Madame, Mademoiselle, Monsieur, Chers Amis et Lecteurs du site (europemaxima),
Ce
premier mois de 2014 qui est entrain de s’achever est déjà marqué par
la disparition de deux grandes figures méconnues de médiacosme ambiant :
— La première, le Dr. Maurice Rollet, fait l’objet de l’hommage ci-dessous.
—
La seconde haute personnalité s’appelait Hiro Onoda. Décédé le 16
janvier dernier, cet officier japonais de la Seconde Guerre mondiale ne
se rendit qu’en 1974 aux Philippines. Il avait survécu dans une montagne
de l’île de Lubang.
Né en 1922, il avait refusé de se rendre en 1945 et continuait à se battre en pratiquant la guérilla. Auteur de Ne pas se rendre. Ma guerre de trente ans,
sa fidélité aux ordres et son sens de la survie sont des exemples à
méditer dans le cadre des inévitables et très pertinentes « bases
autonomes durables ».
Le Lys noir a plusieurs fois évoqué ce remarquable combattant.
Honneur et salut à cet exceptionnel soldat nippon !
La rédaction
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À
la veille de ses 81 ans – il était de la fin de ce mois -, Maurice
Rollet est décédé le mardi 21 janvier 2014 à Aix-en-Provence. Très
affaibli par la maladie, il avait néanmoins tenu à assister, les 6 et 7
juillet 2013, aux quarante ans de la Domus Europa dont il présidait les destinées.
Né
en 1933, Maurice Rollet fit des études de médecine. Il aurait pu mener
une vie tranquille de notable s’il n’avait pas été appelé sous les
drapeaux au moment de la guerre d’Algérie. Déjà père de famille
nombreuse, il refuse d’effectuer son service militaire en Métropole. Il
préfère traverser la Méditerranée et l’exercer dans des unités
combattantes.
Dégagé
de ses obligations militaires, cet amoureux de l’Afrique du Nord reste
en Algérie. Il officie à l’hôpital de Bône. Dans cette période agitée,
une telle passion ne laisse pas neutre ou indifférent. Maurice Rollet se
lance vite dans l’activisme pro-Algérie française. Membre de l’O.A.S.,
il n’hésite pas à cacher des caisses d’armes, de grenades et de
munitions sous le berceau de son dernier-né. Arrêté et transféré dans
les geôles de Fresnes et de La Santé, il y rencontre certaines
personnalités marquantes dont Dominique Venner. Au cours de ces dix-huit
mois de détention préventive, il acquiert une culture politique, entame
une terrible grève de la faim et se joint à une puissante mutinerie.
Libéré, car aucune charge n’a été retenue contre lui, il s’installe à
Marseille en tant que médecin généraliste. Pendant son séjour en prison,
il s’est mis à écrire de la poésie dont les vers paraissent bientôt
signés « François Le Cap », son pseudonyme, grâce aux Éditions
Saint-Just, la maison éditrice d’Europe Action.
L’ancien
détenu politique fréquente les jeunes militants de la F.E.N.
(Fédération des étudiants nationalistes), soutient l’aventure d’Europe Action et s’investit dans le Mouvement nationaliste de progrès.
En 1967, il se présente aux élections législatives dans les quartiers
Nord de Marseille sous la bannière du R.E.L. (Rassemblement européen de
la liberté). Il y obtient environ 3 % des voix, soit le deuxième
meilleur résultat du mouvement en France. Mais l’échec électoral cuisant
du R.E.L. entraîne le retrait définitif de l’action politique de
Dominique Venner. Maurice Rollet se retrouve propulsé à la présidence du
R.E.L. avec la lourde tâche de le dissoudre.
En
novembre 1967, un noyau dur « post-vennerien » délaisse le terrain
politique et entérine l’orientation culturelle. Maurice Rollet a relaté
cette épisode guère mentionnée dans « Nous étions douze ». « Le 29
janvier 1968 […] Au 35 de la rue Ernest-Rouvier, au premier étage, dans
mon appartement au-dessus de mon cabinet médical, à Mazargues, quartier
sud de Marseille, nous sommes douze amis réunis, au prétexte de mon
anniversaire… (1) » Ainsi se tient-il la première réunion fondatrice de
ce qui allait devenir le G.R.E.C.E. (Groupement de recherches et
d’études pour la civilisation européenne). Ce membre fondateur suit avec
intérêt cette incroyable aventure métapolitique même s’il aime se
définir comme un « communautaire » et non comme un « intellectuel » ou
un « militant » (les trois principales composantes psychologiques
structurantes de cette communauté de pensée et d’action).
