Marc Rousset ♦
Économiste, Ancien haut dirigeant d’entreprise.
Angela Merkel et Emmanuel Macron viennent de signer, en Allemagne, au château de Meseberg, deux lettres d’intention pour l’avion de combat du futur (SCAF) et le char du futur. Le premier devrait être déployé en 2040, le deuxième en 2035.
Nexter, champion français de l’armement terrestre avec le char Leclerc, le canon Caesar et le VBCI, a signé, le 29 juillet 2014, un contrat de mariage avec le groupe allemand KMW (char Leopard). L’opération a donné naissance à KNDS, numéro un européen et numéro trois mondial de l’armement terrestre, avec plus de deux milliards d’euros de ventes cumulées, neuf milliards de carnet de commandes et 6.000 salariés. La nouvelle entité se range derrière le géant américain General Dynamics (six milliards d’euros dans la seule branche terrestre) et le britannique BAE Systems (3,6 milliards d’euros, essentiellement aux États-Unis) et devant l’allemand Rheinmetall, qui n’a pas réussi à trouver un accord avec KMW.
Il s’agit du premier mouvement de consolidation en Europe sur ce marché morcelé qui compte une dizaine d’acteurs : RTD (Renault Trucks Defense) et Panhard en France, OTO Melara, filiale de Leonardo (anciennement Finmeccanica), en Italie. Pour réussir ce mariage délicat entre un groupe 100 % public français et une entreprise appartenant à la famille Bode-Wegmann, la France a accepté de privatiser Nexter et de voir sa participation passer à 50 % dans une société holding à Amsterdam. Chacune des sociétés a conservé ses usines ainsi que ses QG opérationnels, à Satory pour Nexter et à Munich pour KMW. Il s’agit donc, en fait, d’un rapprochement entre égaux plus que d’une fusion.
Ce rapprochement ne s’est pas fait sans peine en raison des réserves de la partie allemande au sujet des exportations d’armement, la France ayant finalement obtenu les garanties nécessaires pour harmoniser les agréments à l’exportation. En fait, un « Airbus du char d’assaut » a vu le jour. Il s’agit du même schéma qu’EADS à ses débuts pour les avions, avant que cela ne se termine par une société intégrée. Les deux alliés ont déjà engrangé les premiers bénéfices de leur alliance en mutualisant les réseaux à l’international, les contrats de sous-traitance ainsi que la recherche et le développement. L’objectif est d’avoir une société de taille suffisante pour offrir des produits technologiques de qualité sur les marchés nationaux et compétitifs à l’export.
En juin 2018, KNDS a déjà expos, au salon de l’armement terrestre Eurosatory, un premier produit commun, le char démonstrateur de combat Euro Main Battle Tank (EMBT), trop germanisé pour certains, avec la coque, le moteur, le châssis du Leopard 2A7, tandis que la tourelle légère avec chargement automatique, opérée par deux membres d’équipage au lieu de trois, vient du Leclerc. Ce char semble avoir un avenir exceptionnel avec le programme franco-allemand Main Group Combat System (MGCS) car il permettra d’intégrer de nombreuses évolutions.
Les militaires italiens ont fait savoir à Eurosatory qu’ils s’intéressent à ce projet. KNDS semble avoir vocation à attirer dans son orbite l’Italien OTO Melara, qui avait été déjà approché sans succès par Nexter en 2010. Se posera alors, comme pour l’A400M, la délicate répartition, au-delà des accords sur les besoins respectifs opérationnels des différentes armées, des contributions industrielles de chaque pays.
Le futur char de combat sera donc franco-allemand et européen ou ne sera pas. La coopération en matière spatiale, aéronautique et d’armement (A400M, ACF, Galileo, Ariane, drones, missiles) s’impose à l’Europe pour bénéficier d’un marché suffisant, et donc des économies d’échelle de production, ce qui permet d’obtenir des prix compétitifs à l’exportation. Le souverainisme hexagonal étriqué, contrairement à l’Europe puissance des nations d’essence franco-allemande, face à la Chine, l’Inde et les États-Unis, n’a aucun avenir.
