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vendredi 28 avril 2017

L'extrême droite en Europe est-t-elle sur le déclin ?

Chaque matin, l’actualité vue au travers de la presse étrangère. Aujourd’hui : Les luttes internes au sein des formations populistes de droite semblent nourrir une baisse de popularité. A force de brouiller les pistes, l'extrême droite européenne serait-elle sur le déclin ?
Frauke Petry (g) et Marine Le Pen (d)
Frauke Petry (g) et Marine Le Pen (d) Crédits : THOMAS FREY / DPA
Evidemment, la question a de quoi surprendre, en particulier, après cette année des plus sombres pour l’Europe, juge THE ECONOMIST, et alors même que les années 1930, écrit toujours l'hebdomadaire britannique, sont aujourd'hui dans tous les esprits. Et pourtant, en France, par exemple, en dépit de sa qualification pour le second tour de la présidentielle, le score de Marine Le Pen, dimanche dernier, reste en deçà des prévisions. De sorte qu'après les défaites de Norbert Hofer en Autriche et de Geert Wilders aux Pays-Bas, plusieurs commentateurs y voient, déjà, l'amorce du déclin des populistes d'extrême droite en Europe. Si le score du Front National ne doit, bien entendu, pas être négligé et même servir d'avertissement, pour autant, son résultat devrait également contribuer à dissiper le fatalisme qui s'est abattu sur l'Europe progressiste, analyse THE IRISH TIMES. Autre signal réconfortant, selon IL CORRIERE DELLA SERA, le weekend dernier, tandis que les français votaient pour le premier tour de l'élection présidentielle, en Allemagne le parti national conservateur AfD (dont l'électorat se positionne aux deux-tiers comme adepte de l’extrême droite) a, lui, perdu sa figure de proue Frauke Petry. Et pour les plus optimistes des commentateurs, le fait que la cheffe du parti populiste de droite n’ait pas réussi à s’imposer lors du congrès de son parti serait à mettre directement en relation avec la baisse, depuis quelques mois, des intentions de vote en faveur de la jeune formation en vue des prochaines législatives. L'AfD qui comptait entre 15 et 20% d’intentions de vote il y a encore six mois, est aujourd’hui crédité de 9% des voix, après être tombée à 7% début avril. Au point, se réjouit la SÜDDEUTSCHE ZEITUNG, que le parti risque désormais de tomber en morceaux. Avec la défaite de sa très charismatique dirigeante, la formation a pris le risque, en effet, d’hypothéquer ses chances aux élections, renchérit de son côté le magazine DER SPIEGEL.

Sauf que si l’avenir de l’AfD semble à présent remis en question, ce n'est pas parce que les idées qu'il défend auraient moins de prises aujourd'hui dans l'opinion. En réalité, ce qui divise le parti ce n'est pas la question de son orientation. Sur le fond, Frauke Petry et ses opposants, en interne, ont peu ou prou les mêmes opinions. Le discours nationaliste et xénophobe reste ce qu'il est. Non, ce qui divise le parti, précise la TAZ, c'est la manière de présenter ces opinions, sans pour autant perdre la clientèle conservatrice. Là où Frauke Petry a échoué, c'est parce qu'elle demandait aux délégués de son parti de prendre position contre les partisans de la ligne dure, qui nuiraient, selon elle, à l’image de l’AfD. Elle espérait proposer ce qu’elle appelait « une option réaliste » pour accéder au pouvoir en 2021. En voulant ramener son parti vers une politique du centre, le constat de Petry pouvait se résumer ainsi, écrit DE VOLKSKRANT : Tous les partis populistes sont aujourd'hui portés par des outsiders qui, au nom du citoyen lambda, s’insurgent contre le système politique établi qui négligerait, selon eux, les préoccupations des électeurs. Mais dès lors que les populistes entrent dans les jeux du pouvoir, ils perdent de facto le soutien du noyau dur de leur électorat. Problème : s'il fut un temps où les chefs populistes étaient fiers de ne rien proposer d'autre que de la provocation, sur le long terme, cette attitude n'est plus suffisante, électoralement, dès lors que l'on veut prendre le pouvoir.
Et le phénomène est intéressant car, en réalité, ce que Frauke Petry entendait défendre (en purgeant les représentants de la ligne dure du parti) était d'aligner la stratégie de l’AfD sur celle du néo-FN de Marine Le Pen, en entamant une « dédiabolisation ». Une stratégie qui ne fait, d'ailleurs, pas l'unanimité non plus aujourd'hui au sein du Front National. De sorte que pour espérer, sinon battre Emmanuel Macron donné hyperfavori par les sondages, du moins obtenir un meilleur score que prévu (plus proche des 45% que des 35%), Marine Le Pen devra choisir entre deux options, écrit LE TEMPS : Soit poursuivre ses harangues anti-européennes et maintenir envers et contre tout sa proposition d’un référendum sur l’abandon de l’euro ; soit revenir sur les fondamentaux frontistes anti-immigration et identitaire. En clair, les tensions larvées autour de la stratégie du parti pourraient se résumer ainsi : l’affrontement entre, d'un côté, la ligne sociale-souverainiste et, de l'autre, la ligne conservatrice-identitaire.

Un choix difficile car ni l'une ni l'autre, en réalité, ne semble aujourd'hui de nature à faire gagner le Front National. Dans cette campagne, le parti de Marine Le Pen n’a, visiblement, pas su tirer parti de ses incessantes campagnes hostiles à l’islam, en dépit de la crise des réfugiés et de la peur du terrorisme. Mais s'agissant, par ailleurs, de la contestation des politiques menées en Europe, ainsi que de la contestation démocratique « antisystème », à force d’activer les clivages liés à la question économique et sociale, tout en mettant en avant les imperfections de notre démocratie, Marine Le Pen a favorisé l’audience d’autres candidats, note le magazine SLATE. Ou dit autrement, Marine Le Pen a été privée du monopole de la contestation populiste. A défaut de capter un nombre plus important d’électeurs, il se peut que l’orignal de la critique démocratique et sociale ait été plus audible que la contrefaçon de droite radicale. Or ceci est un fait nouveau. Reste à savoir s'il révèle ou non une avarie dans la stratégie frontiste, condamnant le parti d’extrême droite au surplace ?

Par Thomas CLUZEL

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