Quelques
années plus tard, la nécessité de transmettre des principes essentiels
et de les pérenniser l’incite à créer en compagnie de Jean-Claude Valla
et de Jean Mabire le mouvement scout Europe Jeunesse. Il
accompagne les premiers camps d’été et versifie des pages entières qu’il
récite ensuite le soir en veillée autour du feu… moins connu que les
dirigeants successifs de la « Nouvelle culture européenne » d’expression
française, Maurice Rollet appartient cependant à ses cadres
primordiaux. En 1988, son ami Roger Lemoine, premier président du
G.R.E.C.E., se décharge de sa fonction de chancelier qui lui revient
tout naturellement à Maurice Rollet. Jusqu’à la fin, il assumera cette
fonction considérable. il n’est pas anodin que dans les annexes qui
suivent le Manifeste pour une renaissance européenne, dans la
rubrique consacrée aux responsables fédéraux du G.R.E.C.E. arrive en
premier le Chancelier. Celui-ci « est responsable de l’accueil des
nouveaux adhérents lors de l’Assemblée générale et de l’animation des
fêtes communautaires de l’association (2) ».
Travaillant
dans une clinique de l’Ouest parisien, Maurice Rollet se retrouve
médecin personnel de Jean-Marie Le Pen et de ses filles. En outre, sa
venue dans la capitale le conduit à entrevoir une seconde carrière
complémentaire dans le spectacle et le cinéma. En 1980, il joue dans Le Rebelle, un film de Gérard Blain. En 1987, il composera la musique d’un autre long métrage de ce réalisateur, Pierre et Djemila.
C’est par la composition musicale qu’il investit le monde de la variété
française, ce qui lui permet de côtoyer quelques vedettes de la chanson
hexagonale. Mais ne maîtrisant pas tous les codes et connu pour sa
franchise qui déstabilise ses interlocuteurs, il abandonne vite cette
ambition et se recentre sur son activité médicale.
Parfois
aux marges de la politique, il aurait pu y retomber en particulier au
moment de l’irruption du F.N. Mais populiste, anti-libéral,
révolutionnaire et pro-européen, Maurice Rollet s’en détourne vite. Son
sens élevé de l’amitié qu’il cultivait en homme libre le fait secourir
au milieu des années 1980 un vieil ami atteint d’un cancer, en cavale
depuis 1977 : Albert Spaggiari. Sous un nom d’emprunt, Maurice Rollet
l’inscrit dans sa clinique et essaye de le soigner. Il rendra publique
son soutien à « Bert » à l’occasion d’un long reportage diffusé sur M6,
puis au cours d’une invitation à un plateau télévisé de Marc-Olivier
Fogiel quand sortit en 2008 le film de Jean-Paul Rouve Sans arme, ni haine, ni violence.
En butte à la malfaisance médiatique et fort agacé par la prestation
pitoyable de l’animateur et des autres invités, son retour nocturne à
Marseille se solda par un grave accident automobile.
À
la fin de la décennie 1980, il quitte la clinique francilienne, se
réinstalle à Marseille et redevient médecin généraliste dans les
quartiers Nord où sa prestance, son fort tempérament et sa connaissance
de l’arabe le font vite respecter de ses patients. Dans le même temps,
il prend la présidence de l’association Domus Europa laissée en déshérence depuis la disparition de Jacques Fulaine. lointaine héritière du Cercle européen de Provence des années 1970 qu’animait déjà Maurice Rollet, elle s’occupe du château de Roquefavour, un grand mas de l’arrière-pays aixois.
Assisté des amis de bonne volonté, Maurice Rollet fait renaître la Domus
en y organisant fêtes traditionnelles et réunions fréquentes. Il
relance en particulier les universités d’été du G.R.E.C.E. : souvent la
dernière semaine d’août riche en conférences, en travaux pratiques, en
vie communautaire et en découvertes patrimoniales locales. Très vite,
ces universités d’été connaissent un franc succès avec des délégations
européennes venues de Flandres, d’Italie, d’Allemagne, du Portugal,
d’Autriche, de Grande-Bretagne, de Wallonie, d’Espagne, de Roumanie, de
Croatie, du Danemark, soit près de cent trente participants, ce qui posa
parfois de graves problèmes d’intendance et de logistique.
