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mercredi 25 décembre 2013

Les 6 illusions de nos dirigeants européens (selon un commissaire européen)


Actuellement, la zone euro fonctionne d’une manière qui est plus avantageuse pour les créanciers et les détenteurs de capitaux des pays forts, et cette situation n’est pas viable, car elle risque de susciter des conflits entre ces gagnants et les autres agents qui sont les perdants de ce système. 


europecarte

Il rappelle que 2013 a été une année de stagnation, avec un nombre de chômeurs dans l'UE qui s'est stabilisé autour de 26,6 millions de personnes, une prévision de croissance nulle pour cette année, et une inflation inférieure à 1%. Mais derrière ces chiffres, on trouve de profondes divergences entre les pays du «cœur», situés au Nord de l’Europe et ceux de la «périphérie» du Sud. Et l’écart ne cesse de grandir entre les situations de ces deux groupes de pays.

Des années de récession et de chômage ont sapé le potentiel de croissance de la périphérie, mais en dépit de cela, au sein de l’UE, le débat semble s’être enlisé dans un vague «consensus Bruxellois » élitiste, qui mine l'avenir de l'Union.

Cependant, ce débat a tout de même produit certaines évolutions depuis 2012, telles que l’intervention réussie de la Banque Centrale Européenne sur les marchés financiers. Mais en général, l'approche de la politique semble erratique ou improvisée, écrit Andor. Cette politique est le résultat de l’«Orthodoxie de Maastricht», que d’autres appellent également « Consensus de Berlin ». Andor répertorie les six principales hypothèses de ce consensus, en expliquant pourquoi ils sont inappropriés dans le contexte politique et économique actuel :

 L'union monétaire peut être viable sans politique fiscale commune ou des mécanismes instituant une solidarité entre les États membres.

Même si l’on a de plus en plus recours à des mesures non orthodoxes en matière de politique monétaire, beaucoup de législateurs répugnent encore à envisager les stimuli fiscaux ou des mesures de réduction de l’endettement par transferts entre pays. Pour le moment, seul le pacte fiscal a été introduit, les rares étapes vers la création d’un budget véritablement commun restent trop modestes.

✔ La dévaluation interne est le meilleur moyen de restaurer la compétitivité, si ce n’est l’unique.

Selon l’Orthodoxie de Maastricht, la dévaluation interne est la solution à adopter en cas de crise, car elle a permis de faire rebondir le PIB lors des crises économiques dans les pays baltes. Mais même si la dévaluation interne permet d’augmenter les bénéfices des entreprises, elle ne stimule pas forcément l’investissement en cas de récession et le prix des actifs tend à ne pas chuter aussi rapidement que les salaires et les pensions. En outre, elle est bien plus mal vécue au plan social qu’elle ne l’était par le passé. Enfin, l’appréciation de l’euro a contrebalancé son effet, et neutralisé les gains de compétitivité qu’elle avait permis de générer dans les pays de la périphérie.

✔,Chaque État membre devrait présenter un excédent de compte courant, et le plus, le mieux

La solidarité reste encore très limitée au sein de la zone euro : les prêts d'urgence qui ont été consentis ont été assortis de contraintes pour imposer la consolidation fiscale et la dévaluation interne, qui ont érigé l’excédent budgétaire primaire en nouvelle priorité de la politique économique, reléguant de ce fait au  second plan les autres priorités de croissance et d’emploi. En conséquence, des excédents budgétaires sont apparus, mais la demande s'est effondrée en Europe, tandis que dans les pays en excédent de compte courant, on a assisté à une fuite des capitaux hors de l’Europe.

✔ Le taux de chômage dépend uniquement de l'offre

L'orthodoxie de Maastricht se concentre uniquement sur les réformes structurelles du marché du travail plutôt que sur une meilleure politique de l'emploi. Elle ne prend pas en compte le fait que le chômage peut être causé par des facteurs cycliques (une demande insuffisante de main d’œuvre) et se centre sur les réformes pour augmenter la flexibilité du marché du travail. Cependant, même si des investissements sont nécessaires en Europe pour augmenter les compétences sur le marché du travail et permettre aux gens d’exercer leur liberté de circulation, les autres réformes destinées à soutenir l’offre risquent d’être inefficaces, voire contre-productives dans ce contexte de demande déprimée.

✔ La BCE doit seulement veiller à la stabilité des prix (des pays cotés AAA)

L'objectif principal de la BCE est la stabilité des prix, la croissance et l'emploi n’étant jugés que d'une importance secondaire. Cela se traduit par un objectif d'inflation nominale inférieure à 2% (actuellement, certains pays se trouvent même en dessous de ce seuil). Cette faiblesse de l’inflation, couplée à des taux de croissance faibles ou négatifs, signifie que les pays les plus faibles de la zone euro sombrent dans un endettement toujours croissant et de plus en plus incontrôlable en l’absence de politique monétaire ou fiscale expansionniste.

✔ L'aléa moral présente plus de risque qu’une récession prolongée dans les pays de la périphérie de la zone euro


Le tabou de l’orthodoxie de Maastricht concernant les transferts fiscaux entre Etats membres de la zone euro et la réticence à envisager d'autres solutions comme l’émission de titres représentatifs d’une dette jointe au sein de la zone euro est basé sur le principe de l'aléa moral. D’un côté, les pays forts de la zone euro redoutent d’avoir à expliquer à leurs électeurs qu’ils payent des sommes pour d’autres gouvernements, tandis que ceux qui connaissent de fortes récessions doivent expliquer à leurs électeurs pourquoi ils ne parviennent pas à redresser l’économie, à créer des emplois, et à réduire l’endettement public. 

Même si les politiques d’emploi, d’éducation, et d’avantages sociaux relèvent du niveau national, les gouvernements nationaux sont de plus en plus privés de la capacité d’agir sur les données macroéconomiques, et de ce fait, ils ont perdu la confiance des électeurs. L’adhésion à l’orthodoxie de Maastricht mène à un affaiblissement de l’adhésion à l’Europe, et nous pourrions assister à l’arrivée au pouvoir de partis qui pourraient menacer la compatibilité de l’adhésion à la zone euro avec la démocratie.

Conclusion: l’orthodoxie de Maastricht est avantageuse pour les créanciers et les détenteurs de capitaux, mais désastreuse pour les travailleurs, les chefs d’entreprise, les débiteurs et les usagers des services publics. Deux scénarios sont possibles pour cette zone euro polarisée: soit cette dynamique est modifiée grâce à une réforme de la zone euro, ou celle-ci risque d’être détruite par le conflit politique entre les gagnants et les perdants.

Le fait que la zone euro favorise les créanciers et les détenteurs de capitaux contribue à la mise en place de politiques économiques qui provoquent la stagnation, plutôt que le progrès. Les divergences de situations économiques alimentent aussi une polarisation politique, alors que les acteurs qui pourraient surmonter ces divergences sont trop peu nombreux.

Comment peut-on s’écarter de cette orthodoxie ? Le projet d’une Europe unie, solidaire et juste  dépend des agendas politiques des membres du Conseil européen et des dirigeants qui chercheront bientôt à obtenir le vote des électeurs pour avoir un mandat au Parlement européen, rappelle Andor.