La Cour des comptes somme le gouvernement de préciser son plan d'économies. Les dépenses nouvelles (« reste à charge zéro », dépendance, service universel, etc.) sont plus faciles à identifier que les économies à venir. Et la réforme des retraites inquiète déjà.
Depuis quelques jours, Jean-Paul Delevoye est obligé de sortir du bois. Le Haut-commissaire à la réforme des retraites devait initialement rester dans l'ombre pendant la période de concertation. Mais la polémique sur l'avenir des pensions de réversion pour les veufs et veuves l'a conduit à prendre la parole haut et fort. « Nous ne sommes pas à la recherche d'économies », martèle-t-il, vantant une réforme d'équité où chaque euro cotisé donnera les mêmes droits. Emmanuel Macron y est allé aussi lui-même d'un tweet, mardi soir, pour tenter de rassurer.Une intervention symptomatique d'une inquiétude qui monte. La réforme prévoit d'aller vers un régime universel, et les différences entre les 42 régimes actuels font que la question sur les pensions de réversion va se reposer sans cesse, sur les avantages familiaux, les départs anticipés, les taux de cotisation, etc. Le risque est grand de voir le gouvernement accepter un alignement des droits plutôt vers le haut que vers le bas : il sera très difficile, on le voit bien, de durcir les conditions pour certains veufs et veuves. La réforme, censée être neutre budgétairement, pourrait au final augmenter les dépenses.
La tentation de lâcher un peu la bride existe
aussi dans la santé. L'amélioration des remboursements dans l'optique et
le dentaire va représenter une dépense de près d'un milliard d'euros.
Le chef de l'Etat a promis des gestes forts pour les hôpitaux, et il a
annoncé une réforme ambitieuse de la prise en charge de la dépendance
pour 2019. Le service national universel, dont les contours ont été détaillés mercredi , devrait par ailleurs coûter environ 2 milliards par an en régime de croisière.
Le rapport Action publique enterré
En
regard de ces dépenses nouvelles, les économies promises par le
gouvernement restent à préciser. La Cour des comptes s'en émeut
logiquement dans son rapport annuel sur l'état des finances publiques
, en regrettant que les propositions du comité Action publique 2022
n'aient pas été rendues publiques. Elles ne le seront pas, a confirmé
mercredi l'exécutif.
Les magistrats financiers pointent les
incertitudes concernant l'évolution du nombre de fonctionnaires.
Emmanuel Macron avait évoqué 120.000 suppressions de postes d'ici à
2022, dont 50.000 au sein de l'Etat. Mais la Cour remarque que les seuls
détails donnés jusqu'à présent portent sur les 20.000 créations de
postes au sein des missions régaliennes (défense, sécurité, justice), ce
qui rend peu crédible l'objectif fixé.
Si
la tonalité du rapport reste très mesurée par rapport aux années
précédentes - les efforts accomplis pour bâtir un budget 2018 beaucoup
plus sincère sont salués -, la Cour des comptes a pris date pour la
suite du quinquennat.
Etienne Lefebvre