Pendant
cette intense semaine, le Chancelier exerçait en outre la redoutable
fonction de « prévôt » afin de garantir le bon déroulement de l’intense
programme des activités. Il n’hésitait pas, s’il le fallait, à rugir
depuis sa chambre surtout après l’extinction des feux à 22 h 00. Il
tançait alors les inévitables noctambules qui discutaient encore
vivement à minuit dans la nuit fraîche provençale sous ses fenêtres…
Entre deux universités d’été annuelles, Maurice Rollet déploie une vive activité éditoriale avec L’Âtre,
le bulletin du cercle provençal en faveur des « activités de Tradition
et de Renaissance européenne » et en parrainant la revue Roquefavour. Il intègre bientôt le comité de rédaction du trimestriel Éléments et est fait membre d’honneur du mouvement Terre et Peuple
de son ami Pierre Vial. Par ailleurs, Maurice Rollet s’affaire en
faveur de la reconnaissance des religions ethniques et autochtones
d’Europe : le paganisme qu’il préfère nommer « foi native ». En 1991, il
publie un recueil de poésie (3) dans lequel on retrouve cet esprit
européen, rebelle et païen qui interpelle immédiatement n’importe quel
lecteur sensible. Patrick Peillon, à l’époque patron d’émission à Radio Courtoisie,
l’invite une heure et demie durant à exposer cette spiritualité
méconnue. Éblouissant et charmeur, Maurice Rollet déclenche néanmoins
une bronca d’auditeurs quand il se met à chanter au micro « Louise »,
son hommage à Louise Michel, une sympathique provocation à l’égard de
l’auditorat résolument conservateur de la radio. C’était un
anti-bourgeois conséquent.
Au début des années 2000, des contacts s’établissent entre la Domus
et des cercles païens d’Europe (de Lituanie, de Scandinavie et
d’Islande). S’organise une coordination païenne européenne qui débouche
sur le W.C.E.R. (Congrès mondial des religions ethniques). Païen, cet
ami de Robert Dun l’est pleinement. Il se revendique fièrement
polythéiste et conçoit sa foi native comme une manifestation
écologiste, harmonieuse, esthétique, tolérante, régionale et européenne.
Ses poèmes ainsi que les textes qu’il a donnés au Dr Merlin pour qu’il
les chante dans Soleil de Pierre (1993), soulignent cette
permanence charnelle et enracinée. Son paganisme (il détestait ce terme)
explique son régionalisme provençal qui ne coïncidait pas avec
l’occitanisme convenu.
Invité à Radio Courtoisie,
le 16 mars 2010, au « Libre-Journal des Enjeux actuels » d’Arnaud
Guyot-Jeannin pour une émission consacrée au « Régionalisme a-t-il un
avenir vu des régions ? », l’auteur de ces lignes conclut la discussion
en récitant peut-être le plus beau poème de Maurice rédigé dans
l’urgence pour le n° 4 de Flamme en 1975 et qui fut repris bien
plus tard par l’ami P.G.L. à l’occasion du repas de clôture d’une
université d’été avec verve et brio, « L’accent » :
« Un arbre, une forêt, un val, un paysage
Les odeurs de la terre, mouillée après l’orage
Et la pente des toits, les lourds troupeaux paissant
C’est tout cela qu’on voit dans le chant d’un accent.
Un costume, une coiffe, des brocards, des dentelles
Des rubans et des robes, dansant avec des vielles
Bourrée, gavotte et ronde, ou bien hymne puissant
C’est tout cela qu’on dit dans le chant d’un accent.
Un drapeau, un emblème, les armes des Provinces
La légende et l’histoire, les héros et les princes
Ce que disent les pierres à l’étranger passant
C’est tout cela qui parle dans le chant d’un accent.
Des ancêtres connus, des racines antiques
Une lignée féconde, des noms sur un portique
Tout l’honneur de nos pères, l’héritage du sang
C’est tout cela qui vit dans le chant d’un accent. »
Toujours
bienveillant envers ses cadets, Maurice Rollet aimait les stupéfier par
de nombreuses anecdotes recueillies au cours d’une vie démultipliée.
Il ne souhaitait pas, le moment fatidique venu, de pleurs, ni de
chagrins. Plusieurs fois, il insista pour qu’il y ait au contraire de la
bonne humeur, des rires et des chants. Désormais, ses cendres gisent
sous ce Soleil de Pierre, gardien de la Domus.
Son
président a rallié le vol des oies sauvages et rejoint près de l’Étoile
polaire une phalange composée de Dominique Venner, Jean-Claude Valla,
Jean Mabire, Roger Lemoine, Jacques Fulaine, Jacques Bruyas, Ferdinand
Ferrand, Jean-Claude Jacquard… Maurice Rollet, à l’œil pétillant et
malicieux, demeurera à jamais un exemple de maintien dans l’adversité de
cet âge sombre. Comme le chantent les derniers mots des Oies sauvages :
« Murmure-nous si nous tombons
La dernière prière. »
Maurice Rollet cingle maintenant aux mers lointaines…
Georges Feltin-Tracol
Notes
1 : Maurice Rollet, « Nous étions douze », dans Collectif, Le Mai 68 de la nouvelle droite, Le Labyrinthe, Paris, 1998, p. 136.
2 : Manifeste pour une renaissance européenne. À la découverte du G.R.E.C.E. Ses idées. Son histoire. Son organisation, G.R.E.C.E., Paris, 2000, p. 97.
3 : Maurice Rollet et Perig Kerys, Des Rimes et des Runes, Éditions Pyrene, préface d’Alain de Benoist, Saint-Avit Rivière, 1991.