"A qui veut régénérer une Société en décadence, on prescrit avec raison, de la ramener à ses origines." Léon XIII, Rerum Novarum
Alors rappelons-nous :
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le 13 juillet : saints du jour français ou en France.
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St Turiau, évêque et abbé en Bretagne († VIIe ou VIIIe s.)
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En Bretagne, au VIIe ou VIIIe siècle, saint Turiau, évêque et abbé du monastère de Dol.
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BBses Élisabeth Verchière et ses cinq compagnes, religieuses et martyres († 1794)
Durant
les troubles de la Révolution, 29 religieuses chassées de leurs
couvents avaient trouvé refuge dans une maison de Bollène. Là, depuis
dix-huit mois, elles partageaient une vie de prière et de totale
pauvreté. Elles furent arrêtées en avril 1794 pour avoir refusé de
prêter le serment de liberté-égalité exigé par la municipalité et que
leur conscience réprouvait. Elles furent incarcérées le 2 mai à Orange,
dans la prison de la Cure, près de la cathédrale, où étaient déjà
détenues 13 autres consœurs.
Les
religieuses s'organisèrent en communauté et passaient leur temps à
prier. Elles furent condamnées à mort par la Commission populaire qui
siégeait dans l'actuelle chapelle Saint-Louis, et transférées au Théâtre
antique en attendant d'aller à la guillotine dressée sur le cours
Saint-Martin. Trente-deux d'entre elles furent exécutées (16 ursulines,
13 sacramentines, 2 cisterciennes et 1 bénédictine).
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Le 6 juillet : Sœur Marie-Rose, bénédictine de Caderousse (Suzanne Deloye, née à Sérignan en 1741) ;
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le 7 juillet : Sœur Iphigénie, sacramentine de Bollène (Suzanne de Gaillard, née à Bollène en 1761) ;
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le 9 juillet : Sœur Sainte-Mélanie, ursuline de Bollène (Madeleine de Guilhermier, née à Bollène en 1733) et Sœur Marie-des-Anges, ursuline de Bollène (Marie-Anne de Rocher, née à Bollène en 1755) ;
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le 10 juillet : Sœur Sainte-Sophie, ursuline de Bollène (Gertrude d'Alauzier, née à Bollène en 1757) et Sœur Agnés, ursuline de Bollène (Sylvie de Romillon, née à Bollène en 1750) ;
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le 11 juillet : Sœur Sainte-Pélagie, sacramentine de Bollène (Rosalie Bès, née à Beaume-du-Transit en 1753), Sœur Saint Théotiste, sacramentine de Bollène (Elisabeth Pélissier, née à Bollène en 1741), Sœur Saint-Martin, sacramentine de Bollène (Claire Blanc, née à Bollène en 1742) et Sœur Sainte-Sophie, ursuline de Pont-Saint-Esprit (Marguerite d'Albarède, née à Saint-Laurent-de-Carnols en 1740) ;
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le 12 juillet : Sœur Rose, sacramentine de Bollène (Thérèse Talieu, née à Bollène en 1746), Sœur du Bon-Ange, converse sacramentine de Bollène (Marie Cluse, née à Bouvantes en 1761), Sœur Marie de Saint-Henri, cistercienne de Sainte-Catherine d'Avignon (Marguerite de Justamond, née à Bollène en 1746) et Sœur Saint-Bernard, ursuline de Pont-Saint-Esprit (Jeanne de Romillon, née à Bollène en 1753).
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le 13 juillet: Sœur Madeleine, sacramentine de Bollène (Elisabeth Verchière, née à Bollène en 1769), Sœur Marie-de-l'Annonciation, sacramentine de Bollène (Thérèse Faurie, née à Sérignan en 1770), Sœur Saint-Alexis, sacramentine de Bollène (Andrée Minutte, née à Sérignan en 1740), Sœur Saint-François, ursuline de Bollène (Marie-Anne Lambert, née à Pierrelatte en 1742) et Sœur Sainte-Françoise, converse ursuline de Carpentras (Marie-Anne Depeyre, née à Tulette en 1756), Sœur Saint-Gervais, supérieure des ursulines de Bollène (Anastasie de Roquard, née à Bollène en 1749) ;
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le 16 juillet : Sœur Aimée, sacramentine de Bollène (Rose de Gordon, née à Mondragon en 1733), Sœur Marie-de-Jésus, sacramentine de Bollène (Thérèse Charrensol, née à Richerenches en 1758), Sœur Saint-Joachim, converse sacramentine de Bollène (MarieAnne Béguin-Royal, née à Bouvantes en 1736), Sœur Saint-Michel, converse ursuline de Bollène (Marie-Anne Doux, née à Bollène en 1738), Sœur Saint-André, converse ursuline de Bollène (Marie-Rose Laye, née à Bollène en 1728), Sœur Madeleine, ursuline de Pernes (Dorothée de Justamond, née à Bollène en 1743) et Sœur du Coeur-de-Marie, cistercienne de Sainte-Catherine d'Avignon (Madeleine de Justamond, née à Bollène en 1754) ;
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le 20 juillet : Sœur Saint-Basile, ursuline de Pont-Saint-Esprit (Anne Cartier, née à Livron en 1733) ;
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le 26 juillet : Sœur Saint-Augustin, sacramentine de Bollène (Marguerite Bonnet, née à Sérignan en 1719), Sœur Catherine, ursuline de Pont-Saint-Esprit (Marie-Madeleine de Justamond, née à Bollène en 1724), Sœur Claire, ursuline de Bollène (Claire Dubas, née à Laudun en 1727) et Sœur du Cœur-de-Jésus, supérieure des ursulines de Sisteron (Elisabeth de Consolin, née à Courthézon en 1736).
Elles
montèrent toutes joyeusement à l'échafaud, chantant et priant pour
leurs persécuteurs qui admiraient leur courage : « Ces bougresses-là
meurent toutes en riant ». Les dix autres religieuses détenues furent
sauvées par la chute de Robespierre, le 28 juillet, et libérées en I795.
