L'ambassadrice
américaine à l'ONU Samantha Power a effectué une visite surprise en
République Centrafricaine. Samantha Power est une diplomate américaine,
spécialiste de la question du génocide dans les conflits du 20ème
siècle, notamment en ex-Yougoslavie et au Rwanda. C'est un signal fort
et même très fort des Etats-Unis, de plus en plus scandalisés par les
violences interreligieuses qui ont déjà fait près d'un millier de morts
dans un territoire normalement pré-carré de la France. Samantha Power
est la plus importante responsable américaine à se rendre en République
centrafricaine, où l'administration US a qualifié la situation de
«pré-génocidaire». Elle a rencontré le président centrafricain de
transition et ex-chef rebelle de la Séléka, Michel Djotodia et s'est
entretenu avec les hauts dignitaires musulmans et chrétiens tous
impliqués à titre divers dans les massacres.
« Les populations (centrafricaines) sont en très grand danger et nous avons tous la responsabilité de les éloigner de l'abîme»,
a-t-elle déclaré en préambule à son déplacement. Sa visite intervient
alors que Bangui, patrouillée par les militaires français et la force
africaine, connait une relative normalisation même si de l'avis de tous,
la situation reste fragile. "De graves violations des droits humains continuent d'être commises dans le nord du pays ainsi qu'à Bangui", s'est alarmée une organisation de défense des droits de l'homme, Human Rights Watch (HRW),pour qui « le risque de nouvelles violences généralisées est extrêmement élevé ».
La
République Centrafricaine est plongée dans l'anarchie et le chaos
depuis la prise du pouvoir en mars 2013 par la Séléka, coalition
hétéroclite de groupes armés musulmans venus du nord du pays. Or, cette
coalition, la France ne l'a-t-elle pas souhaitée puisqu'elle a lâché
l'ancien président chrétien qui avait eu le malheur de se tourner vers
la Chine ? Certes, la France fait le sale boulot comme elle le fait
aussi au Mali, comme elle l'a fait en partie en Libye. Pourtant, pour
Samantha Power, les Etats-Unis sont «reconnaissants envers les Français et les courageux soldats africains qui risquent leurs vies pour aider à protéger des civils»
tout en ajoutant aussitôt que Washington fournit un soutien logistique à
la Mission de maintien de la paix en Centrafrique (Misca) avec le
transport aérien en cours de 850 soldats burundais vers la Centrafrique.
De la Fomac à la Misca ou comment cacher les paras...
Forte
de 3.700 hommes, cette Mission internationale de soutien à la
Centrafrique (Misca), mandatée par l'ONU, a pris officiellement le
relais de la Fomac déployée depuis 2008. Le drapeau de la Communauté des
Etats d'Afrique centrale (CEEAC) a été baissé et remplacé par celui de
l'Union Africaine (UA). Ce transfert d'autorité marque l'élargissement
de la force africaine, jusqu'à présent composée de contingents des pays
voisins (Cameroun, Congo, RDC, Gabon, Tchad, Guinée Equatoriale) à
d'autres pays du continent, tel que le Burundi. A terme, la Misca
devrait compter environ 6.000 hommes pour mener à bien, au côté de
l'armée française, sa difficile mission de rétablir la sécurité dans le
pays.
De
son côté, l'armée française a lancé le désarmement forcé des milices et
groupes armés à Bangui. A ce jour, ce sont environ 7.000 combattants de
l'ex-Séléka qui ont été désarmés et sont cantonnés dans leurs casernes à
Bangui.. Après avoir désarmé en priorité les ex-Séléka, les soldats
français visent maintenant les milices "anti-balaka", très présentes
dans certains quartiers chrétiens. La France ne cesse de réaffirmer son
"impartialité" sur le plan militaire. Or, la France avait bien en RCA
choisi son camp par le lâchage prémédité de l'ancien président François
Bozizé qu'elle n'a jamais volontairement aidé à prendre le contrôle du
Nord du pays. En participant plus qu'activement au dynamitage de la
Libye, la France n'a-t-elle pas par ailleurs rendue l'Afrique noire
incontrôlable ?
Tout
l'été, les organisations non gouvernementales ont dénoncé les pillages
et les atteintes aux droits de l'homme en RCA. Il était bien clair qu'un
conflit à teneur confessionnelle se profilait en RCA. Les membres de la
Séléka sont essentiellement de confession musulmane alors que la
population centrafricaine est composée à 80 % de chrétiens. Le conflit
devait cristalliser les sentiments d'appartenance religieux. A quoi a pu
servir toute l’aide à l'éducation fournie par la France depuis des
années à la RCA ? Quid des journées des droits de l'Homme à l'Alliance
française ou des programmes humanistes du lycée français de Bangui ?
Certes il existe en République centrafricaine, depuis de longue date,
des conflits traditionnels, tant économiques que religieux, entre
éleveurs nomades musulmans et paysans sédentaires chrétiens, pourtant,
ce qui arrive reste inédit dans un pays où les populations jusqu'alors
vivaient dans les mêmes quartiers et les mêmes villages. Ce sont bien
des religieux sunnites qui ont déferlé à leur façon, en 4X4, par petits
groupes, armés et financés par le Qatar et l'Arabie Saoudite sur la RCA
comme sur toute l'Afrique noire.
Le
problème de la RCA n'est pas un problème néocolonial comme les esprits
chagrins voudraient nous le faire croire en raisonnant sur de vieux
schémas dépassés, ceux de la Françafrique. Il pose la question des
effacistes et des remplacistes français qu'ils soient solfériniens ou
sarkozistes. Il pose la question de la dépendance politico-financière de
la France à l'égard de Ryad et des monarchies du Golfe comme de la
faiblesse de notre budget de défense et de nos finances tout court.