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mardi 31 juillet 2018

Affaire Benalla : et le gagnant est …

Ceux qui pensaient que l’affaire Benalla serait dévastatrice pour Emmanuel Macron en termes d’image et de popularité peuvent être consternés. Non seulement il ne subit aucun « crash dans les sondages », comme l’écrit Challenges, perdant seulement un point dans le baromètre Ifop/JDD publé ce dimanche, mais il réussit même à en gagner deux, selon un sondage Harris Interactive pour le site Délits d’opinion réalisé de mardi à jeudi et publié samedi.
Néanmoins, cette légère hausse est due à un gain plus important dans un électorat très particulier : les personnes n’exprimant aucune préférence partisane, chez qui il gagne cinq points. En revanche, le Président subit des pertes assez lourdes auprès des Français qui expriment une préférence politique, et ceci, quel que soit le parti, y compris pour La République en marche, où il cède sept points, tout comme chez les sympathisants LR. La baisse est plus limitée auprès de l’électorat socialiste (-3) et de La France insoumise (-1).

S’il est logique que les pratiques du pouvoir révélées par l’affaire Benalla troublent les électeurs qui s’intéressent à la chose publique, il n’est pas étonnant que la stratégie de victimisation jouée par Emmanuel Macron, qui subirait une vengeance des médias et de l’ancien monde, porte ses fruits auprès des autres. Il faut, en effet, souligner que c’est certainement l’argument qui a été le plus repris à l’unisson par tous ses soutiens, d’Alexandre Benalla lui-même à François Bayrou. Le complotisme est un ressort puissant qu’Emmanuel Macron a su parfaitement exploiter pour retourner la situation, ou tout au moins limiter les dégâts.

Le Président peut savourer ce qui est une victoire, et une victoire qu’il ne doit qu’à lui-même, tant ses troupes, autant à l’Assemblée qu’au gouvernement (souvenons-nous des bêtises débitées par MM. Collomb ou Castaner, notamment), étaient complètement désorientées. Mais il n’est pas dit que cette affaire, comme l’écrivait Gabrielle Cluzel, n’aura pas de conséquences négatives pour lui à plus long terme.

Si une grande partie de l’opinion est relativement indulgente pour M. Macron, dans cette affaire, c’est qu’elle ne voit aucune alternative pour exercer le pouvoir. Et l’on peut interpréter ce frémissement de popularité en sa faveur comme résultant d’une peur du vide ou de l’aventure : que se passerait-il si la majorité ou le Président avaient été davantage encore discrédités ? La coalition éphémère de toutes les oppositions à l’occasion de l’affaire Benalla ne peut déboucher sur un scénario à l’italienne où la gauche rejoindrait la droite LR ou RN. Et les membres de la majorité ne se sont pas privés de dénoncer cette incohérence. S’il est, en effet, illusoire d’envisager une alternative qui associerait La France insoumise à la droite, l’épisode devrait inciter cette dernière, qu’elle soit LR, RN ou indépendante, à accélérer sa recomposition de façon à montrer à l’opinion qu’elle n’est pas condamnée à se contenter de M. Macron, bon gré mal gré. Cette stratégie du « moi ou le chaos » a été le ressort de son élection. Il sait aussi l’actionner quand il est en difficulté.

L’affaire Benalla a montré qu’il ne suffira pas que M. Macron trébuche pour que la droite retrouve une crédibilité.

Pascal Célérier

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