre, dans l’homme ou dans les choses ni profondeur ni hauteur, seulement des lignes indécises de segmentation, des tiges superficielles ou des plateaux connectés, puis déconnectés, sans qu’aucun horizon vienne éclairer un monde dévasté.
Prolongeant la déconstruction du langage, la déconstruction du monde brouille les frontières du réel en substituant le modèle par le simulacre. Mattéi décrypte cette nouvelle échelle de la déconstruction en faisant dialoguer, entre autres, Platon, Günther Anders, Jean Baudrillard et Guy Debord, au croisement d’œuvres cinématographiques. Ces dernières sont invoquées d’une part, comme illustration du règne des simulacres et, d’autre part, comme partie prenante à leur création. La première dimension consiste en une mise en abyme de ce monde déconstruit : Mattéi dresse ainsi une brillante analyse de la trilogie Matrix qui « décline de façon originale le thème de la dévastation de l’homme par la technique, ou du moins celui de sa soumission aux simulacres. » . Par ailleurs, Mattéi décrit l’emprise du virtuel sur le réel, résultant de la prévalence des nouvelles technologies, faisant que l’« existence de l’homme se réduit à un fourmillement de pixels » . Des films mettant en scène une réalité virtuelle ou un monde de simulacres jusqu’aux jeux vidéo créant des univers virtuels, l’analyse de Mattéi met en évidence la question ontologique qui les relie. Le règne de la simulation et la préférence de l’image à la chose conduisent à une désertion du monde : « sous des regards dévastés, le monde est devenu un codage numérique » .
L’état des lieux de la déconstruction se poursuit avec l’art où le processus établit une « dévastation revendiquée des formes artistiques » . Mattéi en montre les effets dans cinq domaines artistiques : le langage poétique, les arts plastiques, la musique, le cinéma et l’architecture. Aussi, la modernité artistique se traduit-elle éminemment par des modifications fondamentales : « en littérature, la neutralité de l’écriture, en peinture, la vacuité de la toile, en musique, le silence de l’instrument, auront été les limites ultimes d’un art devenu étranger à lui-même » . La subordination du geste créateur au discours, la substitution de la représentation par la simulation, ou la substitution des structures en temps continu par les processus, figurent ainsi parmi les effets de cette transfiguration de l’art au contact de la déconstruction. La singularité de ce positionnement de l’art contemporain va de pair avec son aporie qui, pour Mattéi, « tient à sa dérive vers la conceptualisation et à sa confusion avec le processus » .
Face au spectre de la liquéfaction de l’humain, l’espoir en sa pérennité
Après avoir effacé le visage de l’homme dans la peinture et la sculpture, démantelé la parole dans la poésie, l’intrigue dans le roman et le cinéma, la déconstruction contraint l’homme à s’absenter d’un corps dont il tient pourtant son existence.
Cible ultime de la déconstruction généralisée, le corps humain parachève ce mouvement de déconstruction, incarnant la figure extrême de la dévastation. Mattéi identifie ce nouveau rapport à la corporéité dans un double mouvement, de régression et de confusion de l’homme avec d’autres formes de vie et, d’autre part, une transgression vers une fusion de l’homme avec les machines : une « défiguration » ou « dénaturation » de l’homme qui conduit à sa destruction ou dévastation . La neutralisation du corps est aussi un des effets de cette déconstruction du corps, que l’on retrouve dans les gender studies : « le corps de l’homme [est] dissous par le discours qui le remplace. » . De la transgression du sexe vers le genre, Mattéi passe à la transgression de l’humain vers le surhumain : ce posthumanisme - qui a tendance à se sublimer en « transhumanisme » - procède à la construction d’un être artificiel, simulant l’homme naturel. Notre monde contemporain est pour Mattéi celui du « dernier homme » que Nietzsche avait annoncé, et le paradoxe de cette évolution en cours est qu’il s’agit bien d’un « projet humain d’en finir paradoxalement avec l’être humain » . La déconstruction théorique de l’humanité se dédouble ainsi en une déconstruction physique de l’homme.
Face au constat de la déliquescence de l’homme, le tableau dressé par Mattéi atteint son terme sur une note alarmante : « la déconstruction a fêté un bal des adieux […] L’adieu à ce qui faisait la substance de l’humanité […] l’adieu à la condition humaine » . Pourtant, dans ce sombre tableau, l’idée « a le premier et le dernier mot » et sa primauté vient sauver l’homme de son enlisement dans les simulacres . De plus, Mattéi identifie au sein d’une triple équation la liberté, l’humanité et l’acte comme « faculté de commencer », dans la lignée de Camus et Arendt . En cela, la trame de l’humanité peut être pérenne, et la dévastation dont il a esquissé la généalogie, les avatars, les contours et les enjeux, est appelée à être « passagère, vouée à disparaître » . Le cri d’espoir qui clôt cet essai est ainsi une foi en la liberté humaine, et consiste à affirmer que quoi qu’on fasse, « on ne pourra jamais effiler l’humain » .
Que l’on adhère pleinement, peu ou pas à la pensée de Jean-François Mattéi, cet essai séduit dans tous les cas par la vivacité de la pensée philosophique qui s’y déploie, et par ses miroitements diaprés qui invitent l’extra-philosophique dans une réflexion dénuée de toute prétention. Cela tempère d’ailleurs les critiques éventuelles qui pourraient être adressées à certains de ses postulats, à l’instar des objections que lui adresse Raphaël Enthoven dans sa préface, visant à nuancer certaines thèses de l’ouvrage. Le regard humain sur le monde que porte Mattéi, aussi bien que cet espoir qui l’anime et qui renaît de ses cendres in extremis, ne peut qu’émouvoir. Car y a-t-il un cri d’espoir en l’humain plus éloquent que celui d’un homme dont seule son écriture demeure ?
Notes |
Jean-François Mattei, L'homme dévasté, Éditeur Grasset, Collection Essais, 288 pages, 19€ |
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