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mardi 31 juillet 2018

Pour Macron, comme pour Benalla, l’ennemi, c’est la haute fonction publique, quand elle n’est pas à sa botte

Je n’aimerais pas faire partie de la « team Macron », comme ils se nomment eux-mêmes sur les réseaux sociaux, et être prié de raconter, à mes militants troublés, ou lors d’un dîner d’été en famille, ou devant la Justice, ou à la commission d’enquête parlementaire, le déroulement des faits. En effet, depuis que la même « team » a fait monter Alexandre Benalla sur le ring – euh, non, sur les plateaux télé – avec pour mission de dérouler « un récit des faits alternatif », selon l’expression d’Arnaud Benedetti dans Le Figaro, on court de surprise en surprise par rapport à ce que l’on savait de l’affaire. Ainsi Alexandre Benalla vient-il de révéler, dans son interview au JDD, qu’il avait proposé sa démission, après la notification de sa sanction, qu’il jugeait humiliante, et disait ne pas comprendre :
« J’ai dit que j’étais prêt à démissionner. On m’a répondu que ce n’était pas la peine. »
Cet élément nouveau en rajoute sur la figure du serviteur honnête et dévoué prêt au sacrifice de sa personne pour sauver Macron. Encore quelques interviews dans la semaine et on va enfin comprendre qu’Alexandre Benalla était un parfait serviteur de l’État et du Président mais qu’il a, en plus, « en tant que citoyen », secouru des manifestants frappés par la police place de la Contrescarpe ! Alexandre Benalla, ou comment on fabrique un héros. On a même eu droit à une allusion à son enfance difficile et à l’absence de son père qui a voulu l’enlever plusieurs fois. Pas de doute : le mythe Benalla est en marche. On imagine Sibeth Ndiaye et Mimi Marchand se congratuler mutuellement de la transformation de l’anti-héros en héros au grand cœur.

Mais cette idée de démission cadre quand même assez mal avec le fait qu’il ne comprenait pas pourquoi il écopait d’une sanction… Mais ça, c’est la réalité, c’est bon pour ces teigneux des commissions d’enquête. Revenons à la saga, qui est quand même plus drôle, surtout qu’elle se construit presque en direct sous nos yeux. Et si la team Macron fait parler Alexandre Benalla, celui-ci nous révèle aussi certaines paroles du Président :
« Il m’a pris à part et il m’a dit : “Tu as commis une grosse faute. Ça m’a déçu, je me suis senti trahi. Tu es sanctionné, c’est normal. Je te fais confiance, mais tu vas devoir assumer”.»
Là, on a vraiment le tournis, et l’on mesure la difficulté des dialoguistes pour faire entrer toutes les saillies présidentielles dans une séquence cohérente. Un épisode supplémentaire sera certainement nécessaire pour nous éclairer.

En tout cas, rien qu’avec cette proposition de démission sacrificielle, Alexandre Benalla est entré dans la cour des grands. On est, là, dans des éléments de langage de niveau politique et ministériel. Classe ! On n’est plus du tout dans les bas-fonds de la barbouzerie. Dans le même journal, Jamel Debbouze confiait avoir décliné un poste de secrétaire d’État. Avec son « profil différent » et un tel parcours à la présidence de la République et dans les médias, Alexandre Benalla devrait certainement, un jour ou l’autre, se voir faire une proposition comparable. Une telle capacité à rebondir force l’admiration mais n’étonne guère de la part de celui qui, chef de cabinet de Jean-Marc Mormeck, ancien boxeur nommé en 2016 par M. Valls délégué interministériel à l’Égalité des chances des Français d’outre-mer, expliquait son rôle ainsi, dans un documentaire de Canal+ intitulé « Du ring au ministère » :
« L’administration est quelque chose de parfois lourd et compliqué. Mon rôle, c’est d’aider à trouver des chemins de traverse pour aller plus vite. »
Et quand on lit, ce matin, dans Le Figaro, que le Président veut profiter de cette affaire pour mettre au pas la haute fonction publique, en commençant par la préfecture de police de Paris, on se dit avec inquiétude qu’on n’en a peut-être pas fini, des Alexandre Benalla, dans l’administration selon Macron.

Pascal Célérier

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