Les
corps des martyres furent jetés dans des fosses communes, dans le champ
Laplane (à Gabet), situé à 4 kilomètres de la ville, au bord de
l'Aygues, et une chapelle y fut bâtie en 1832. Les 32 religieuses ont
été béatifiées par le pape Pie XI le 10 mai 1925.
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Bx Barthélemy Jarrige de la Morélie de Biars, prêtre et martyr († 1794)
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Bx Louis-Armand Adam, prêtre et martyr († 1794)
Dans
la baie devant le port de Rochefort en 1794,
les bienheureux Louis-Armand Adam et Barthélemy Jarrige de la Morélie de
Biars, prêtres et martyrs. Le premier, cordelier du couvent de Rouen,
le second, du diocèse de Limoges, ils furent condamnés à cause de leur
sacerdoce à être détenus sur un bateau négrier et succombèrent, atteints
par une épidémie et victimes de leur charité pour leurs codétenus.
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le 13 juillet 526 : désignation du pape saint Félix IV
Saint
Félix IV est désigné par Théodoric et non pas élu; ce dernier a
martyrisé son prédécesseur, Jean Ier. Pape pendant un peu plus de quatre
ans. Le roi meurt le mois suivant cette désignation.
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le 13 juillet 574 : mort du pape Jean III.
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le 13 juillet 923 : Raoul, duc de Bourgogne est sacré Roi des Francs à l'abbaye Saint-Médard de Soissons.
Voir la chronique du 15 janvier.
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le 13 juillet 939 : mort du pape Léon VII.
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le 13 juillet 1380 : mort de Bertrand du Guesclin Connétable de France.
Bertrand Du Guesclin meurt d'une maladie au cours du siège de Châteauneuf-de-Randon.
Ayant
entendu dire que le Connétable de France s'apprête à rendre l'âme, le
capitaine Anglais de la place de Châteauneuf vient lui-même lui remettre
les clés de la ville.
Profondément
affecté par la mort de son Connétable, le Roi Charles V lui accorde
l'insigne honneur d'être enseveli en la Basilique des Rois de France à
Saint-Denis ; honneur partagé dans l'histoire avec Arnault Guilhem de
Barbazan et le Maréchal de Turenne.
Il
participe à de nombreuses batailles : guerre de Cent Ans, guerre de
Succession de Bretagne, première guerre civile de Castille, etc. au
service de la Navarre et de la France.
Né
en 1320 à La Motte-Broons, en Bretagne, fils de Robert II du Guesclin,
vassal du Duc de Bretagne, Bertrand du Guesclin a pour devise : « Le courage donne ce que la beauté refuse ». Elle s'explique par sa laideur, qui lui vaut le surnom de «Dogue Noir de Brocéliande».
Dans la Guerre de Succession de Bretagne, Bertrand du Guesclin prend
fait et cause pour le camp français contre le parti breton pro-Anglais
de Jean de Montfort. Il sert donc d'abord Charles de Blois, cousin du
Roi de France, prétendant à la couronne du Duché de Bretagne.
Il
soutient le siège de Rennes en 1357. L'un de ses faits d'armes les plus
célèbres est la prise de la forteresse du Grand-Fougeray, non loin de
Rennes après y avoir pénétré avec plusieurs compagnons déguisés en
bûcherons. Efficace et novateur, du Guesclin utilise de nouvelles
techniques de combat rompant avec la guerre chevaleresque : pratique la
guérilla, coups de mains, embuscades et sièges de forteresses. Le
« Dogue Noir de Brocéliande » interdit tout pillage et violence
contre les non-combattants, tout en s'assurant que ses hommes soient
bien rétribués après les combats.
En
1364, il bat les Anglo-Navarrais à Cocherel ; puis est fait prisonnier à
la bataille d'Auray la même année ; une fois libéré par Charles V,
contre rançon, il libère le Royaume des grandes compagnies de
mercenaires ou écorcheurs, en les menant en Castille pour se placer au
service de Henri de Trastamare, alors en guerre contre Pierre le Cruel.
Bertrand du Guesclin a porté de nombreux titres : Chevalier de
Pontorson, Capitaine de Normandie et du mont Saint-Michel, Seigneur de
La Motte-Broons, Duc de Longueville, Chambellan, Connétable de France et
Connétable de Castille, roi de Grenade et duc de Molina, etc.
Charles
V le Sage, grâce à son Connétable de Bretagne, a récupéré presque
toutes les terres françaises prises par Édouard III après le Traité de
Brétigny et laisse un Royaume de France unifié et pacifié.
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le 13 juillet 1789 : émeutes à Paris.
Quarante
des cinquante-quatre barrières donnant accès sur Paris sont brûlées
sous prétexte de faire baisser le prix des grains et du pain, pillage du
couvent Saint-Lazare, pillage du « Garde-Meuble » où sont
conservées des armes, mais qui sont anciennes et de collection. Voilà ce
que sont quelques unes des actions des émeutiers encore peu nombreux.
Les « électeurs » de Paris, c'est-à-dire des bourgeois et en aucun cas
le peuple, se réunissent à l'Hôtel de ville de Paris, forment un
« comité permanent » et décident de créer une « milice bourgeoise » de
48 000 hommes, portant comme marque distinctive, une cocarde aux
couleurs de la ville de Paris (rouge et bleu). Le lendemain les armes
entreposées aux Invalides sont volées et la Bastille prise pour trouver
de la poudre.
- le 13 juillet 1870 : dépêche d'Ems, qui déclenchera la Guerre de 1870.
