Rédigé par Propos recueillis par Adélaïde Pouchol le
Spécialement créé pour aider
la cellule familiale attaquée de toute part, l’Institut pour la Famille
en Europe a déjà mis en place en France plusieurs « Accueils Louis et Zélie »
et propose toute une action centrée sur la prière pour sauver les
couples en difficulté. Entretien avec son président, Guillaume
d’Alançon.
L’Institut pour la Famille en Europe a publié récemment un livret de neuvaine à « Marie qui refait les couples » (Marie qui refait les couples, Life Éditions, 40 p., 4,90 €). Comment est né ce projet ?
Guillaume d’Alançon : La
conviction profonde que l’amour conjugal est à la base de la paix
sociale. Les crises qui affectent notre monde prennent très souvent
naissance dans la fracture des familles. Aussi, il me paraît essentiel
que les couples se confient à la Vierge, en tout temps mais aussi
lorsqu’ils traversent des moments difficiles car, lorsque les
problématiques de la vie conjugale ne sont résolues que sur le plan
strictement naturel, elles ne sont en réalité pas vraiment résolues.
N’oublions pas que le mariage est un sacrement, c’est ce qui rend
l’union authentique entre l’homme et la femme insupportable à Satan… qui
veut s’en mêler pour y semer le trouble. Enfin, en cette année du
centenaire des apparitions de Fatima, la médiation de la Vierge est
irremplaçable. Nous serions fous de nous en priver !
Si faire face aux problèmes de couples sur le plan naturel – avec l’aide d’un conseiller conjugal par exemple – ne vous semble pas suffisant, cela vous paraît-il néanmoins nécessaire ?
Certainement ! On a pendant trop longtemps
fait uniquement de l’horizontal sans la dimension spirituelle mais
faire l’inverse serait tout aussi désastreux. Il faut trouver
l’équilibre entre la nature et la grâce.
Pourquoi cette idée de neuvaine pour les couples vous est-elle venue ? Cette problématique vous semble-t-elle avoir une actualité particulière ?
La question du couple est très actuelle
dans la mesure où la famille est aujourd’hui attaquée de toutes parts.
Ce qui reste de l’ordre naturel semble en passe d’être détruit. Nous
vivons un combat de type apocalyptique, le combat de la fin des temps.
Cela ne veut pas dire pour autant que nous sommes à la veille de la fin
du monde car, en réalité, on trouve des traces de ce combat
apocalyptique à toutes les époques, un combat aux implications
politiques évidentes, qui se manifeste principalement dans la négation
de la royauté sociale du Christ. Une cité qui a mis Dieu dehors connaît
très vite de graves conflits en son sein. Et les couples sont les
premiers à en subir les conséquences.
Cette neuvaine a été publiée par l’Institut pour la Famille en Europe, que vous dirigez. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?
L’Institut pour la Famille en Europe
(LIFE) a été créé en 2015 pour accompagner le développement des
« Accueils Louis et Zélie ». Il s’agit de proposer un accompagnement de
proximité pour les couples, les femmes confrontées à une grossesse
inattendue, les familles, les jeunes mais aussi les personnes seules ou
âgées. Nous avons déjà six centres dans le Sud de la France et nous
travaillons en ce moment sur une dizaine de projets d’implantation. Nous
œuvrons également en lien avec d’autres pays européens comme l’Espagne,
la Suisse et l’Italie qui sont également intéressés par ce projet. Nous
avons notamment reçu le soutien de Mgr Morerod, évêque de Lausanne,
Genève et Fribourg, et président de la Conférence épiscopale de Suisse.
Le Pape François avait demandé que l’Église soit un « hôpital de campagne »,
c’est-à-dire qu’elle soit sur le front, là où les blessures sont les
plus vives. C’est la raison pour laquelle les accueils Louis et Zélie
sont tenus par des personnes formées, notamment des professionnels de
santé, des professionnels de l’écoute, des moniteurs Billings… Leur
priorité est d’aider leur prochain avec compétence sans oublier d’être
missionnaires. Il ne s’agit pas d’une écoute neutre… Pour le moment, la
majorité des gens que nous recevons ne sont pas pratiquants… ils sont
reçus avec un respect absolu, et c’est parce que nous les respectons que
nous leur devons une aide reçue d’en haut. Si les problèmes des
personnes rencontrées dépassent nos compétences, on les oriente vers des
spécialistes fidèles à l’anthropologie et à la morale catholique :
médecins, avocats, etc. Pour cela, nous nous appuyons essentiellement
sur l’enseignement de Jean-Paul II.
Le démon étant à l’œuvre pour diviser,
surtout dans les milieux catholiques, nous nous situons résolument en
complémentarité avec les nombreux organismes qui œuvrent déjà en ce sens
et n’hésitons pas à relayer les initiatives de la Fondation Lejeune,
d’Alliance Vita, de Mère de Miséricorde, de la Communion Notre-Dame de
l’Alliance, d’Amour et Vérité…
Comment se structure cette neuvaine ?
La neuvaine est composée de trois parties.
