par Charles de Meyer
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Dans
un silence médiatique digne des plus grandes heures de l’autocensure
politique, deux nouvelles impliquant les argentiers cosmopolites passés
maîtres des décisions économiques mondiales ont été révélées cette
semaine. La première concerne l’assouplissement des règles dites de Bâle
III qui visaient à une meilleure réglementation des couvertures de
risques par les grandes banques cosmopolites, la seconde mettait en
cause les traders de la Deutsche Bank accusés d’avoir manipulé certains
cours à Wall Street.
Ce
retour d’une finance cannibale alors que la commission européenne a du
se résoudre à infliger 1,7 milliards d’euros d’amende aux grands groupes
ayant manipulés les cours entre l’euro et le yen montre combien les
argentiers de l’oligarchie sont devenus la clef de voute des systèmes de
domination internationaux qui régissent les lois de production de
l’élite et les contraintes assignées aux Peuples réduits à l’Etat de
multitude afin d’empêcher toute reprise en main des détenteurs de la
légitimité politique.
Dans une société liquéfiée par la dictature des rapports marchands érigés en modèle de l’organisation sociale restaurer ce pouvoir sur ses propres choix implique de trouver un médiat d’expression de sa résistance: le travail en tant que lieu mais aussi en tant qu’investissement de soi dans les limites de sa Nature peut devenir un ressort de l’opposition à la dégradation oligarchique du pouvoir.
La société marchandisée.
« Superficialité,
incohérence, stérilité des idées et versatilité des attitudes sont
donc, à l’évidence, les traits caractéristiques des directions
politiques occidentales. Mais comment expliquer leur généralisation et
leur persistance? » Cornelius Castoriadis in La crise des sociétés occidentales.
Quelques sachants ont voulu nous présenter les vœux du pleutre de Tulle comme étant un virage impressionnant en faveur du social-libéralisme. Triste aveux des ignares qui avaient cru qu’Hollande et son régime s’attacheraient à combattre les forces de la finance dérégulée alors même que les socialistes français font parti de la clique ayant le plus œuvré pour la déconstruction des frontières et l’ensauvagement du capitalisme. De Pierre Bérégovoy à Pierre Moscovici, tous sont allés, dans le secret des cercles et des machins internationaux, dans le sens d’une dérégulation dont nous continuons de goûter les fruits pourris tombés avec les tremblements de la crise financière en 2007.
Une excellente définition de la dérégulation est disponible dans le dictionnaire de Novlangue de la fondation Polémia: « dérégulation:
mot marqueur désormais connoté positivement au sein de l’Union
Européenne et destiné à traduire le fait que le domaine du marché ne
cesse de s’étendre aux dépens de la souveraineté politique. »
Un
pouvoir oligarchique tel que celui qui règne actuellement en France et
dans force pays occidentaux doit suivre, tout en essayant de les
contrôler, les évolutions des structures économiques, sociales ou
démographiques et donc renouveler le personnel qui fait sa composition.
Depuis les années 80 notre élite a l’adoration uniforme de quelques
veaux ornementés comme le relativisme morale, le mondialisme, la haine
des pouvoirs légitimes et la dictature de la mobilité opaque des
capitaux. C’est en saisissant ce creuset idéologique commun, cet
élément fédérateur des élites occidentales qu’on peut désigner la racine
du mal emprisonnant les dispositifs politiques selon leurs strates
nationales ou supranationales. Antonio Négri dans Traversées de
l’Empire de résumer idéalement l’influence de ces déterminations sur les
méthodes de l’oligarchie : « l’Empire est la seule forme à
travers laquelle le capital et son régime néolibéral peuvent conserver
et garantir leur ordre mondial. »
Néolibéral
voilà un mot qui ennuie, qui dérange. Parmi les résistants, certains y
voient une simplification grossière, une attaque contre le prisme
d’engagement centré sur les libertés fondamentales. C’est préférer taire
les torts d’un système hostile aux souverainetés et finalement aux
libertés concrètes plutôt que d’engager parfois son modèle de pensée.
