Jean-François Touzé
Membre du Bureau politique du Parti de la France
Après
la Banque de France, l’Insee vient de revoir à la baisse ses prévisions
de croissance pour 2018 : selon l’Institut d'études économiques, le
ralentissement du PIB au 1er et 2e trimestre (-
0,2 et - 0,1 point) devrait conduire à une croissance de 1,7 % en fin
d’année après 2,3 % en 2017. C’est 0,1 point de moins que les récentes
prévisions de la Banque de France et - surtout - bien en deçà de celle
du gouvernement (2 %) inscrite dans le programme de stabilité envoyé au
printemps à la Commission européenne. Si les chiffres de l’Insee se
confirment, c’est toute la trajectoire budgétaire de l’exécutif qui sera
donc à revoir. On comprend mieux, dans ces conditions, la misérable
volonté du pouvoir de trouver de nouvelles recettes en multipliant les
taxes, et de faire des économies, non pas sur le train de vie de l’État
comme il se devrait (hors devoirs régaliens et politique de santé), pas
plus que sur les prestations indues accordées aux étrangers, mais en
rognant sur les aides sociales légitimement accordées aux Français les
plus modestes.
Investissements
des entreprises à l’arrêt, consommation des ménages « atones » (-0,6),
repli des échanges extérieurs… Tous les moteurs de la croissance
française semblent s’être mis à l’arrêt au premier semestre, dans un
contexte économique mondial et européen qui, selon l’institut, se
« voile ». « La forte remontée du prix du pétrole, alimentée entre
autres par les tensions géopolitiques au Moyen-Orient, fait sans
conteste partie de ces facteurs », note l’Insee qui cite aussi, comme
causes de cette mauvaise passe, « la forte appréciation de l’euro »,
« les tensions protectionnistes [aux] États-Unis », ou encore « la
crainte d’une remontée de l’inflation plus vive que prévu » sur fond de
hausse mondiale des taux d’intérêt. Résultat, la croissance de la zone
euro serait de 2,1 % en 2018 après 2,6 % l’an dernier.
Si l’alignement
des planètes a accompagné – sans qu'il sache, pour autant, en tirer
profit –, le quinquennat de François Hollande, un dangereux
désalignement est en train de s’installer pour l’an II de Macron. Des
signes de ralentissement et de fin de cycle semblent apparaître en
Europe, tandis que le litre de gazole a grimpé, en France, en un an, de
1,16 euro à 1,48 euro, soit une hausse de 28 % (tendance lourde que ne
viendra pas inverser la timide et modeste hausse de la production
pétrolière décidée le 22 juin par les pays de l'OPEP), que les taux
d’intérêt remontent, que les pays émergents sont frappés de plein fouet
par la baisse des matières premières ou la remontée de l'inflation, et
que les sanctions contre la Russie et l’Iran comme les débuts de guerre
commerciale initiés par Trump ne peuvent que contribuer à la dégradation
du climat économique mondial.
La
France est, une fois de plus davantage touchée que la plupart de ses
voisins, du fait de ses archaïsmes structurels et de l'ampleur de ses
déficits. Le gouvernement ne peut cependant pas mettre ce ralentissement
sur le dos des cheminots. « Les grèves ôteraient ainsi tout au
plus 0,1 point à la croissance trimestrielle du PIB, tout en sachant
qu’un retour à la normale au troisième trimestre 2018 entraînerait alors
un contrecoup positif du même ordre », estime l’Insee pour qui le calendrier « intermittent »
de la grève a permis aux entreprises d’adapter leurs
approvisionnements. Et si le secteur de l’hôtellerie et de la
restauration a vu des touristes annuler leurs réservations, il connaît
des difficultés depuis le mois de février, soit avant la grève.
L’exécutif
voudrait se consoler avec un indicateur : celui de la baisse du
chômage. Malgré le ralentissement économique du premier semestre et une
moindre création d’emplois – 183.000 contre 340.000 en 2017 –, le taux
de chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) devrait
descendre à 8,8 % fin 2018, soit - 0,2 point par rapport à la fin
2017. Mais il ne s'agit là que d'une manipulation comptable, le « plan
d’investissement dans les compétences », gadget gouvernemental visant au
camouflage statistique entrera, en effet, en pleine activité au
deuxième trimestre, avec pour conséquence de faire disparaître du nombre
de chômeurs des dizaines de milliers de personnes toujours sans emploi
mais entrées en « formation ». Sans parler des radiations de plus en
plus nombreuses encouragées par le gouvernement. Avec à la clé une
baisse mécanique mais de seule apparence du chômage.
Rien de nouveau sous le ciel macronien.