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mardi 31 juillet 2018

Emmanuel Macron est devenu un homme politique comme les autres

J’avais commencé sur l’humoriste Tex ayant perdu aux prud’hommes de Paris, qui ont considéré que son licenciement n’était pas abusif et qu’il avait commis une faute grave. De loin, cette décision est extravagante et mortelle pour la liberté d’expression refusant de correspondre aux canons de la bienséance dominante.

Mais j’ai à nouveau succombé à l’actualité « benallesque ».
En effet, après l’affaire Benalla et tout ce qu’elle a suscité sur les plans politique, médiatique et judiciaire, les tribunes pour s’indigner et les tribunes pour dénoncer une instrumentalisation et une hypertrophie, Alexandre Benalla est lui-même ostensiblement devenu le personnage principal de son histoire, multipliant les entretiens où il a fait preuve sinon de sincérité du moins d’une intelligence roublarde et d’une habileté politique indéniable qui ne permettaient plus de le traiter de haut.

Pendant qu’on s’attache à ce qui apparaît comme l’essentiel en surestimant les effets négatifs de cette crise sur le futur présidentiel d’Emmanuel Macron, je me demande si l’important ne se trouve pas ailleurs qui se rapporte à la personnalité du président lui-même.
Sans doute cette intuition explique-t-elle le sentiment qu’il s’agit à la fois d’une affaire d’État mais sans conséquences graves et d’une banalisation de la personne du Président.

Au fond, comme cela a été dit, avec l’affaire Benalla, il est devenu un homme politique comme les autres et ce constat est d’autant plus amer qu’il est partagé par beaucoup de ses soutiens et partisans.

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Emmanuel Macron a, dans l’appréhension de ce qu’il a décidé de nommer « une tempête dans un verre d’eau » (mais alors, quel sacré verre !), évolué d’une condamnation claire et nette, avec l’accusation d’une trahison intime, jusqu’à une indulgence certaine évoquant une sanction proportionnée, un professionnel qu’il avait bien fait de choisir et l’estime qu’il lui maintenait. En quelque sorte, le Président, s’il n’a pu que se résoudre au procès engagé contre Benalla et d’autres à cause principalement des transgressions du premier, a toujours répugné à lui intenter un procès intime. Il lui maintient sa confiance même si, par ailleurs, Benalla, sous la pression politique et médiatique, a dû sortir de son cercle restreint.
Nul ne pourrait prétendre qu’un pouvoir sera forcément à l’abri, en dépit de ses protestations d’honnêteté et de rectitude démocratique, de toute affaire venant troubler le cours du quinquennat, comme s’il pouvait être assuré d’être totalement maître de l’imprévisibilité des malfaisances diverses susceptibles de l’affecter. Ce ne sont pas les crises et l’éthique publique défaillante qui doivent être reprochées à un Président comme si, omnipotent, il avait eu toute latitude pour les prévenir alors qu’on sait bien qu’il en est souvent la première victime.

Et qu’il en devient la seconde parce qu’il gère leurs conséquences en dépit du bon sens. Ce sont les méthodes de toujours, les méthodes de l’ancien monde qui prospèrent et qui apposent, sur le pire surgi au sein de son camp ou chez ses proches, une grille trop ordinaire qui, en gros, cherche à couvrir ce qui ne devrait pas l’être, à faire accepter et comprendre l’inacceptable et à minimiser l’intolérable.

Il y avait le rêve qu’Emmanuel Macron saurait trouver des remèdes d’un nouveau type et qu’il ne traiterait pas le mal par des procédés éculés vieux comme le monde (ancien) mais qu’il inventerait une manière originale d’être responsable et sans détour.
Ce rêve, avec Benalla, s’est dégradé en illusion.

Emmanuel Macron est devenu un homme politique comme les autres.

Qu’on approuve ou non sa politique, lui, en tout cas, nous a tristement ouvert les yeux sur lui.

Ce ne sera pas demain que le nouveau monde nous sourira.


Extrait de : Justice au Singulier

 Philippe Bilger

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