Il est maintenant indéniable que l’abandon des décisions aux forces du marché, que l’intérêt atomique comme aune de la décision rationnelle, que la réduction de l’Etat à une peau de chagrin ou encore que la compétition comme maîtresse de l’organisation n’ont fait que violer les consciences des individus et ont entaché les forces des Nations qui protégeaient et incarnaient le pays réel.
L’accord
de libre échange entre l’Union Européenne et le Canada, celui en
préparation avec les Etats-Unis, les règles ultra contraignantes d’une
Organisation Mondiale du Commerce aux ordres des intérêt américains sont
autant de rupture avec l’assentiment du pays réel, qui est l’unique
garant de l’expression de la souveraineté populaire. Le philosophe Henri
Hude de nous dire dans Ethique et politique :
On dit que les nations européennes ont besoin d’adapter leurs institutions politiques aux exigences de l’économie de marchés. En réalité, elles ont besoin de démocratiser l’économie de marché aujourd’hui oligarchique, qui se traduit par la croissance continuelle du chômage, l’exagération des flux migratoires et la destruction de l’environnement. Car ces trois problèmes sont solidaires. Elles n’ont absolument pas à aligner leurs institutions politiques sur le fonctionnement de l’économie de marché oligarchique, ou alors autant dire qu’il faut supprimer les démocraties. Et on les supprime si on asservit les nations.
Le travail comme joug ou comme enrichissement collectif.
J’applaudis
François lorsqu’il dit que les « lamentations qui dénoncent un monde
barbare » sont contre-productives. Leur défaut est qu’elles nous font
nous plaindre de ce qui nous arrive, nous obsédant sur nos bobos et nous
détournant de l’aide à apporter aux autres. Mais ne confondons pas le
pleurnichage nostalgique sur un passé idéalisé avec le cri d’alarme qui
met en garde notre prochain lorsqu’il s’interdit d’avoir un avenir.
Le
danger de l’Eglise est ce que les juristes appellent « non-assistance à
personne en danger », la victime pouvant être une société, une
civilisation, voire le genre humain. A tort ou à raison, on a reproché à
Pie XII de s’être tu. Il se pourrait que l’Eglise soit aujourd’hui à
peu près la seule à dénoncer des périls moins bruyants, mais qui
pourraient être aussi graves à longue échéance. Rémi Brague, article dans le journal Le Monde le 27 septembre 2013
Les
défenseurs de la Vie et de la dignité humaine demeurent cependant
souvent penauds dans leurs propositions alternatives aux cadres
conceptuels et politiques du néolibéralisme. Les uns confondent la
victoire d’une oligarchie avec la liberté coordonné de l’ancien régime,
niant dès lors les vertus remarquables des corporations, les autres
restant abasourdis, fatalistes devant une sorte de sens de l’histoire
contre lequel ils ne pourraient combattre. Ne limitons pas le discours
aux anathèmes contre les lâches, les rendus mais tentons de proposer une
possibilité à chacun d’entre nous de combattre la logique de l’intérêt
oligarchique-si bien résumée par Milton Friedman lorsqu’il affirmait que
le seul rôle d’une entreprise était de « faire des profits »- dans son
rapport quotidien au travail. Nous pourrions partir encore d’une
intéressante définition proposée par le dictionnaire de Novlangue : « ressource humaine : mot marqueur: révélateur de l’estime portée à la personne humaine par la société marchande. »
Or l’oligarchie n’a pas inventé la société marchandisée, au contraire,
elle rejoue sans cesse l’échec du capitalisme sauvage du XIX ème siècle
qui enfanta des guerres fratricides européennes, c’est Polanyi qui nous
apprend dans la Grande Transformation combien la marchandisation de
l’homme est son processus inéluctable et ne peut aboutir qu’à
l’avilissement des organisations sociales.
