Vincent Bordenave ♦
«Il y a une combinaison de facteurs qui peuvent expliquer ce constat», explique Olivier Dutour, directeur d’études en anthropologie biologique à l’Ecole pratique des hautes études de Paris (Université PSL). «Il ne faut pas occulter la brutalité de la guerre de Sécession. Les blessures crâniennes par balle étaient plus graves et plus complexes à opérer que les traumatismes crâniens où les maux de tête des Incas. Il y avait un contexte d’urgence expliquant que toutes les précautions, notamment d’asepsie, n’étaient pas forcément prises, expliquant le plus faible taux de survie des patients pendant la guerre de Sécession. Ceci dit, cela n’enlève rien à l’habileté incroyable des chirurgiens incas.»
Les trépanations étaient des opérations extrêmement courantes dans le passé et sur tous les continents. Les plus anciennes traces de cette pratique sur des êtres humains datent du mésolithique, soit plusieurs milliers d’années avant les Incas. «Ce qui est très difficile aujourd’hui,c’est de réussir à reconnaître parmi ces opérations lesquelles avaient une raison médicale et lesquelles relevaient d’un acte magique ou religieux,» raconte Olivier Dutour. «La seule chose dont on peut être sûr, c’est que la plupart du temps (jusqu’à plus de 90% des cas chez les Incas), les patients survivaient.»
Après avoir subi une telle opération, les os du crâne cicatrisent. Le niveau de cicatrisation sur les bordures de l’orifice nous renseigne sur le temps de survie après l’intervention. Les auteurs de l’article ont pu déterminer trois catégories. Ceux qui sont morts sur le coup (pendant ou quelques jours après l’opération), ceux qui ont survécu de quelques jours à moins de deux semaines (on ne peut malheureusement pas être certain que la cause du décès soit la trépanation elle-même), et enfin les individus qui ont vécu plusieurs années après. «Il n’y a qu’un seul bémol à cette méthodologie, c’est qu’elle ne prend pas en compte les trépanations post mortem pour la première catégorie», souligne Olivier Dutour. «Les praticiens incas devaient sûrement s’entraîner sur des individus déjà décédés et c’est impossible de dissocier ces pratiques anatomiques des morts per- ou post- opératoires immédiates. Ce qui, au demeurant, me fait penser que le taux de survie pourrait être encore légèrement sous-évalué pour la période Inca.»
Plus étonnants encore, la plupart des survivants avaient le cerveau sous la peau. «Habituellement les orifices de trépanation sont recouverts par des plaques, mais pour les périodes anciennes on en a retrouvé aucune à côté des crânes,» rajoute Olivier Dutour. Le plus probable étant que les médecins recousaient directement le scalp par-dessus l’orifice de trépanation. Le scalp est assez rigide, et on peut largement survivre avec une boîte crânienne ouverte, à condition qu’elle soit recouverte par le cuir chevelu. Il faut juste alors éviter de prendre des coups… Plusieurs crânes ont même été retrouvés avec plusieurs orifices de trépanation. Les degrés de cicatrisation montrent bien que dans certains cas les opérations pouvaient être simultanées et, dans d’autres cas, étalées dans le temps. «Un peu comme aujourd’hui quand on prend plusieurs rendez-vous chez le dentiste, certains Incas avaient, eux, un abonnement chez leur trépaneur», s’amuse Olivier Dutour.
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L’étude de plus de 800 crânes trépanés sur une très large période montre que les chirurgiens de l’Empire Inca étaient plus habiles que leurs “confrères” américains de la guerre de Sécession américaine
Quitte à se faire ouvrir le crâne, mieux valait se trouver dans les mains d’un chirurgien inca du XVe siècle que dans ceux d’un médecin militaire de la guerre de Sécession du XIXe. Telle est la conclusion d’une équipe de chercheurs de trois universités américaines, emmenée par David Kushner du département de médecine de l’Université de Miami, après l’étude plus de 800 crânes trépanés péruviens (ayant subi une opération visant à faire un trou dans le crâne) sur une période couvrant de 400 ans avant J.-C. jusqu’à la fin de l’Empire Inca. Dans un article publié dans la revue World Neurosurgery, ils comparent l’évolution des taux de survie à de telles opérations avec ceux de la guerre civile américaine (1861 à 1865), pendant laquelle un individu n’avait qu’une chance sur deux de survivre après l’ouverture de son crâne. Alors qu’il s’en sortait plus de 4 fois sur 5 chez les Incas!«Il y a une combinaison de facteurs qui peuvent expliquer ce constat», explique Olivier Dutour, directeur d’études en anthropologie biologique à l’Ecole pratique des hautes études de Paris (Université PSL). «Il ne faut pas occulter la brutalité de la guerre de Sécession. Les blessures crâniennes par balle étaient plus graves et plus complexes à opérer que les traumatismes crâniens où les maux de tête des Incas. Il y avait un contexte d’urgence expliquant que toutes les précautions, notamment d’asepsie, n’étaient pas forcément prises, expliquant le plus faible taux de survie des patients pendant la guerre de Sécession. Ceci dit, cela n’enlève rien à l’habileté incroyable des chirurgiens incas.»