Suite
à sa rencontre avec l'ambassadeur de France Benedetti, au sujet de la
succession au trône d'Espagne, Guillaume Ier informe son
Ministre-président Otto Von Bismarck, lui indiquant qu'il ne soutient
plus la candidature de son cousin, le prince Léopold de
Hohenzollern-Sigmaringen au trône d'Espagne. Bismarck, qui estime que le
roi a agi par faiblesse, déforme la dépêche royale en lui donnant un
tour belliciste. Devant l'insulte, la France déclare la guerre à la
Prusse le 19.
- le 13 juillet 1906 : une loi rend le repos hebdomadaire obligatoire en France.
- 13 Juillet 1917 : 3ème Apparition Fatima.
Le
vendredi 13 Juillet, la Vierge Marie apparaît à Lucie et ses cousins
comme les autres fois. 5000 personnes assistent à cet événement, à la
Cova da Iria. Notre Dame s'adresse, comme à chaque apparition à Lucie : "Je
veux que vous continuiez à dire le chapelet tous les jours en l'honneur
de Notre Dame du Rosaire, pour obtenir la fin de la guerre et la paix
du monde". Au cours de cette apparition, la Vierge Marie annonce
également 3 nouvelles prophéties qui restent à l'époque les secrets de
Lucie. Deux de ces secrets sont divulgués en 1942, le troisième en l'An
2000. (Cf. chronique du 13 mai, 13 juin, 19 août, 13 septembre, 13
octobre).
Au
cours de l'apparition du 13 juillet 1917, Notre-Dame parle pour la
première fois des premiers samedis du mois en révélant aux petits
voyants : « Je viendrai demander la consécration de la Russie à mon
Cœur Immaculé et la communion réparatrice des premiers samedis du
mois. »
Notons
que la Sainte Vierge parle des premiers samedis du mois de façon
générale, sans en préciser le nombre. Ce n'est que le 10 décembre 1925 à
Pontevedra qu'elle le fait. Voici les paroles de Notre-Dame que sœur
Lucie entend ce jour-là (tirées d'une lettre à son confesseur, le père
Aparicio) :
« Vois,
ma fille, mon Cœur entouré des épines que les hommes m'enfoncent à
chaque instant, par leurs blasphèmes et leurs ingratitudes. Toi, du
moins, tâche de me consoler et dis que tous ceux qui,
- pendant cinq mois, le premier samedi,
- se confesseront,
- recevront la sainte Communion,
- réciteront un chapelet
- et me tiendront compagnie pendant quinze minutes, en méditant sur les quinze mystères du Rosaire
- en esprit de réparation,
je promets de les assister à l'heure de la mort, avec toutes les grâces nécessaires pour le salut de leur âme. »
Au début de l'apparition, après un court dialogue, Notre-Dame leur dit :
«
Sacrifiez-vous pour les pécheurs, et dites souvent, spécialement chaque
fois que vous ferez un sacrifice : "Ô Jésus, c'est par amour pour Vous,
pour la conversion des pécheurs, et en réparation des péchés commis
contre le Cœur Immaculé de Marie" ».
Puis, à la fin de l'apparition, après leur avoir montré l'enfer, elle leur apprit une deuxième prière :
«Quand
vous réciterez le chapelet, dites après chaque mystère : "Ô mon Jésus,
pardonnez-nous. Préservez-nous du feu de l'enfer, conduisez au Ciel
toutes les âmes, surtout celles qui en ont le plus besoin" ».
L'année
précédente, au cours de sa deuxième apparition durant l'été 1916,
l'Ange les avait déjà préparés à cette révélation en leur disant : «
Priez beaucoup. Les Saints Cœurs de Jésus et de Marie ont sur vous des
desseins de miséricorde. Offrez constamment au Très-Haut des prières et
des sacrifices. De tout ce que vous pourrez, offrez à Dieu un sacrifice,
en acte de réparation pour les péchés par lesquels Il est offensé, et
de supplication pour la conversion des pécheurs. (…) Acceptez et
supportez avec soumission les souffrances que le Seigneur vous enverra. »
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le 13 juillet 1937 : discours du cardinal Pacelli, futur Pie XII, sur la vocation chrétienne de la France.
Cette
allocution est prononcée à Notre-Dame de Paris, par le futur Pie XII,
lors du voyage pour l'inauguration de la basilique de sainte Thérèse à
Lisieux, où il représente le pape Pie XI. Ce discours est plus que
jamais d'actualité ! En voici de larges extraits, tant il est difficile
d'en retirer des phrases :
Mais l'intégralité du discours se trouve ici :
http://www.nd-chretiente.com/dossiers/pdf/non_marcheurs_articles/2003_sermon%20du%20cardinal%20pacelli%20a%20nd%20de%20paris%2013%20juillet%201937.pdf
« […]
Mais voici que le parfum dont mon âme était tout embaumée me suivait,
m'accompagnait au cours de mon voyage de retour à travers la luxuriante
fécondité des plaines et des collines de France, de la douce terre de France,
souriante dans la splendeur de sa parure d'été. Et ce parfum
m'accompagne encore ; il m'accompagnera désormais partout. Mais, à me
trouver aujourd'hui en cette capitale de la grande nation, au cœur même
de cette patrie, toute chargée des fruits de la terre, toute émaillée
des fleurs du ciel, du sein de laquelle a germé, sous le soleil divin,
la fleur exquise du Carmel, si simple en son héroïque sainteté, si
sainte en sa gracieuse simplicité ; à me trouver ici en présence de
toute une élite des fils et des filles de France, devant deux cardinaux
qui honorent l'Église et la patrie, l'un pasteur dont la sagesse et la
bonté s'emploient à garder la France fidèle à sa vocation catholique,
l'autre, docteur, dont la science illustra naguère ici même cette
glorieuse vocation, mon émotion redouble encore et la première parole
qui jaillit de mon cœur à mes lèvres est pour vous porter à vous et, en
vous, à tous les autres fils et filles de France, le salut, le sourire
de la grande « petite sainte », flos campi et lilium convallium (Cant.
