le monde diplomatique
Lundi 27 janvier 2014. Le déficit commercial japonais n’en finit plus de battre des records. Plus qu’un échec des « abenomics », la politique de relance publique mise en place par M. Abe Shinzo depuis un an, ces résultats prouvent qu’en l’absence de versant social, la rupture affichée « avec l’orthodoxie ambiante » restera lettre morte.
Illusions et désillusions des « abenomics »
Quand il a annoncé ce que l’on a appelé les « abenomics »,
en faisant marcher la planche à billets pour relancer une économie
vacillante, le premier ministre japonais Abe Shinzo a été salué de toute
part. Enfin, un dirigeant osait défier la doxa de l’austérité !
Mais la question de la destination des fonds déversés, qui avait été
négligée, refait surface. Les dépenses militaires, par exemple, vont
augmenter de 5 % au cours de la prochaine année. Quant à la croissance…
par Katsumata Makoto,
janvier 2014
Aperçu
Juillet 2013. Après la victoire écrasante du Parti
libéral-démocrate (PLD) aux élections sénatoriales, le premier ministre
japonais Abe Shinzo dispose de la majorité absolue dans les deux
Chambres. Alors que le pays a connu des années de déflation — depuis la
crise de 1997 —, puis le désastre du séisme et de l’accident historique
de la centrale nucléaire de Fukushima, en mars 2011, le gouvernement Abe
a, dès son arrivée au pouvoir, le 28 décembre 2012, mis l’accent sur sa
volonté de redressement économique. C’est ce que les médias ont appelé
les « abenomics », en référence aux « reaganomics » qui avaient marqué la première période du néolibéralisme américain sous la présidence de Ronald Reagan, dans les années 1980.
Le pouvoir prétendait sortir de la déflation par trois types de
mesures : augmenter les liquidités, autrement dit faire tourner la
planche à billets, avec comme objectif d’atteindre un taux d’inflation
de 2 % d’ici deux ans (on est loin des peurs irraisonnées de l’Europe face au moindre frémissement de l’inflation) ; relancer les investissements publics ;
mettre en œuvre une stratégie de croissance fondée sur les
exportations, les privatisations et la dérégulation du marché du
travail. Un an plus tard, où en est-on ?
Rompre avec l’orthodoxie ne suffit pas
Le déversement peu orthodoxe de liquidités à partir de janvier 2013,
imposé à la Banque du Japon, a d’abord dopé l’économie boursière —
d’autant plus vite que les cotations avaient commencé à monter au cours
des mois précédant les élections sénatoriales. Sur la demande répétée
des grands exportateurs, le cours du yen a baissé, notamment par rapport
au dollar et à l’euro. Les ventes à l’étranger en ont été stimulées
(+ 16 % d’octobre 2012 à octobre 2013), mais beaucoup moins qu’attendu (+ 4 %
seulement en volume), en raison notamment de la faible croissance
économique dans les pays clients et des importantes délocalisations
opérées au cours des dernières décennies. Seuls les profits des
exportateurs s’en trouvent renforcés.
En revanche, la baisse de la (...)
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