Le ministre de l'intérieur Manuel Valls était ce matin l'invité de
Patrick Cohen sur France Inter, pour évoquer la décision d'interdire le
spectacle de Dieudonné au nom du trouble à l'ordre public que
provoqueraient ses prises de parole. A cette occasion, M. Valls a
confirmé la volonté du Gouvernement d'étendre la censure de Dieudonné à internet.
"La parole raciste et antisémite, elle est là, elle se déverse sur
Internet, donc ce combat continue. Toujours avec plus de sérénité et de
fermeté, parce que moi je crois de plus en plus en la France et en ses
valeurs", a d'abord prévenu le ministre de l'intérieur.
"Dieudonné effectivement n'a pas besoin de la scène pour se faire entendre", l'a relancé Patrick Cohen. "Est-ce
que vous pourriez, fort de la décision du Conseil d'Etat, envisager des
mesures coercitives à l'encontre de son site internet ou des diffuseurs
de ses vidéos ?".
"Moi je crois que là où il y a une parole antisémite, raciste, qui se diffuse, la justice doit pouvoir agir",
a confirmé Manuel Valls. Or le Conseil d'Etat ayant décidé hier de
créer pour la première fois un régime de censure par précaution (ce dont
M. Valls s'est félicité sur BFMTV),
il ne s'agit plus de condamner les propos racistes ou antisémites après
leur diffusion, mais bien d'empêcher qu'ils puissent être diffusés.
"C'est difficile, je le sais bien, j'ai toujours dit que quand j'ai
lancé son combat juridique, il y avait une part de risque. Mais je
crois que nous ne pouvons pas laisser se diffuser cette parole, y
compris sur Internet. Il faut en discuter notamment avec les opérateurs", a prévenu Manuel Valls. "Vous
savez qu'on a réussi notamment sur Twitter à ce que la parole
antisémite ou homophobe ne se diffusent pas. Mais c'est vrai que sur un
plan juridique, les choses ne sont pas simples, donc il faut continuer
ce combat".
En juillet dernier, Twitter avait en effet fini par céder aux pressions
du Gouvernement français, en acceptant pour la première fois de fournir à une justice non-américaine les éléments d'identification d'internautes accusés d'antisémitisme. Fin 2012, le réseau social avait aussi accepté de supprimer les tweets qui lui étaient signalés.
Toute la difficulté étant alors de trouver les critères justes pour
être intraitable avec l'antisémitisme, mais parfaitement tolérant avec
l'antisionisme. Une frontière essentielle que l'Union des Etudiants
Juifs de France (UEJF) semble avoir du mal à appliquer dans ses propres demandes de censure, alors que d'autres comme le député UMP Frédéric Lefebvre demandent carrément à "éradiquer la propagande antisioniste", quand bien même cette dernière n'est qu'une position politique parfaitement acceptable dans un Etat de droits.
De son côté, Google France a accepté en 2012 de faire exception à la
neutralité affichée de son algorithme de suggestions de recherches, pour
ne plus suggérer de recherches visant à savoir si une personnalité est juive. La même année, la LICRA avait cependant échoué à faire interdire la diffusion du film "l'Antisémite" de Dieudonné sur Internet, dont elle avait aussi demandé le retrait de la bande annonce sur YouTube.
En fin d'année dernière, le CRIF a demandé que Dieudonné soit moins visible sur YouTube, pour le moment sans succès. Son président Roger Cukierman estimaient que les hébergeurs de vidéos "portent une grave responsabilité quand ils mettent sur leur page d'accueil monsieur Dieudonné" car, selon lui, cela "a un impact très efficace sur l'antisémitisme".