2, 1), decor Carmeli (Is. 35, 2), messagère de la miséricorde et de la
tendresse divines pour transmettre à la France, à l'Église, à tout le
monde, à ce monde trop souvent vide d'amour, sensuel, pervers, inquiet,
des effluves d'amour, de pureté, de candeur et de paix.
[…]
Comment dire, mes frères, tout ce qu'évoque en mon esprit, en mon âme,
comme dans l'âme et dans l'esprit de tout catholique, je dirais même
dans toute âme droite et dans tout esprit cultivé, le seul nom de Notre-Dame de Paris ! Car ici c'est l'âme même de la France, l'âme de la fille aînée de l'Église, qui parle à mon âme.
Âme
de la France d'aujourd'hui qui vient dire ses aspirations, ses
angoisses et sa prière; âme de la France de jadis dont la voix,
remontant des profondeurs d'un passé quatorze fois séculaire, évoquant
les Gesta Dei per Francos, parmi les épreuves aussi bien que parmi les
triomphes, sonne aux heures critiques comme un chant de noble fierté et
d'imperturbable espérance. Voix de Clovis et de Clotilde, voix de Charlemagne, voix de saint Louis surtout, en cette île où il semble vivre encore et qu'il a parée, en la Sainte Chapelle,
de la plus glorieuse et de la plus sainte des couronnes ; voix aussi
des grands docteurs de l'Université de Paris, des maîtres dans la foi et
dans la sainteté…
Leurs
souvenirs, leurs noms inscrits sur vos rues, en même temps qu'ils
proclament la vaillance et la vertu de vos aïeux, jalonnent comme une
route triomphale l'histoire d'une France qui marche et qui avance en
dépit de tout, d'une France qui ne meurt pas ! Oh ! Ces
voix ! j'entends leur innombrable harmonie résonner dans cette
cathédrale, chef-d'œuvre de votre génie et de votre amoureux labeur qui
l'ont dressée comme le monument de cette prière, de cet amour, de cette
vigilance, dont je trouve le symbole parlant en cet autel où Dieu
descend sous les voiles eucharistiques, en cette voûte qui nous abrite
tous ensemble sous le manteau maternel de Marie, en ces
tours qui semblent sonder l'horizon serein ou menaçant en gardiennes
vigilantes de cette capitale. Prêtons l'oreille à la voix de Notre-Dame
de Paris.
Au
milieu de la rumeur incessante de cette immense métropole, parmi
l'agitation des affaires et des plaisirs, dans l'âpre tourbillon de la
lutte pour la vie, témoin apitoyé des désespoirs stériles et des joies
décevantes, Notre-Dame de Paris, toujours sereine en sa calme et
pacifiante gravité, semble répéter sans relâche à tous ceux qui passent :
Orate, fratres, Priez, mes frères ; elle semble, dirais-je volontiers,
être elle-même un Orate fratres de pierre, une invitation perpétuelle à
la prière.
Nous
les connaissons les aspirations, les préoccupations de la France
d'aujourd'hui ; la génération présente rêve d'être une génération de
défricheurs, de pionniers, pour la restauration d'un monde chancelant et
désaxé ; elle se sent au cœur l'entrain, l'esprit d'initiative, le
besoin irrésistible d'action, un certain amour de la lutte et du risque,
une certaine ambition de conquête et de prosélytisme au service de
quelque idéal.
[…]
Mais ces aspirations mêmes que, malgré la grande variété de leurs
manifestations, nous retrouvons à chaque génération française depuis les
origines, comment les expliquer ? Inutile d'invoquer je ne sais quel
fatalisme ou quel déterminisme racial. À la France
d'aujourd'hui, qui l'interroge, la France d'autrefois va répondre en
donnant à cette hérédité son vrai nom : la vocation.
Car,
mes frères, les peuples, comme les individus, ont aussi leur vocation
providentielle ; comme les individus, ils sont prospères ou misérables,
ils rayonnent ou demeurent obscurément stériles, selon qu'ils sont
dociles ou rebelles à leur vocation.
Fouillant
de son regard d'aigle le mystère de l'histoire universelle et de ses
déconcertantes vicissitudes, le grand évêque de Meaux écrivait : «
Souvenez-vous que ce long enchaînement des causes particulières, qui
font et qui défont les empires, dépend des ordres secrets de la
Providence. Dieu tient du plus haut des cieux les rênes de tous les
royaumes ; il a tous les cœurs en sa main ; tantôt il retient les
passions ; tantôt il leur lâche la bride, et par là il remue tout le
genre humain… C'est ainsi que Dieu règne sur tous les peuples. Ne
parlons plus de hasard ni de fortune ; ou parlons-en seulement comme
d'un nom dont nous couvrons notre ignorance » (Bossuet, Discours sur l'histoire universelle, III, 8).
Le
passage de la France dans le monde à travers les siècles est une
vivante illustration de cette grande loi de l'histoire de la mystérieuse
et pourtant évidente corrélation entre l'accomplissement du devoir
naturel et celui de la mission surnaturelle d'un peuple.
Du
jour même où le premier héraut de l'Évangile posa le pied sur cette
terre des Gaules et où, sur les pas du Romain conquérant, il porta la
doctrine de la Croix, de ce jour-là même, la foi au Christ, l'union avec
Rome, divinement établie centre de l'Église, deviennent pour le peuple
de France la loi même de sa vie. Et toutes les perturbations, toutes les
révolutions, n'ont jamais fait que confirmer, d'une manière toujours
plus éclatante, l'inéluctable force de cette loi.
L'énergie
indomptable à poursuivre l'accomplissement de sa mission a enfanté pour
votre patrie des époques mémorables de grandeur, de gloire, en même
temps que de large influence sur la grande famille des peuples
chrétiens. Et si votre histoire présente aussi ses pages tragiquement
douloureuses, c'était aux heures où l'oubli des uns, la négation des
autres, obscurcissaient, dans l'esprit de ce peuple, la conscience de sa
vocation religieuse et la nécessité de mettre en harmonie la poursuite
des fins temporelles et terrestres de la patrie avec les devoirs
inhérents à une si noble vocation.
