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mardi 7 janvier 2014

Le malentendu du nationalisme


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Le célèbre historien Michel Winock définissait dans ses ouvrages deux formes de nationalisme, le nationalisme « ouvert » et le nationalisme « fermé ».
Le nationalisme « ouvert » qui se caractériserait par une nation généreuse, solidaire, combattant pour la liberté et le nationalisme « fermé » se caractériserait par la peur du déclin, le repli sur soi et le rejet.

Cette théorie est abondamment relayée dans le milieu universitaire, aucun étudiant de fac d’histoire ou de Sciences Po n’a pu passer à côté. On pourrait la relier à une phrase célèbre du Général De Gaulle : « Le patriotisme c’est aimer son pays et le nationalisme c’est détester celui des autres ». Entre la théorie universitaire et cette citation du Général De Gaulle, l’idée d’une opposition fondamentale entre ceux qui ont une conception ouverte de la France et ceux qui ont une conception fermée, sous entendant par là que tous ceux qui sont rétifs à l’ouverture, le sont aussi « à l’autre », « au progrès », « au vivre ensemble », etc… bref le nationalisme « fermé » ou le nationalisme « tout court » ce serait pour ceux qui ont peur d’un monde qui change, de la mondialisation. Des gens peu éduqués aux idées courtes. Pourtant il faudrait faire un léger rappel historique pour replacer ce qu’est historiquement le nationalisme.
Le sentiment national va naître historiquement aux alentours de la Révolution française. Si la France est une vieille nation dont le sentiment national commence à se forger dès le Moyen Âge, les historiens considèrent que le sentiment national se diffuse en Europe  entre la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle. La France est d’ailleurs le pays à l’origine de ce changement, à la fois en imposant l’idée de souveraineté nationale, mais aussi en faisant prendre conscience aux autres peuples de leur spécificité. C’est surement à cette période que va concrètement naître le sentiment national allemand qui se prolongera par l’unité nationale entre 1862 et 1871. C’est la victoire contre le Second empire français qui sera le ciment de cette unité et la racine d’une inimitié féroce entre les deux nations.

Ce qui forge le nationalisme c’est donc la conscience d’appartenir à un peuple ayant une histoire, une langue, un territoire en commun. Bien sur avec quelques nuances. Ainsi en Allemagne, la question linguistique, qui se superpose assez largement à la question raciale dans le courant du XIXe siècle va être un élément déterminant du nationalisme allemand, alors qu’en France le socle national sera surtout associé au processus unificateur de l’Etat. La langue, le territoire et l’héritage historique sont essentiellement liés à l’Etat. Nous pouvons ajouter à cela l’impérieuse nécessité d’un ennemi commun, seul moyen d‘unifier des groupes humains disparates. Il est donc important dans tout processus intégrateur ou unificateur de désigner un ennemi à combattre ou à abattre, cela n’est donc pas propre au nationalisme, mais le nationalisme a fonctionné sur ce mode. Que ce soit la Sainte Alliance en 1815, l’unité italienne ou l’unité allemande contre l’Autriche ou l’OTAN en 1948, à chaque fois il a fallu désigner un ennemi pour impliquer une dynamique unitaire. C’est également la raison d‘être de l’antifascisme, c’est donc un processus assez classique, tout à fait banal, même. Le nationalisme français a donc du se trouver des ennemis : l’Anglais dans les colonies, l’Allemand sur le continent, pour se cimenter. A cela nous pouvons rajouter les non moins habituels « ennemis de l’intérieur », ce que Charles Maurras appelle les quatre états confédérés ( Juif, Protestant, Maçon, Métèque). C'est-à-dire tout ceux accusés de dissoudre le corps social, de menacer cette cohésion souvent réalisée au prix de sacrifices sur les champs de bataille.

Il faut donc bien comprendre que derrière l’image d’un nationalisme fermé, se cache en fait le désir d’une unification puissante. Le nationaliste aspire à l’unité, mais à une unité basée sur un héritage et non simplement sur des valeurs communes, comme le pseudo-nationalisme républicain (au sens de la république française actuelle), le nationalisme « ouvert ».

Il ne peut y avoir de nationalisme que si nous avons conscience à la fois d’être les héritiers d’une histoire commune, celle de la France et si nous combattons un ennemi commun hostile à la nation. Aujourd’hui notre ennemie c’est l’Union Européenne ainsi que l’influence des Etats-Unis d’Amériques. Le « combat pour la race blanche » ce n’est pas du nationalisme la « défense de l’identité européenne » non plus. En revanche cela ne signifie pas que le nationalisme français ne doit pas se baser sur une conception ethnique de la nation, du fait de l’importance de l’héritage, pour favoriser l’unité du corps social et politique et pour bâtir une nation organique.

Cependant nous pourrions noter qu’il faut se questionner autant sur le concept de nationalité que sur celui de citoyenneté. En France on désigne par nationalité le lien juridique entre un individu et l’Etat et la citoyenneté comme un ensemble de droits et de devoir, mais ce sont des définitions propres au cadre républicain français qui sont très largement abusives. Par exemple ces définitions différent dans le contexte russe : la nationalité russe se base sur des critères ethno-culturels et la citoyenneté est définie comme l’appartenance à l’Etat « russien ». Un tel modèle appliqué en France impliquerait nécessairement de se questionner sur le fait de reconnaître plusieurs nationalités (bretonne, basque, corse, alsacienne, etc…) en plus d’une nationalité « française » et de définir la citoyenneté « française » comme l’appartenance à l’Etat, cadre de l’unité, mais deviendrait alors un « empire » comme le fut l’empire allemand ou l’empire russe, c'est-à-dire un Etat pour plusieurs peuples, plusieurs nationalités. Peut-il y avoir un nationalisme français tout en reconnaissant l’existence d’autres nationalités au sein même de son territoire? Est-il pertinent de recourir à cette dichotomie dans le cadre Français à une époque où la maîtrise des langues régionales est peu répandue et où les mobilités internes au territoire sont telles qu’il est de plus en plus difficile pour les individus de se rattacher à une région historique précise ? Quelle place pour les descendants d’européens (polonais, italiens, espagnols, belges, suisse, etc…) dans cette configuration ? N’est-il pas plus simple de considérer qu’il existe une seule nation, la nation française, composée d’européens de langue française tout en reconnaissant l’existence de cultures régionales fortes ?

Il convient en tout cas de ne pas utiliser le terme de « nationalisme » de façon abusive pour désigner tout et n’importe quoi à l’extrême-droite (ou non) de l’échiquier politique. Si il faut réfléchir au nationalisme que nous voulons fonder tout en restant fidèle à ce qu’est historiquement le nationalisme, il faut aussi rester prudent face à ceux qui parlent de nationalisme pour parler d’autres choses : l’identitarisme ou le suprématisme par exemple. Nous aurons l’occasion d‘y revenir.

Jean du cercle non conforme