A
l’approche des municipales, certains se mobilisent pour l’ouverture des
bibliothèques le soir et le dimanche – un domaine dans lequel la France est en retard. Mais la question du coût financier se pose.
9h30-18 heures : les horaires d’ouverture de la plupart des bibliothèques françaises sont à pleurer. Alors que la France se distingue, en matière de politique culturelle,
par un volontarisme indéniable, il est d’ailleurs surprenant de
constater le fossé qui sépare les bibliothèques françaises de celles du
reste de l’Europe. Notamment en termes d’amplitudes horaires.
A la veille des élections municipales, l’association Bibliothèques Sans Frontières vient donc de lancer, sur son site internet, une pétition pour demander l’ouverture des bibliothèques le soir et le dimanche.
40 heures par semaine à Paris
Patrick Weil, le fondateur et président de l’ONG, témoigne :
« Je suis un universitaire, je voyage beaucoup, partout dans le monde. J’ai pu voir la différence avec les autres pays, C’est un constat, la France est vraiment en retard dans ce domaine.
A Amsterdam par exemple, les bibliothèques sont ouvertes 100 heures par semaine alors qu’à Paris, on parvient péniblement à 40 heures. »
Est-ce notre modèle social qui pose problème ? Le coût de fonctionnement ? Où encore le sacro-saint repos dominical ?
Au même titre qu’un musée, une bibliothèque fait partie intégrante du service public de la culture et demeure donc, idéologiquement, dépourvue de toute finalité mercantile. Pour Patrick Weil, le problème est politique :
« C’est un sujet important et les élus locaux l’ont parfois négligé. Il n’y a pas eu une mobilisation suffisante. »
A Toulouse, le débat reste entier. La
bibliothèque universitaire de l’Arsenal propose par exemple des horaires
en adéquation avec l’affluence puisque les plus studieux et les plus
curieux profitent des salles de lecture jusqu’à 22 heures, six jours sur
sept.
« Il y a une vraie demande sociale »
Directeur de l’établissement depuis
2006, Bruno Van Dooren a vu la fréquentation augmenter de manière
exponentielle ces dernières années. En huit ans, le nombre de visiteurs
annuel a doublé, passant de 600 000 à 1,2 million. Pour autant, ce
dernier estime qu’il ne faut pas se précipiter :
« On voit qu’il y a une vraie demande sociale. C’est une sorte de paradoxe au vu des outils numériques à disposition. Mais les étudiants recherchent par exemple le travail en groupe ainsi qu’une forme de sociabilité. C’est une requête à laquelle il faut répondre. Cela nécessite néanmoins des modalités de mise en œuvre et de concertation avec le personnel, sans oublier des moyens financiers revus à la hausse. »
En fonctionnant grâce aux étudiants
formés au métier de bibliothécaire pour ouvrir aux heures les plus
tardives, la bibliothèque toulousaine semble avoir trouvé un début de
solution. « En plus, ce n’est pas un job trop désagréable », insiste de
son côté Patrick Weil. Lui raconte :
« Ça se fait beaucoup aux Etats-Unis, ce qui permet par exemple aux bibliothèques de fermer après les bars. En France, le soir, on a juste le choix entre regarder la télé ou aller au bar. »
Un coût financier supplémentaire
Ouvrir plus, cela équivaut cependant à
dépenser plus, notamment le dimanche pour accueillir le public. Faute
de moyens, peut-être faudra-t-il alors ne proposer qu’une partie des
services normalement à disposition, comme cela se fait parfois chez nos
voisins. Bruno Van Dooren explique :
« Il faudra rémunérer nos salariés selon la réglementation en vigueur. Cela représente un coût bien sûr en termes d’heures supplémentaires ou de récupérations horaires. En Angleterre, on voit souvent une partie des bibliothèques fermée par des barreaux. C’est la question principale que l’on peut se poser : quel est le niveau de services que l’on peut proposer ? »
C’est ce débat là qui oppose
précisément les professionnels. Le directeur des bibliothèques
universitaires toulousaines concède volontiers que ses salariés sont,
pour la plupart, en accord avec le fond de la pétition lancée par l’ONG.
C’est plutôt la forme qui suscite les interrogations.
Mardi, lors de la cérémonie de vœux à la presse, la ministre de la Culture Aurélie Filippetti a indiqué qu’il fallait « accompagner la mutation des bibliothèques […], répondre à des nouveaux besoins. » Espoir, espoir.
Source : Rue89