Et,
néanmoins, une lumière resplendissante ne cesse de répandre sa clarté
sur toute l'histoire de votre peuple ; cette lumière qui, même aux
heures les plus obscures, n'a jamais connu de déclin, jamais subi
d'éclipse, c'est toute la suite ininterrompue de saints et de héros qui,
de la terre de France, sont montés vers le ciel. Par leurs exemples et
par leur parole, ils brillent comme des étoiles au firmament, quasi
stellae in perpetuas aeternitates (Dan. 12, 3) pour guider la marche de
leur peuple, non seulement dans la voie du salut éternel, mais dans son
ascension vers une civilisation toujours plus haute et plus délicate.
Saint Remi qui versa l'eau du baptême sur la tête de Clovis ; saint Martin, moine, évêque, apôtre de la Gaule ; saint Césaire
d'Arles ; ceux-là et tant d'autres, se profilent avec un relief
saisissant sur l'horizon de l'histoire, dans cette période initiale qui,
pour troublée qu'elle fût, portait cependant en son sein tout l'avenir
de la France. Et, sous leur action, l'Évangile du Christ commence et
poursuit, à travers tout le territoire des Gaules, sa marche
conquérante, au cours d'une longue et héroïque lutte contre l'esprit
d'incrédulité et d'hérésie, contre les défiances et les tracasseries de
puissances terrestres, cupides et jalouses. Mais, de ces siècles
d'effort courageux et patient, devait sortir enfin la France catholique,
cette Gallia sacra, qui va de Louis, le saint Roi, à Benoît-Joseph Labre, le saint mendiant ; de Bernard de Clairvaux, à François de Sales, à l'humble Curé d'Ars ; de Geneviève, la bergère de Nanterre, à Bernadette, l'angélique pastourelle de Lourdes ; de Jeanne d'Arc, la vierge guerrière, la sainte de la patrie, à Thérèse de l'Enfant-Jésus, la vierge du cloître, la sainte de la « petite voie ».
La
vocation de la France, sa mission religieuse ! Mes frères, mais cette
chaire même ne lui rend-elle pas témoignage ? Cette chaire qui évoque le
souvenir des plus illustres maîtres, orateurs, théologiens, moralistes,
apôtres, dont la parole, depuis des siècles, franchissant les limites
de cette nef, prêche la lumineuse doctrine de vérité, la sainte morale
de l'Évangile, l'amour de Dieu pour le monde, les repentirs et les
résolutions nécessaires, les luttes à soutenir, les conquêtes à
entreprendre, les grandes espérances de salut et de régénération.
À
monter, même pour une seule fois et par circonstance, en cette chaire
après de tels hommes, on se sent forcément, j'en fais en ce moment
l'expérience, bien petit, bien pauvre ; à parler dans cette chaire, qui a
retenti de ces grandes voix, je me sens étrangement confus d'entendre
aujourd'hui résonner la mienne.
Et
malgré cela, quand je pense au passé de la France, à sa mission, à ses
devoirs présents, au rôle qu'elle peut, qu'elle doit jouer pour
l'avenir, en un mot, à la vocation de la France, comme je voudrais avoir
l'éloquence d'un Lacordaire, l'ascétique pureté d'un Ravignan, la profondeur et l'élévation théologique d'un Monsabré, la finesse psychologique d'un Mgr d'Hulst
avec son intelligente compréhension de son temps ! Alors, avec toute
l'audace d'un homme qui sent la gravité de la situation, avec l'amour
sans lequel il n'y a pas de véritable apostolat, avec la claire
connaissance des réalités présentes, condition indispensable de toute
rénovation, comme je crierais d'ici à tous les fils et filles de France :
« Soyez fidèles à votre traditionnelle vocation ! Jamais heure
n'a été plus grave pour vous en imposer les devoirs, jamais heure plus
belle pour y répondre. Ne laissez pas passer l'heure, ne laissez pas
s'étioler des dons que Dieu a adaptés à la mission qu'il vous confie; ne
les gaspillez pas, ne les profanez pas au service de quelque autre
idéal trompeur, inconsistant ou moins noble et moins digne de vous ! »
Mais,
pour cela, je vous le répète, écoutez la voix qui vous crie : « Priez,
Orate, fratres ! » Sinon, vous ne feriez qu'œuvre humaine, et, à l'heure
présente, en face des forces adverses, l'œuvre purement humaine est
vouée à la stérilité, c'est-à-dire à la défaite ; ce serait la faillite
de votre vocation.
Oui,
c'est bien cela que j'entends dans le dialogue de la France du passé
avec la France d'aujourd'hui. Et Notre-Dame de Paris, au temps où ses
murs montaient de la terre, était vraiment l'expression joyeuse d'une
communauté de foi et de sentiments qui, en dépit de tous les différends
et de toutes les faiblesses, inséparables de l'humaine fragilité,
unissait tous vos pères en un Orate, fratres dont la toute-puissante
douceur dominait toutes les divergences accidentelles. À présent, cet
Orate, fratres la voix de cette cathédrale ne cesse pas de le répéter ;
mais combien de cœurs dans lesquels il ne trouve plus d'écho ! Combien
de cœurs pour lesquels il ne semble plus être qu'une provocation à
renouveler le geste de Lucifer dans l'orgueilleuse ostentation de leur
incrédulité ! Cette voûte sous laquelle s'est manifestée en des élans
magnifiques l'âme de la France d'autrefois et où, grâce à Dieu, se
manifestent encore la foi et l'amour de la France d'aujourd'hui ; cette
voûte qui, il y a sept siècles, joignait ses deux bras vers le ciel
comme pour y porter les prières, les désirs, les aspirations d'éternité
de vos aïeux et les vôtres, pour recevoir et vous transmettre en retour
la grâce et les bénédictions de Dieu ; cette voûte sous laquelle en un
temps de crise, l'incrédulité, dans son orgueil superbe, a célébré ses
éphémères triomphes par la profanation de ce qu'il y a de plus saint
devant le ciel ; cette voûte, mes frères, contemple aujourd'hui un monde
qui a peut-être plus besoin de rédemption qu'en aucune autre époque de
l'histoire et qui, en même temps, ne s'est jamais cru plus capable de
s'en passer.
