Le bavardage mondain avant l'analyse politique
Jacques-Yves Rossignol
Il est important de bien comprendre le rôle de tous ces endroits
où, sous les prétextes les plus divers, se rencontrent et se confortent
les théoriciens du mondialisme et leurs idéologues, c'est à dire ceux
chargés de justifier les pouvoirs en place et les décisions qu'ils
prennent.
Il est très difficile d'appliquer ouvertement une politique cruelle et glacée ; les propriétaires du monde doivent envelopper, enrober leurs interventions, dans un discours humaniste et humanitaire. Ils doivent donner des raisons relativement plausibles et cohérentes à tout ce qu'ils font. Tous ces discours doivent être servis avec beaucoup d'assurance : on ne doit pas percevoir qu'il y a d'autres options.
Ils
savent surtout ce qu'il ne faut pas dire : ils invitent donc des gens
qui parleront sans franchir les dangereuses limites entre le bavardage
mondain et l'analyse politique. On invite donc des gens de religion, des
gens de morale, des universitaires que l'on sait acquis ou inoffensifs,
ou carrément gâteux. On ne peut pas parler de tromperie ou de mensonge
puisque la plupart d’entre eux ont été formés d'une façon telle qu'ils
n'imaginent même pas que l'on puisse dire quelque chose de fort et de
vrai sur la société.
C'est dans ces lieux que se forment les discours consensuels répétés partout. Dans ces lieux et pas dans les médias comme on le dit souvent. Les médias n'inventent pas d'idéologie, ils ne font que répéter et diffuser des discours qui se forment ailleurs et qui s'imposent effectivement parce qu'ils occupent tout le terrain ! Les journalistes "vendus" ne font que répéter des sortes de petites théories consensuelles qu'ils n'inventent pas du tout ! Or, tout le monde gémit contre les médias et presque personne n'essaie d'étudier comment se forment ces petites théories consensuelles qui occupent tout le terrain !
Pour
élaborer ces discours consensuels à large diffusion, on s'éloigne des
lieux de pouvoir proprement dits. On dira la même chose que dans les
lieux de pouvoir purs et durs mais sous des formes plus discrètes, plus
enrobées. On met des distances, des intermédiaires et aussi des
références spirituelles ou artistiques. On se réunit dans un couvent ou
un centre d'art contemporain. Là, on est entre soi, on est à l'abri du
peuple et des gêneurs.
Il s'agit donc bien d'éviter que l'on puisse dire des choses solides, des choses vraies sur les conflits dans la société. Dans tous les cas, l'essentiel, c'est de ne pas parler de la réalité sociale. Parfois on a chaud : il y a quand même dans le public des questions qui abordent la réalité contemporaine mais on est rodé : on réussit à répondre à côté ou à ne pas répondre du tout.
Quels que soient les sujets, on élude, on distancie, on euphémise. C'est cela le métier d'idéologue. Des banalités religieuses, morales ou philosophiques, un petit stock de citations tiennent lieu d'analyses. Tout cela est accueilli par des sourires convenus. A la fin, on est soulagé : on a réussi une fois encore à parler pour ne rien dire devant un public acquis d'avance qui est venu pour entendre précisément un discours qui ne dit absolument rien. Rien, sauf ceci : notre hypocrisie fonctionne à merveille !
Il serait bien utile et formateur de pénétrer, de fréquenter enfin ces lieux, d'apprendre à les connaître, de comprendre la véritable manière dont la bourgeoisie mondialiste méprise le peuple. Et d'apprendre à contrer enfin ces discours, essentiellement par l'invention d'autres discours consensuels mais ironiques et surplombants.