Syrie -CentrAfrique- Ukraine : la stratégie des bons sentiments.
Jean Bonnevey (Metamag)
Il n’y a pas de révolution spontanée. La conférence de Genève
prouve que la guerre civile syrienne est bien une guerre internationale.
La reprise des émeutes en Ukraine montre l’extrémisme des manifestants
sans nier la répression du régime. L’élection d’une femme à la
présidence à Bangui ne gomme pas les racines religieuses et ethniques
d’un bourbier africain.
Dans
chacun de ces conflits, l’occident atlantique a décrété le bien et le
mal par rapport au dogme démocratique. Il se condamne à être partial et à
n’avoir qu’une compréhension partielle des problèmes. Partout on
reproduit les erreurs inexpiables du Rwanda ou de l’Irak et on ne tire
leçon de rien. Il aura fallu des mois à la communauté internationale
pour convaincre la Coalition nationale syrienne (CNS), principal
conglomérat de l'opposition syrienne à l'étranger, de se retrouver dans
la même pièce que le régime syrien.
Genève 2 est avant tout une tentative pour l'ONU et les grandes puissances de masquer leur incapacité à enrayer la descente aux enfers de la Syrie depuis près de trois ans. L’opposition très divisée au régime d'Assad veut obtenir un départ du pouvoir qu’il refuse et l'un des participants régional majeur du conflit, l’Iran, est exclu, ce qui est objectivement une erreur.
Si les débats entre le régime syrien et l'opposition se dérouleront à huis clos à partir de vendredi, la séance d'ouverture de la conférence de paix sur la Syrie, baptisée Genève II, a permis de donner une idée plus précise de l'empoignade à venir. Et ceux qui spéculaient sur la bonne volonté de Damas pour négocier un transfert du pouvoir à une autorité de transition sont désormais fixés.
En
position de force sur le terrain face à une rébellion en proie à de
graves querelles intestines, 1400 morts dans une guerre interne en un
mois, le chef de la diplomatie syrienne a rejeté tout départ de Bachar
el-Assad. En réponse au secrétaire d'État américain John Kerry, qui
venait de rappeler que le président syrien ne ferait pas partie d'un
gouvernement de transition, Walid Mouallem a répondu vertement : «Monsieur
Kerry, personne au monde n'a le droit de conférer ou de retirer la
légitimité à un président [...], sauf les Syriens eux-mêmes». Qui peut dire le contraire.
En Ukraine, le gouvernement qui pensait avoir repris la main a commis une erreur. En promulguant la loi contre les rassemblements, il n'a fait que provoquer une radicalisation. Aujourd'hui, il est beaucoup plus difficile de maîtriser cette contestation du régime. De son côté, l'opposition est dépassée par la radicalisation du mouvement. Ils pensaient passer par la voie légale pour trouver une issue à la crise, mais ils se demandent s'ils ne vont pas être obligés de suivre les manifestants dans leur mouvement. C'est la légitimité du pouvoir qui est mise en cause, alors que Viktor Ianoukovitch vise clairement la réélection, notamment avec la signature des accords avec la Russie. La Russie est en fait l'objectif des occidentaux avec une volonté de diaboliser Poutine avant les Jeux Olympiques de Sotchi.
Quand
au Centrafrique, une femme est élue à la présidence pour la joie des
journalistes femmes et féministes, dont acte, mais cela ne résoudra pas
le fond du problème. Il est ailleurs. Dans ce pays, où la France est
intervenue le 5 décembre, «nous avons sous-estimé l'état de haine et l'esprit revanchard, l'esprit de représailles», a admis le ministre français Le Drian. «Il
y a un mandat des Nations unies qui prévoit en particulier que les
forces africaines de la Misca se renforcent pour arriver à 6.000
militaires», a rappelé M. Le Drian. «Elles sont en train de se
constituer, même si ça a pris un peu de temps, et je pense qu'avec
l'arrivée des soldats rwandais et des soldats du Burundi, on aura là une
force significative», a dit le ministre.
Dans chaque cas les forces auto-proclamées du bien sous-estiment la haine des autres et font donc des analyses fausses aux conséquences terrifiantes pour les populations concernées. L'impérialisme démocratique est peut-être démocratique, mais c’est avant tout un impérialisme et le pire qui soit, celui de l idéologie au mépris des réalités.
Illustration en-tête d'article : L'impérialisme, stade suprême du capitalisme, affiche du Komintern