Aussi,
tandis que je considère cet état de choses et la tâche gigantesque qui,
de ce chef, incombe à la génération présente, je crois entendre ces
pierres vénérables murmurer avec une pressante tendresse l'exhortation à
l'amour ; et moi-même, avec le sentiment de la plus fraternelle
affection, je vous la redis, à vous qui croyez à la vocation de la
France : « Mes frères, aimez! Amate, fratres ! »
[…]
Que d'hommes n'ont perdu la foi au Père qui est dans les cieux que
parce qu'ils ont perdu d'abord la confiance dans l'amour de leurs frères
qui sont sur la terre, même de ceux qui font profession de vie
chrétienne ! Le réveil de ces sentiments fraternels et la claire vue de
leurs relations avec la doctrine de l'Évangile reconduiront les fils
égarés à la maison du Père.
Au
malheureux gisant sur la route, le corps blessé, l'âme plus malade
encore, on n'aura que de belles paroles à donner et rien qui fasse
sentir l'amour fraternel, rien qui manifeste l'intérêt que l'on porte
même à ses nécessités temporelles, et l'on s'étonnera de le voir
demeurer sourd à toute cette rhétorique ! Qu'est-elle donc, cette foi
qui n'éveille au cœur aucun sentiment qui se traduise par des œuvres ?
Qu'en dit saint Jean, l'apôtre et l'évangéliste de
l'amour ? « Celui qui jouit des biens de ce monde et qui, voyant son
frère dans le besoin, ne lui ouvre pas tout grand son cœur, à qui
fera-t-on croire qu'il porte en lui l'amour de Dieu ? » (1 Jn 3, 17.)
La France catholique qui a donné à l'Église, à l'humanité tout entière un saint Vincent de Paul
et tant d'autres héros de la charité, ne peut pas ne pas entendre ce
cri : Amate, fratres ! Et elle sait que les prochaines pages de son
histoire, c'est sa réponse à l'appel de l'amour qui les écrira.
À
sa fidélité envers sa vocation, en dépit de toutes les difficultés, de
toutes les épreuves, de tous les sacrifices, est lié le sort de la
France, sa grandeur temporelle aussi bien que son progrès religieux.
Quand j'y songe, de quel cœur, mes frères, j'invoque la Providence
divine, qui n'a jamais manqué, aux heures critiques, de donner à la
France les grands cœurs dont elle avait besoin, avec quelle ardeur je
lui demande de susciter aujourd'hui en elle les héros de l'amour, pour
triompher des doctrines de haine, pour apaiser les luttes de classes,
pour panser les plaies saignantes du monde, pour hâter le jour où
Notre-Dame de Paris abritera de nouveau sous son ombre maternelle tout
son peuple, pour lui faire oublier comme un songe éphémère les heures
sombres où la discorde et les polémiques lui voilaient le soleil de
l'amour, pour faire résonner doucement à son oreille, pour graver
profondément dans son esprit la parole si paternelle du premier Vicaire
de Jésus-Christ : « Aimez-vous les uns les autres d'une dilection toute
fraternelle, dans la simplicité de vos cœurs » In fraternitatis amore,
simplici ex corde invicem diligite ! (1 P.1, 22).
Ce
que je connais, mes frères, de ce pays et de ce peuple français, des
directions que lui donnent ses chefs religieux et de la docilité du
grand nombre des fidèles ; ce que m'apprennent les écrits des maîtres
catholiques de la pensée, les rapports des Congrès et Semaines où les
problèmes de l'heure présente sont étudiés à la lumière de la foi divine
; ce que je constate aussi de l'idéalisme avec lequel la jeunesse
croyante de la France s'intéresse à la question capitale du prolétariat
et à sa solution juste et chrétienne, tout cela certes me remplit d'une
ferme confiance que cette même jeunesse, grâce à la rectitude de sa
bonne volonté, à son esprit de dévouement et de sacrifice, à sa charité
fraternelle, si noble en ses intentions, si loyale en ses efforts,
cheminera toujours par les voies droites et sûres. Aussi, loin de moi de
douter jamais de si saintes dispositions ; mais, à la généreuse ardeur
de la jeune France vers la restauration de l'ordre social chrétien,
Notre-Dame de Paris, témoin au cours des siècles passés de tant
d'expériences, de tant de désillusions, de tant de belles ardeurs
tristement fourvoyées, vous adresse, après son exhortation à l'amour : -
Amate, fratres ! – son exhortation à la vigilance, exhortation
empreinte de bonté maternelle, mais aussi de gravité et de sollicitude :
« Veillez, mes frères ! Vigilate, fratres ! »
Vigilate
! C'est qu'il ne s'agit plus aujourd'hui, comme en d'autres temps, de
soutenir la lutte contre des formes déficientes ou altérées de la
civilisation religieuse et la plupart gardant encore une âme de vérité
et de justice héritée du christianisme ou inconsciemment puisée à son
contact ; aujourd'hui, c'est la substance même du christianisme, la
substance même de la religion qui est en jeu ; sa restauration ou sa
ruine est l'enjeu des luttes implacables qui bouleversent et ébranlent
sur ses bases notre confinent et avec lui le reste du monde.
