De plus en plus d'agriculteurs ont recours à des produits naturels, dits de biocontrôle, pour réduire l'usage de produits chimiques. Ce qui aiguise l'appétit de Monsanto.
Les grands de l'agrochimie comme Monsanto s'intéressent de plus en
plus aux solutions de "lutte biologique" dans les champs, sous le regard
inquiet du ministre de l'Agriculture qui veut préserver le savoir-faire
français dans ce domaine.
Pour réduire l'usage de produits chimiques (pesticides, herbicides,
fongicides) et doper les productions végétales, de plus en plus
d'agriculteurs ont recours à des produits naturels dits de biocontrôle.
Loin du purin d'orties, il s'agit de solutions difficiles à produire à
grande échelle comme des insectes (les coccinelles mangent les pucerons,
le trichogramme lutte contre la pyrale du maïs...), des champignons,
bactéries ou phéromones.
L'américain Monsanto place ses pions
De quoi aiguiser l'appétit des fabricants de produits phytosanitaires
qui se lancent dans le secteur. En 2012, l'allemand Bayer s'est ainsi
emparé de l'américain AgraQuest, spécialiste des pesticides biologiques.
La même année, son compatriote BASF a acheté Becker Underwood, qui
produit et vend des technologies de semences enrobées de
micro-organismes.
Le suisse Syngenta est quant à lui présent sur ces produits depuis 25
ans avec Bioline mais "depuis deux ans, ils le développent très fort",
commente Charles Vaury, secrétaire général d'IBMA, association qui
regroupe tous les acteurs du biocontrôle en France.
En décembre, l'américain Monsanto a lui aussi posé ses pions, en
s'alliant au danois Novozymes, numéro un mondial des enzymes
alimentaires et industrielles.
Il faut dire que c'est un marché juteux, qui affiche des croissances à
deux chiffres. Selon Monsanto, l'industrie des produits biologiques
agricoles représente aujourd'hui environ 2,3 milliards de dollars par an
(1,6 milliard d'euros).
Demain des géants du biocontrôle ?
L'arrivée de ces géants inquiète Stéphane Le Foll. "Face aux géants de la chimie, il faut qu'on crée des géants du biocontrôle", ambitionne-t-il.
Car dans ce domaine, la France a une longueur d'avance avec une
vingtaine de petites et moyennes entreprises très innovantes sur le
sujet comme Goëmar (qui travaille avec des algues notamment), Biotop
(fabrication industrielle d'insectes auxiliaires de culture) ou encore
Agrauxine qui a mis au point un bio-fongicide contre les maladies du
bois de la vigne.
"La France a un atout très fort sur le biocontrôle", assure Charles Vaury. Et le secteur emploie déjà plus de 4.000 personnes dans l'Hexagone, selon lui.
"Comme les groupes tels que Monsanto ont une surface financière
plutôt importante, ma crainte, c'est qu'ils viennent avaler ceux qui
sont en train de créer des choses nouvelles", explique le ministre de
l'Agriculture.
"Je sens énormément d'appétit des grands groupes. Ça bruisse de rumeurs", confirme Charles Vaury.
"Une démarche cosmétique ou véritable ?
Dans ce contexte Stéphane Le Foll a décidé de réunir en mars tous les
acteurs français du biocontrôle. "Je veux voir ce qu'on peut faire pour
mieux se coordonner, pour mieux se soutenir, pour leur apporter un
relais au niveau international", détaille le ministre qui souhaite faire
de la France un leader du biocontrôle et de l'agroécologie.
"Il faudrait que cette réunion se traduise en actes concrets", plaide le secrétaire général d'IBMA France.
Car pour les acteurs du biocontrôle, le temps presse et le secteur
est en passe de se structurer. "Biotop est trop isolé, il faut voir
comment on peut tisser des alliances en France ou à l'étranger. Si on
peut rester indépendant c'est mieux mais c'est pas sûr qu'on y arrive",
déclareThierry Blandinières, patron d'InVivo, propriétaire de la PME
drômoise.
Le porte-parole de Monsanto en France, vante lui les atouts d'être
adossé à une grosse structure. Par exemple, "aucune petite entreprise ne
peut mettre sur le marché un OGM en raison des coûts de mise sur le
marché et de recherche et développement", souligne-t-il.
"On a vu Monsanto
racheter des sociétés pour les couler", craint pour sa part un expert
du secteur ayant requis l'anonymat. "Est-ce que la démarche de ces
grands groupes est cosmétique ou véritable ?", s'interroge-t-il.