La Tribune
Si les dirigeants européens
n'ont pas tari d'éloges au sujet de l'accord trouvé mercredi sur l'union
bancaire, les thématiques de la défense et des contrats de
compétitivité, discutées lors du Sommet européen de jeudi et de
vendredi, ont en revanche mis en exergue leurs dissensions. Seul le
tiède accord sur l'Ukraine a semblé faire l'unanimité.
-La Défense :
La chancelière allemande, Angela Merkel, a plaidé pour une plus
grande coopération entre Européens, notamment en matière de défense, un
sujet qui n'avait pas été au menu d'un sommet européen depuis cinq ans.
"L'Europe pourrait travailler de manière beaucoup plus étroitement
coordonnée", a-t-elle déclaré, en évoquant une "mise en commun" dans les
équipements. Le président français, François Hollande, a souhaité des
"résultats", en plaidant pour un accord de coopération dans "le drone de
nouvelle génération, qui pourrait être justement l'une des réalisations
de l'Europe".
Mais le Premier ministre britannique, David Cameron, a sèchement
confirmé que Londres bloquerait toute initiative allant dans le sens
d'une véritable défense européenne. "Il est sensé pour les nations de
coopérer dans le domaine de la défense afin d'assurer notre sécurité.
Mais il n'est pas bon pour l'UE de se doter de capacités communes,
d'armées, de moyens aériens et du reste", a-t-il affirmé.
-La Centrafrique :
La France a obtenu un timide engagement des autres pays européens en
Centrafrique, où l'Union européenne (UE) pourrait lancer en 2014 une
mission de soutien, sans pour autant financer directement l'opération
française. Ce soutien politique a été formalisé par le président du
Conseil européen, Herman Van Rompuy, qui a affirmé que l'intervention
des 1.600 soldats français à Bangui avait "permis d'éviter le désastre
d'une guerre civile, voire même peut-être un génocide".
Les différentes options devront être mises sur la table par la chef
de la diplomatie de l'UE, Catherine Ashton, qui les présentera aux
ministres des Affaires étrangères lors de leur prochaine réunion
mensuelle, prévue le 20 janvier à Bruxelles. En attendant, les pays
européens devraient se contenter d'aider la France avec un soutien
logistique, sous la forme de mise à disposition d'avions gros porteurs.
L'activisme de M. Hollande sur la Centrafrique a, semble-t-il, irrité
certains de ses homologues, selon des sources diplomatiques. "Quand on
lance une telle opération, il est important qu'on puisse se mettre
d'accord avant. On ne peut envoyer l'addition après", a ainsi déclaré le
chancelier autrichien, Werner Faymann. Plus diplomate, l'Allemande
Angela Merkel a déclaré que son pays ne financerait pas
"rétroactivement" l'opération française et qu'il fallait "encore
discuter" du soutien que pourrait apporter l'UE.
-Les contrats de compétitivité :
L'idée de contrats, par lesquels les Etats de l'Union européenne
s'engageraient à effectuer des réformes structurelles en échange d'un
soutien financier, a buté lors du Conseil européen de Bruxelles sur les
réticences de nombreux pays. Ces "partenariats pour la croissance,
l'emploi et la compétitivité", prônés par Berlin mais considérés avec
prudence par d'autres, dont Paris, sont au coeur du débat sur
l'approfondissement de l'union économique et monétaire (UEM).
"Le problème, c'est qui apporte les soutiens financiers, et comme
cette question n'est pas pour l'instant réglée, il y a une
interrogation", a expliqué jeudi soir François Hollande lors d'une
conférence de presse en marge du Conseil européen. En tout état de
cause, ces soutiens ne peuvent être financés par le budget européen, ni
par une éventuelle "capacité budgétaire" dont serait dotée la zone euro,
dans la mesure où ces arrangements concerneraient potentiellement toute
l'UE, a fait valoir le président français.
Il a estimé que la Banque européenne d'investissement pourrait jouer
un rôle d'accompagnement. Mais il se dit surtout favorable, comme le
président du Conseil italien Enrico Letta, à la possibilité de recourir à
l'emprunt, ce qu'il appelle une "capacité financière". Le Conseil
européen a renvoyé à octobre 2014 la poursuite des discussions au niveau
des chefs d'Etat et de gouvernement, au lieu de juin comme initialement
prévu.
-L'Ukraine :
L'Union européenne reste disposée à signer un accord d'association
avec l'Ukraine, a déclaré vendredi le Conseil européen, qui a cependant
lancé un appel à la retenue et au respect des droits de l'homme et des
libertés dans ce pays. Le président ukrainien, Viktor Ianoukovitch, a
préféré au dernier moment, le 21 novembre, se rapprocher de la Russie
plutôt que de signer cet accord, ce qui a déclenché un vaste mouvement
de contestation de son pouvoir.
Dans les conclusions de sa réunion de jeudi et de vendredi à
Bruxelles, le Conseil européen précise que l'UE reste disposée à signer
cet accord, qui prévoit l'instauration d'une zone de libre-échange avec
cette ancienne république soviétique. Le Conseil appelle néanmoins à la
retenue et au respect des droits de l'homme et des libertés
fondamentales, et plaide en faveur d'un règlement démocratique de la
crise politique en Ukraine, "qui répondrait aux aspirations de la
population ukrainienne".