Le
temps n'est plus des indulgentes illusions, des jugements édulcorés qui
ne voulaient voir dans les audaces de la pensée, dans les errements du
sens moral qu'un inoffensif dilettantisme, occasion de joutes d'écoles,
de vains amusements de dialecticiens. L'évolution de ces doctrines, de
ces principes touche à son terme ; le courant, qui insensiblement a
entraîné les générations d'hier, se précipite aujourd'hui et
l'aboutissement de toutes ces déviations des esprits, des volontés, des
activités humaines, c'est l'état actuel, le désarroi de l'humanité, dont
nous sommes les témoins, non pas découragés, certes ! Mais épouvantés.
Une grande partie de l'humanité dans l'Europe actuelle est, dans l'ordre religieux, sans patrie, sans foyer.
Pour elle, l'Église n'est plus le foyer familial ; Dieu n'est plus le
Père ; Jésus-Christ n'est plus qu'un étranger. Tombé des hauteurs de la
révélation chrétienne, d'où il pouvait d'un coup d'œil contempler le
monde, l'homme ne peut plus voir l'ordre dans les contrastes de sa fin
temporelle et éternelle ; il ne peut plus entendre et goûter l'harmonie
en laquelle viennent se résoudre paisiblement les dissonances. Quel
tragique travail de Sisyphe que celui qui consiste à poursuivre la
restauration de l'ordre, de la justice, de la félicité terrestre, dans
l'oubli ou la négation même des relations essentielles et fondamentales !
Quelle
désillusion amère, quelle douloureuse ironie que la lecture des fastes
de l'humanité dans laquelle les noms de ceux que, tour à tour, elle a
salués comme des précurseurs, des sauveurs, les maîtres de la vie, les
artisans du progrès – et qui parfois le furent à certains égards –
apparaissent aujourd'hui comme les responsables, inconscients peut-être,
des crises dont nous souffrons, les responsables d'un retour, après
vingt siècles de christianisme, à un état de choses, à certains égards,
plus obscur, plus inhumain que celui qui avait précédé !
Une
organisation économique gigantesque a étonné le monde par le
fantastique accroissement de la production, et des foules immenses
meurent de misère en face de ces producteurs qui souffrent souvent d'une
détresse non moins grande, faute de la possibilité d'écouler l'excès
monstrueux de leur production. Une savante organisation technique a
semblé rendre l'homme définitivement maître des forces de la nature et,
dans l'orgueil de sa vie, devant les plus sacrées lois de la nature,
l'homme meurt de la fatigue et de la peur de vivre et, lui qui donne à
des machines presque l'apparence de la vie, il a peur de transmettre à
d'autres sa propre vie, si bien que l'ampleur toujours croissante des
cimetières menace d'envahir de tombes tout le sol laissé libre par
l'absence des berceaux.
À
tous les maux, à toutes les crises, peuvent s'opposer les projets de
solution les plus divers, ils ne font que souligner l'impuissance, tout
en suscitant de nouveaux antagonismes qui dispersent les efforts. Et ces
efforts ont beau s'intensifier jusqu'au sacrifice total de soi-même,
pour la réalisation d'un programme pour le salut de la communauté, la
disproportion entre le vouloir et le pouvoir humains, entre les plans
les plus magnifiques et leur réalisation, entre la fin que l'on poursuit
et le succès que l'on obtient, va toujours s'accentuant. Et tant
d'essais stériles et malheureux n'aboutissent en fin de compte qu'à
exaspérer toujours davantage ceux qui sont las d'expériences vaines et
qui réclament impérieusement, farouchement parfois et avec menaces, de
vivre et d'être heureux.
Vigilate
! Eh ! oui, il en est tant qui, pareils aux apôtres à Gethsémani, à
l'heure même où leur Maître allait être livré, semblent s'endormir dans
leur insouciance aveugle, dans la conviction que la menace qui pèse sur
le monde ne les regarde pas, qu'ils n'ont aucune part de responsabilité,
qu'ils ne courent aucun risque dans la crise où l'univers se débat avec
angoisse. Quelle illusion ! Ainsi jadis, sur le mur du palais où
Balthasar festoyait, la main mystérieuse écrivait le Mane, Thécel,
Pharès (note 6). Encore Balthasar eut-il la prudence et la curiosité
d'interroger Daniel, le prophète de Dieu ! Combien aujourd'hui n'ont
même pas cette prudente curiosité ! Combien restent sourds et inertes à
l'avertissement du Christ à ses apôtres : Vigilate et orate ut non
intretis in tentationem ! (note 7).
Vigilate
! Et pourtant l'Église, répétant la parole même du Christ, les avertit.
Depuis les derniers règnes surtout, les avertissements se sont faits
plus précis ; les encycliques se succèdent ; mais à quoi bon les
avertissements, les cris d'alarme, la dénonciation documentée des périls
menaçants, si ceux-là mêmes qui, régulièrement et correctement assis au
pied de la chaire, en entendent passivement la lecture, s'en retournent
chez eux continuer tranquillement leur habituel train de vie sans avoir
rien compris ni du danger commun ni de leur devoir en face du danger !
Vigilate
! Ce n'est pas aux seuls insouciants que ce cri s'adresse. Il s'adresse
aussi à ces esprits ardents, à ces cœurs généreux et sincères, mais
dont le zèle ne s'éclaire pas aux lumières de la prudence et de la
sagesse chrétienne. Dans l'impétueuse fougue de leurs préoccupations
sociales, ils risquent de méconnaître les frontières au-delà desquelles
la vérité cède à l'erreur, le zèle devient fanatisme et la réforme
opportune passe à la révolution. Et quand, pour mettre l'ordre et la
lumière dans cette confusion, le Vicaire de Jésus-Christ, quand
l'Église, en vertu de sa mission divine, élève la voix sur les grandes
questions du jour, sur les problèmes sociaux, faisant la part du vrai et
du faux, du licite et de l'illicite, elle n'entend favoriser ni
combattre aucun camp ou parti politique, elle n'a rien d'autre en vue
que la liberté et la dignité des enfants de Dieu ; de quelque côté
qu'elle rencontre l'injustice, elle la dénonce et la condamne ; de
quelque côté qu'elle découvre le bien elle le reconnaît et le signale
avec joie. Mais il est une chose qu'elle exige de tous ses enfants,
c'est que la pureté de leur zèle ne soit pas viciée par des erreurs,
admises sans doute de bonne foi et dans la meilleure intention du monde,
mais qui n'en sont pas moins dangereuses en fait et qui, en fin de
compte, viennent tôt ou tard à être attribuées non seulement à ceux qui
les tiennent, mais à l'Église elle-même. Malheur à qui prétendrait faire
pactiser la justice avec l'iniquité, concilier les ténèbres avec la
lumière ! Quae enim participatio justitiae cum iniquitate ? Aut quae
societas luci ad tenebras ? (2 Cor. 6,14.)