Les trépanations étaient des opérations extrêmement courantes dans le passé et sur tous les continents. Les plus anciennes traces de cette pratique sur des êtres humains datent du mésolithique, soit plusieurs milliers d’années avant les Incas. «Ce qui est très difficile aujourd’hui,c’est de réussir à reconnaître parmi ces opérations lesquelles avaient une raison médicale et lesquelles relevaient d’un acte magique ou religieux,» raconte Olivier Dutour. «La seule chose dont on peut être sûr, c’est que la plupart du temps (jusqu’à plus de 90% des cas chez les Incas), les patients survivaient.»
Après avoir subi une telle opération, les os du crâne cicatrisent. Le niveau de cicatrisation sur les bordures de l’orifice nous renseigne sur le temps de survie après l’intervention. Les auteurs de l’article ont pu déterminer trois catégories. Ceux qui sont morts sur le coup (pendant ou quelques jours après l’opération), ceux qui ont survécu de quelques jours à moins de deux semaines (on ne peut malheureusement pas être certain que la cause du décès soit la trépanation elle-même), et enfin les individus qui ont vécu plusieurs années après. «Il n’y a qu’un seul bémol à cette méthodologie, c’est qu’elle ne prend pas en compte les trépanations post mortem pour la première catégorie», souligne Olivier Dutour. «Les praticiens incas devaient sûrement s’entraîner sur des individus déjà décédés et c’est impossible de dissocier ces pratiques anatomiques des morts per- ou post- opératoires immédiates. Ce qui, au demeurant, me fait penser que le taux de survie pourrait être encore légèrement sous-évalué pour la période Inca.»
Plusieurs raisons à une trépanation
«On sait que la science médicale était avancée aux époques anciennes,» raconte le directeur d’études. «Par exemple, le corpus hippocratique (recueil de livres de médecine écrits attribué à Hippocrate, V siècle av J.-C. – NDLR) précise déjà que pour des problèmes neuromoteurs survenant d’un côté du corps après un traumatisme crânien, il faut trépaner en urgence du côté inverse de la localisation de la paralysie.» Non seulement la médecine avait déjà atteint un degré très élevé dans la connaissance du cerveau, mais au vu du taux incroyablement élevé de survie, ils devaient aussi avoir conscience de la nécessité d’appliquer un traitement postopératoire anti-infectieux et cicatrisant, probablement à base de plantes, quand bien même ils ne connaissaient pas encore l’existence des virus et des bactéries.Plus étonnants encore, la plupart des survivants avaient le cerveau sous la peau. «Habituellement les orifices de trépanation sont recouverts par des plaques, mais pour les périodes anciennes on en a retrouvé aucune à côté des crânes,» rajoute Olivier Dutour. Le plus probable étant que les médecins recousaient directement le scalp par-dessus l’orifice de trépanation. Le scalp est assez rigide, et on peut largement survivre avec une boîte crânienne ouverte, à condition qu’elle soit recouverte par le cuir chevelu. Il faut juste alors éviter de prendre des coups… Plusieurs crânes ont même été retrouvés avec plusieurs orifices de trépanation. Les degrés de cicatrisation montrent bien que dans certains cas les opérations pouvaient être simultanées et, dans d’autres cas, étalées dans le temps. «Un peu comme aujourd’hui quand on prend plusieurs rendez-vous chez le dentiste, certains Incas avaient, eux, un abonnement chez leur trépaneur», s’amuse Olivier Dutour.
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