La première comprend neuf méditations pour les neuf jours de la
neuvaine, en intégrant à chaque fois une problématique spécifique de la
vie conjugale : estime de soi, fécondité, fidélité, éducation des
enfants, maladie, crise de la foi d’un conjoint… Chacune de ces
problématiques est reprise dans la prière en couple sous le regard de la
Vierge. À la méditation propre des neuf jours s’ajoute une prière à la
Vierge que les couples reprennent quotidiennement. La seconde partie de
la neuvaine est une litanie à « Marie qui refait les couples ». Enfin,
le livret propose un petit atelier temps d’écoute, qui formalise en des
règles simples mais très concrètes l’esprit de ce que peut être le temps
d’écoute réservé au conjoint. C’est une écoute exclusive de l’autre,
qui ne doit normalement pas être interrompu, même lorsque ses propos
peuvent être difficiles à entendre. Les problèmes peuvent être résolus
pourvu que celui qui parle ait le sentiment d’avoir été vraiment
entendu… L’autre prend ensuite le temps de reformuler pour être sûr
d’avoir bien compris ce qui lui a été dit. Reprendre ensuite chaque
difficulté ou incompréhension posément permet de dépasser le premier
niveau de l’émotion pour entrer dans une démarche rationnelle, sans
oublier Notre Dame, présente discrètement au cœur de ces ateliers, comme
à son habitude.
Cette méthode d’écoute et de reformulation est finalement assez proche de ce que proposent, par exemple, les Équipes Notre-Dame avec le « devoir de s’asseoir ».
En partie, oui, mais lorsqu’un couple va mal, le « devoir de s’asseoir » peut
vite se transformer en « devoir de se chamailler », et l’atelier
d’écoute proposé en complément de la neuvaine est précisément construit
pour éviter cet écueil. En disant cela, je ne remets bien évidemment pas
en cause le bien-fondé et l’importance du « devoir de s’asseoir » !
L’atelier est-il pensé pour que les couples prennent un temps d’écoute chacun des neuf jours de la neuvaine ?
L’atelier d’écoute peut-être dissocié de
la neuvaine elle-même, c’est à chaque couple de déterminer le temps dont
il a besoin. Toujours est-il que cette écoute nécessite du calme et du
silence pour que la conversation soit portée par une certaine vie
intérieure. Même si les blessures à aborder avec son conjoint sont très
profondes et douloureuses, il faut savoir trouver une atmosphère qui
incite à la confiance et à la confidence. Dans une ambiance de
recueillement. Toute action pour porter du fruit doit jaillir de la
prière avait dit un jour en substance Marthe Robin.
D’où vient cette méthode d’écoute proposée dans le livret ?
Elle vient d’abord de l’expérience de
couples, affinée ensuite par des rencontres variées, des moines
notamment. La vie monastique, dans son essence, est une vie de famille,
différente certes de la famille naturelle, mais elle en est une analogie
évidente (cf. Dom Massimo Lapponi, Saint Benoît et la vie de famille). Plus les moines seront moines, plus les couples seront couples. C’est le mystère de la communion des saints. « Toute âme qui s’élève élève le monde »
disait un auteur spirituel. La vie de prière, l’ascèse, le travail,
l’obéissance,… bref toutes les vertus propres à la vie monastique sont
finalement de très bons outils pour que nous, laïcs, puissions nous
« décaper » de l’intérieur.
Dans les premiers temps de l’Église, on
parlait de la vie monastique comme de la vie chrétienne et ce n’est pas
pour rien. Le fait que de nombreux laïcs s’agrègent à des communautés
religieuses est très parlant, ne sont-elles pas d’incomparables lieux de
ressourcement baptismal ? D’ailleurs, la vie conjugale des saints Louis
et Zélie Martin avait une régularité toute monastique… Il y a de
multiples passerelles et lieux de convergence dans l’Église, tout comme
il y a une continuité entre vie contemplative et vie apostolique. Un
certain nombre de textes du chartreux dom Guillerand s’adressaient à des
fidèles laïcs. Si chaque époux ne développe son oreille intérieure dans
l’oraison, celui-ci aura du mal à entendre son conjoint… qui gémit
parfois en émettant un son difficilement perceptible, sauf à l’écoute du
cœur.
Pourquoi s’adresser à la Vierge lorsque l’on a des problèmes de couple ? Après tout, elle qui était sans péché, n’a pas dû connaître ce genre de turpitudes !
C’est très vrai ! Cela dit, Marie est
médiatrice de toutes les grâces et elle nous a toujours promis son
assistance dans les dangers. Par ailleurs, si Marie n’a pas vécu de
difficultés de manière peccamineuse, le foyer de Nazareth a certainement
dû affronter les problématiques du quotidien.
La neuvaine a été publiée en novembre dernier, avez-vous déjà des retours ?
La neuvaine, déjà traduite dans plusieurs
langues, a reçu l’imprimatur de Mgr Aillet, évêque de Bayonne et nous
avons rencontré le Pape en décembre dernier, qui nous a encouragés dans
notre démarche : « Bene, bene, avanti, avanti ! », nous a-t-il
dit. Alors avançons. Nous avons également reçu le soutien de plusieurs
évêques de France et d’ailleurs, de cardinaux romains… En outre, les
retours que j’ai eus jusqu’à présent sont très encourageants. De
nombreux prêtres diffusent le livret auprès de leurs fidèles. Sans
compter les témoignages discrets reçus ça et là.