Benoît XVI de préciser dans une exhortation d’avril 2011 combien la dignité du travailleur était le gage d’une société vertueuse:
Chers amis, le travail aide à être plus proches de Dieu et des autres. Jésus lui-même a été un travailleur, il a même passé une grande partie de sa vie terrestre à Nazareth, dans l’atelier de Joseph. L’évangéliste Matthieu rappelle que les gens parlaient de Jésus comme du « fils du charpentier » (Mt 13, 55) et à Terni, Jean-Paul II parla de l’ »Evangile du travail », en affirmant qu’il était « écrit surtout par le fait que le Fils de Dieu… en se faisant homme, a travaillé de ses mains. Plus encore, son travail, qui a été vraiment un travail physique, a occupé la plus grande part de sa vie sur cette terre, et il est ainsi entré dans l’œuvre de la rédemption de l’homme et du monde » (Discours aux ouvriers, Terni 19 mars 1981; cf. ibid.). Cela nous parle déjà de la dignité du travail, et même de la dignité spécifique du travail humain qui s’inscrit dans le mystère même de la rédemption. Il est important de le comprendre dans cette perspective chrétienne. Souvent, au contraire, il est considéré uniquement comme un instrument de profit, ou même, dans diverses situations dans le monde, comme moyen d’exploitation et donc d’offense à la dignité même de la personne. Je voudrais également évoquer le problème du travail le dimanche. Malheureusement, dans nos sociétés, le rythme de la consommation risque de nous priver également du sens de la fête et du dimanche comme jour du Seigneur et de la communauté.
Le
travail n’est pas la source de réalisation de soi comme voulût
l’expliquer Hegel au XIX ème siècle et nous ne sentons que trop bien que
l’organisation des fallacieuses idylles entre les salariés et leurs
entreprises, voire désormais de l’optimisation de leurs parcours afin
d’être « entrepreneurs d’eux-mêmes », n’aboutissent qu’à une société du
compromis relativiste qui finit toujours par faire de la
jouissance-monétaire ou physique, voire monétaire et physique- l’horizon
du corps social.
L’Homme n’a donc jamais à chercher sa dignité dans le travail, sa dignité précède l’emploi de ses forces.
En
effet, si elle ne la précède pas, comment concevoir que nous ne
devenions pas les partisans d’une Cité égoïste, oublieuse de ceux dont
la Nature ou les dons ne correspondent pas aux exigences requis par des
organisation humaines, qui plus est souvent dirigées contre la dignité
humaine. N’est ce pas une traitrise de la droite de l’Argent que
d’abandonner aussi la flamme résidant en chacun à la dictature d’un
système et de marchés déifiés en condamnant une prétendue facilité par
l’assistanat ou la fainéantise sans chercher à organiser l’étendu du
monde à hauteur humaine.
Le
travail est pour nombre de nos lecteurs le lieu des rencontres, du don
de son excellence, de l’expression d’une part de son devoir d’Etat. Il
doit donc être la zone privilégiée de notre confrontation réelle,
prégnante avec les inspirations qui président au régime oligarchique que
nous honnissons : structures de péché, mondialisation de
l’indifférence, abandon des libertés de conscience, dictature de
l’Argent. Cette attention aux autres et à la projection de soi effectuée
dans son emploi en se fondant sur des principes dignes est un levier
politique d’une force primordiale. Elle permet alors à l’honnête homme,
hostile au poison partisan, d’être politique dans ses choix et dans ses
réflexion, le travailleur peut et doit être politique d’abord pour
combattre l’oligarchie! Et Maurras, toujours lui, de nous donner la voie
dans Plus que jamais…Politique d’abord!
Je conclus :
Toutes
les études sociales du monde ! Toutes les études corporatives ! Et
tant qu’on voudra ! Et encore ! Et toujours ! Elles peuvent prendre,
chemin faisant, d’utiles services. Mais ce sont des études. Que l’étude
soit sociale ! Mais l’action doit être politique, et j’oserais dire,
maintenant, non plus politique d’abord, mais politique uniquement.
Que
l’on ne voie pas cela aujourd’hui, c’est à crier de douleur ! Surtout
que l’on ne sente pas que tous les souffles policiers du régime tendent à
nous précipiter dans une fausse direction, il faut être un orateur à
tête légère, et encore plus légère que celle de la plupart des orateurs
« sociaux » pour faire honnêtement la besogne de Z.