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vendredi 17 janvier 2014

A la Droite de Julius Evola

Philippe Delbauvre
A la Droite de Julius Evola
 
Je sais par expérience que dans la mouvance le baron Evola est connu même si bien souvent sa pensée est en partie mécomprise quand elle n’est pas caricaturée. A titre d’exemple, bien des catholiques lui reprochent le paganisme dont il s’est fait le thuriféraire dans son ouvrage majeur, écrit durant sa jeunesse, qu’est « impérialisme païen ». C’est pourtant omettre que son auteur a renié l’ouvrage par la suite, allant jusqu’à s’opposer à sa réédition. C’est oublier aussi que Julius Evola finit par reconnaître au Catholicisme un lien privilégié avec ce qu’il nomme Tradition.


Le baron se revendiqua de la Droite (« Destra »), celle là même que l’on ne peut écrire qu’avec une majuscule et qui s’oppose frontalement à la Gauche. Dès les premières pages de l’essai majeur qu’est « les hommes au milieu des ruines », il met en exergue la discontinuité historique – la notion de « catastrophe » en mathématique – que constitua la révolution française. Est donc de Droite, celui qui refuse bien évidemment la révolution française mais aussi tous les principes qui lui sont attenants. On comprend dès lors par exemple, l’opposition du Baron à l’idée de Nation qui, dans ce qu’elle a de massique et d’égalitaire, heurte le régime de castes (noblesse – clergé – tiers état) qui existait auparavant.


On ne peut contester la sincérité du Baron qui croit être dans le vrai quant à son appartenance à la Droite. J’ai pour autant de sérieux doutes dont je vais vous faire part.


René Rémond, dans la dernière réactualisation de son ouvrage majeur que fut « Les droites en France » considéra, ce qui semble difficilement contestable, que l’une des lignes de fracture majeure entre droite et gauche fut, en plus de l’adhésion à la République – les deux faits sont liés - le positionnement par rapport à l’Eglise. Très longtemps, le vote de droite fut clérical, au point d’ailleurs que le dimanche, jour de l’élection, bien des curés n’hésitèrent pas à appeler durant la messe, leurs paroissiens à voter pour le candidat de droite, ce alors que le vingtième siècle était déjà bien avancé. Réciproquement, la Gauche, bien longtemps, fut viscéralement anticléricale, « bouffeuse de curés » dénonçant, avec fierté d’ailleurs, les influences délétères de la « calotte ».


Il est à mes yeux deux points essentiels sur lesquels le baron Evola est de Gauche:


1) Dans le schème indoeuropéen trifonctionnel, la caste supérieure n’est autre que celle des penseurs. Platon par exemple, se situe dans cette lignée. Or force est de constater que Julius Evola se réclame sans contestation possible de la seconde caste, à savoir celle des guerriers. En ce sens, il favorise et initie de facto la chute qui va mener à long terme vers la victoire de la strate la plus basse qui n’est autre que la plèbe.


2) Si le Baron a renié son ouvrage de jeunesse « impérialisme païen », il n’en a pas moins écrit aussi « Le Mystère du Graal et l'idée impériale gibeline ». A nouveau, le choix est clair : l’opposition à l’époque médiévale – nous sommes ici très loin de la révolution française même si on peut considérer que celle-ci s’annonce déjà - entre guelfes et gibelins n’est autre déjà de celle de la Droite et de la Gauche. Là où la Droite défend des valeurs universelles (ne pas confondre avec « planétaires » ou « mondialistes ») qui sont immuables, éternelles et transcendantes, la Gauche défend déjà des intérêts particuliers, ici locaux, qui heurtent aussi bien l’ordre naturel que la suprarationalité.


Bien souvent l’homme de droite (sans majuscule) aujourd’hui effectue un constat trivial quant la nature humaine. Même si ses analyses sont simplistes voire vulgaires, il part du principe que la nature humaine est un invariant et qu’on ne pourra la changer. A contrario, l’homme de gauche tente de changer l’homme, considérant que l’on peut modifier la donne : on revient à la distinction classique entre le pessimisme de la droite et l’optimisme de la gauche, résumés assez bien par la formule connue : « pour la gauche, l’homme est responsable mais pas coupable. Pour la droite l’homme est coupable mais pas responsable. ». Ce qu’ignorent, aussi bien l’homme de droite comme l’homme de gauche d’aujourd’hui, c’est que par le constat qu’ils effectuent quant à la nature humaine, ils en reviennent essentiellement à ce que fut originellement Droite et Gauche.