C'est
aux heures de crises, mes frères, que l'on peut juger le cœur et le
caractère des hommes, des vaillants et des pusillanimes. C'est à ces heures qu'ils donnent leur mesure et qu'ils font voir s'ils sont à la hauteur de leur vocation, de leur mission.
Nous sommes à une heure de crise.
À la vue d'un monde qui tourne le dos à la croix, à la vraie croix du
Dieu crucifié et rédempteur, d'un monde qui délaisse les sources d'eau
vive pour la fange des citernes contaminées ; à la vue d'adversaires,
dont la force et l'orgueilleux défi ne le cèdent en rien au Goliath de
la Bible, les pusillanimes peuvent gémir d'avance sur leur inévitable
défaite ; mais les vaillants, eux, saluent dans la lutte l'aurore de la
victoire ; ils savent très bien leur faiblesse, mais ils savent aussi
que le Dieu fort et puissant, Dominus fortis et potens, Dominus potens
in praelio (Ps 23, 8 ) se fait un jeu de choisir précisément la
faiblesse pour confondre la force de ses ennemis. Et le bras de Dieu
n'est pas raccourci ! Ecce non est abbreviata manus Domini ut salvare
nequeat (Is. 59, 1)(note 10).
Dans
un instant, quand, debout à l'autel, j'élèverai vers Dieu la patène
avec l'hostie sainte et immaculée pour l'offrir au Père éternel, je lui
présenterai en même temps la France catholique avec l'ardente prière
que, consciente de sa noble mission et fidèle à sa vocation, unie au
Christ dans le sacrifice, elle lui soit unie encore dans son œuvre
d'universelle rédemption.
Et
puis, de retour auprès du trône du Père commun pour lui faire part de
tout ce que j'aurai vu et éprouvé sur cette terre de France, oh ! comme
je voudrais pouvoir faire passer dans son cœur si aimant, pour le faire
déborder de joie et de consolation, mon inébranlable espérance que les
catholiques de ce pays, de toutes classes et de toutes tendances, ont
compris la tâche apostolique que la Providence divine leur confie,
qu'ils ont entendu la voix de Notre-Dame de Paris qui leur chante
l'Orate, l'Amate, le Vigilate, non comme l'écho d'un « hier » évanoui,
mais comme l'expression d'un « aujourd'hui » croyant, aimant et
vigilant, comme le prélude d'un « demain » pacifié et béni.
Ô
Mère céleste, Notre Dame, vous qui avez donné à cette nation tant de
gages insignes, de votre prédilection, implorez pour elle votre divin
Fils ; ramenez-la au berceau spirituel de son antique grandeur, aidez-la
à recouvrer, sous la lumineuse et douce étoile de la foi et de la vie
chrétienne, sa félicité passée, à s'abreuver aux sources où elle puisait
jadis cette vigueur surnaturelle, faute de laquelle les plus généreux
efforts demeurent fatalement stériles, ou tout au moins bien peu féconds
; aidez-la aussi, unie à tous les gens de bien des autres peuples, à
s'établir ici-bas dans la justice et dans la paix, en sorte que, de
l'harmonie entre la patrie de la terre et la patrie du ciel, naisse la
véritable prospérité des individus et de la société tout entière.
«
Mère du bon conseil », venez au secours des esprits en désarroi devant
la gravité des problèmes qui se posent, des volontés déconcertées dans
leur impuissance devant la grandeur des périls qui menacent ! « Miroir
de justice », regardez le monde où des frères, trop souvent oublieux des
grands principes et des grands intérêts communs qui les devraient unir,
s'attachent jusqu'à l'intransigeance aux opinions secondaires qui les
divisent ; regardez les pauvres déshérités de la vie, dont les légitimes
désirs s'exaspèrent au feu de l'envie et qui parfois poursuivent des
revendications justes, mais par des voies que la justice réprouve ;
ramenez-les dans l'ordre et le calme, dans cette tranquillitas ordinis
qui seule est la vraie paix !
Regina pacis ! Oh ! Oui ! En
ces jours où l'horizon est tout chargé de nuages qui assombrissent les
cœurs les plus trempés et les plus confiants, soyez vraiment au milieu
de ce peuple qui est vôtre la « Reine de la Paix » ; écrasez de
votre pied virginal le démon de la haine et de la discorde ; faites
comprendre au monde, où tant d'âmes droites s'évertuent à édifier le
temple de la paix, le secret qui seul assurera le succès de leurs
efforts : établir au centre de ce temple le trône royal de votre divin
Fils et rendre hommage à sa loi sainte, en laquelle la justice et
l'amour s'unissent en un chaste baiser, justitia et pax osculatae sunt
(Ps 74, 11) (note 12).
Et
que par vous la France, fidèle à sa vocation, soutenue dans son action
par la puissance de la prière, par la concorde dans la charité, par une
ferme et indéfectible vigilance, exalte dans le monde le triomphe et le
règne du Christ Prince de la paix, Roi des rois et Seigneur des
seigneurs. Amen ! »