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Économiste, Ancien haut dirigeant d’entreprise.
Angela Merkel et Emmanuel Macron viennent de signer, en Allemagne, au château de Meseberg, deux lettres d’intention pour l’avion de combat du futur (SCAF) et le char du futur. Le premier devrait être déployé en 2040, le deuxième en 2035.
Nexter, champion français de l’armement terrestre avec le char Leclerc, le canon Caesar et le VBCI, a signé, le 29 juillet 2014, un contrat de mariage avec le groupe allemand KMW (char Leopard). L’opération a donné naissance à KNDS, numéro un européen et numéro trois mondial de l’armement terrestre, avec plus de deux milliards d’euros de ventes cumulées, neuf milliards de carnet de commandes et 6.000 salariés. La nouvelle entité se range derrière le géant américain General Dynamics (six milliards d’euros dans la seule branche terrestre) et le britannique BAE Systems (3,6 milliards d’euros, essentiellement aux États-Unis) et devant l’allemand Rheinmetall, qui n’a pas réussi à trouver un accord avec KMW.
Il s’agit du premier mouvement de consolidation en Europe sur ce marché morcelé qui compte une dizaine d’acteurs : RTD (Renault Trucks Defense) et Panhard en France, OTO Melara, filiale de Leonardo (anciennement Finmeccanica), en Italie. Pour réussir ce mariage délicat entre un groupe 100 % public français et une entreprise appartenant à la famille Bode-Wegmann, la France a accepté de privatiser Nexter et de voir sa participation passer à 50 % dans une société holding à Amsterdam. Chacune des sociétés a conservé ses usines ainsi que ses QG opérationnels, à Satory pour Nexter et à Munich pour KMW. Il s’agit donc, en fait, d’un rapprochement entre égaux plus que d’une fusion.
Ce rapprochement ne s’est pas fait sans peine en raison des réserves de la partie allemande au sujet des exportations d’armement, la France ayant finalement obtenu les garanties nécessaires pour harmoniser les agréments à l’exportation. En fait, un « Airbus du char d’assaut » a vu le jour. Il s’agit du même schéma qu’EADS à ses débuts pour les avions, avant que cela ne se termine par une société intégrée. Les deux alliés ont déjà engrangé les premiers bénéfices de leur alliance en mutualisant les réseaux à l’international, les contrats de sous-traitance ainsi que la recherche et le développement. L’objectif est d’avoir une société de taille suffisante pour offrir des produits technologiques de qualité sur les marchés nationaux et compétitifs à l’export.
En juin 2018, KNDS a déjà expos, au salon de l’armement terrestre Eurosatory, un premier produit commun, le char démonstrateur de combat Euro Main Battle Tank (EMBT), trop germanisé pour certains, avec la coque, le moteur, le châssis du Leopard 2A7, tandis que la tourelle légère avec chargement automatique, opérée par deux membres d’équipage au lieu de trois, vient du Leclerc. Ce char semble avoir un avenir exceptionnel avec le programme franco-allemand Main Group Combat System (MGCS) car il permettra d’intégrer de nombreuses évolutions.
Les militaires italiens ont fait savoir à Eurosatory qu’ils s’intéressent à ce projet. KNDS semble avoir vocation à attirer dans son orbite l’Italien OTO Melara, qui avait été déjà approché sans succès par Nexter en 2010. Se posera alors, comme pour l’A400M, la délicate répartition, au-delà des accords sur les besoins respectifs opérationnels des différentes armées, des contributions industrielles de chaque pays.
Le futur char de combat sera donc franco-allemand et européen ou ne sera pas. La coopération en matière spatiale, aéronautique et d’armement (A400M, ACF, Galileo, Ariane, drones, missiles) s’impose à l’Europe pour bénéficier d’un marché suffisant, et donc des économies d’échelle de production, ce qui permet d’obtenir des prix compétitifs à l’exportation. Le souverainisme hexagonal étriqué, contrairement à l’Europe puissance des nations d’essence franco-allemande, face à la Chine, l’Inde et les États-Unis, n’a aucun avenir.
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