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jeudi 30 janvier 2014

Immigration : la votation suisse qui défie l’Union européenne


suisse
 
 
Il pourrait y avoir des gueules de bois, le 9 février, lors de l’annonce des résultats. Chez moi, la bouteille de champagne est au frais. 
 
Dimanche 9 février, il va se passer quelque chose d’inimaginable dans aucun autre pays : une votation demandera l’avis du peuple suisse, sur l’immigration de masse. En effet, depuis 2007, le Conseil fédéral, sous pression de l’Union européenne, a autorisé la libre circulation des personnes. Pour faire passer la pilule, les dirigeants avaient promis qu’il n’y aurait pas davantage que 8.000 entrées par an. Six ans plus tard, on en est à 80.000, soit, pour un pays de 8 millions d’habitants, l’équivalent de 650.000 entrées d’immigrés par an en France !

L’Union démocratique du centre (UDC) a donc recueilli les 100.000 signatures nécessaires à l’organisation d’une votation, dans les 26 cantons de la Confédération helvétique. Et le débat démocratique est lancé. Le parti d’Oskar Freysinger explique qu’en 1980, la Suisse comptait 5,4 millions d’habitants. Depuis cette date s’y sont ajoutés 1,8 million d’immigrés, dont 800.000 ont obtenu la nationalité suisse. Ce pays compte aujourd’hui sur son territoire 23 % d’étrangers. Si l’évolution de la population se poursuit au même rythme, la Suisse comptera, en 2035, 10 millions d’habitants.
L’UDC ajoute que 80.000 nouveaux venus, cela représente l’équivalent annuel de 34.500 logements supplémentaires, 300 classes d’école, 42.000 voitures, 150 éoliennes…

La situation suisse est pourtant fort différente de celle de notre pays : seulement 3 % de chômeurs helvètes, et 6 % de chômeurs étrangers. Mais ceux-ci bénéficient de 47 % des aides sociales, et 70 % des délits sont le fait de nouveaux venus.

Chose inenvisageable en France, des débats contradictoires ont lieu, souvent à l’invitation de l’UDC, qui invite des représentants du PS, hostiles à l’initiative, à développer leurs arguments. J’ai ainsi assisté, près de Sion, devant 500 auditeurs attentifs, à un débat opposant le président de l’UDC, Christoph Blocher, à un jeune élu socialiste de 26 ans. Les mots « raciste », « fasciste », « extrême droite » n’ont jamais été prononcés. Chacun a écouté l’autre, aucun sifflet et, à la fin, les gens ont bu un coup ensemble. Imaginons, sur l’immigration, en France, le FN inviter le PS, et un débat entre Florian Philippot et Harlem Désir se dérouler courtoisement…

L’initiative de l’UDC est malgré tout condamnée par l’ensemble de la classe politique, par les grands patrons et par les organisations syndicales, dans un curieux consensus. Mais c’est surtout de l’Union européenne que viennent les menaces les plus vives. Ainsi, l’inimitable commissaire Viviane Reding, celle qui comparaît les expulsions de Roms en situation irrégulière, en France, aux rafles des juifs en 1940, a-t-elle fait savoir aux Suisses que Bruxelles ne tiendrait pas compte de leur vote du 9 février, parce que la libre circulation était un principe intangible, en Europe. Les Helvètes se voient, d’autre part, menacés sur les 60 % d’exportation réalisées dans les autres pays européens. On leur explique à mots couverts que s’ils votaient mal, leurs produits pourraient rester bloqués à la frontière !

Il est vrai qu’à chaque fois qu’on a donné la parole au peuple suisse, celui-ci s’est particulièrement mal tenu à table. Ainsi, en 1992, seul contre tous, le président-fondateur de l’UDC, Christoph Blocher, avait convaincu ses compatriotes de refuser l’entrée dans l’Union européenne. Personne n’a oublié la votation sur les minarets, en 2009, et l’onde de choc qu’elle a provoquée en France. Caroline Fourest, envoyée en mission, avait qualifié les Suisse de « talibans », Libération avait titré sur « le vote de la honte », et le grand démocrate Cohn-Bendit avait, lui, exigé que les électeurs revotent jusqu’à ce qu’ils se ressaisissent !

L’Union européenne multiplie donc les menaces, mais fait également brûler des cierges pour que, enfin, les électeurs suisses rentrent dans le rang. On imagine sans peine la victoire symbolique que représenterait, pour les européistes, le vote du peuple le plus euro-sceptique du Vieux Continent, sur un sujet aussi sensible que l’immigration.

Les commissaires européens ne paraissent pas rassurés par les derniers sondages, qui donnent pourtant l’initiative de l’UDC à seulement 40 % d’intention de vote… exactement les mêmes chiffres qu’en 2009, avec le résultat que l’on sait : victoire du oui, à 57 % !

Pour qui connaît bien les Suisses, leur attachement à la démocratie directe et à leur souveraineté, il pourrait y avoir des gueules de bois, le dimanche 9 février au soir, lors de l’annonce des premiers résultats.

Chez moi, la bouteille de champagne est au frais…