Aujourd’hui,
après les épisodes grecs et irlandais, la sortie de l’euro n’est plus
une chimère. Ce qui était inenvisageable hier est devenu inévitable. Il
est donc temps de se préparer à sortir de l’euro car la dislocation de
la monnaie unique pourrait arriver encore plus tôt que nous l’avions
prévue. Debout la République, à l’avant-garde sur ce
thème, s’est posé depuis longtemps les questions que les médias, les
dirigeants politiques et le grand public se posent aujourd’hui. Si nous
avons été tant critiques à l’égard de cette monnaie, c’est que nous
savons qu’une autre issue est possible.
Parce que la politique pour nous ce n’est plus subir les événements mais les prévoir et s’y préparer, nous répondons aux questions légitimes que vous vous posez sur l’après euro.
1. La monnaie unique, un frein pour les économies européennes
L'euro nous protège-t-il ?
Même si la monnaie unique a eu au demeurant des effets paraissant
bénéfiques, en définitive elle asphyxie notre économie. Si elle a
facilité les échanges au sein de la zone, elle n’en a pas pour autant
accéléré un mouvement qui lui préexistait largement. Ensuite, dans un
premier temps, la convergence des taux longs a permis aux pays qui
souffraient d’une forte prime de risque de réduire considérablement le
coût de leur dette. Mais cette convergence s’est interrompue en 2008 et
nous sommes revenus à la situation d’avant l’euro.
Mais surtout, il convient de tordre le cou à la mystification
absolument incroyable selon laquelle l’euro nous aurait protégés pendant
la crise. Un simple examen des chiffres démontre clairement le
contraire : la zone euro est entrée en récession dès le 2ème trimestre
2008, soit un trimestre avant les Etats-Unis. En 2009, le PIB étasunien a
baissé de 2,5 %, contre 4 % en Europe et en 2010, la croissance sera de
1 % de ce côté-ci de l’Atlantique, contre 3 % de l’autre.
Et pourtant, la récession venait des Etats-Unis et y a été bien plus
dure que chez nous, avec une baisse de 30 % de la valeur de l’immobilier
qui a durement touché des millions de ménages. La crise aurait dû être
bien plus dure aux Etats-Unis et c’est à cause de la politique
européenne qu’elle a été plus forte sur le vieux continent. Et les
derniers mois nous montrent bien que l’euro ne nous protège en aucun cas
de la spéculation. Enfin, passons sur la protection de la Grèce ou
l’Irlande…
L'euro : un choix politique, pas économique
En
fait, les problèmes actuels viennent du fait que l’euro est un choix
essentiellement politique. La France de François Mitterrand y voyait un
moyen d’ancrer l’Allemagne dans l’Europe après la chute du mur de
Berlin, qui aurait pu l’amener à regarder davantage à l’Est. L’Allemagne
l’a accepté uniquement parce que la BCE est l’exact décalque de la
Bundesbank. Mais surtout, tous les fédéralistes y voyaient un moyen de
contraindre l’Europe à se construire sur un modèle fédéral.
Le problème est que la zone euro n’est absolument pas une Zone
Monétaire Optimale, comme le définissent les économistes, à savoir une
zone géographique apte à partager une même monnaie. Aucun des trois
critères nécessaires n’est rempli, à savoir la convergence
macro-économique, la mobilité des travailleurs et l’existence d’un
budget central. Le problème fondamental est que les pays qui y
participent sont des pays trop dissemblables pour partager une même
monnaie.
Même une avancée fédéraliste (totalement impossible quand on constate
l’état de l’opinion allemande qui propose aujourd’hui à la Grèce de
vendre certaines de ses îles) ne serait pas une solution car les deux
premiers critères ne seraient toujours pas vérifiés, ce qui laisserait
trop de mécanismes pervers en œuvre, notamment la prime à une
désinflation compétitive maladive. En outre, l’Europe n’est absolument
pas un espace adapté à une construction de type fédéral.
L'euro cher
Et alors que la faiblesse du cours de l’euro a aidé les économies
européennes à la fin des années 90, s’est ajouté depuis dix ans le
problème chronique de sa surévaluation, qui pénalise la croissance
économique des pays membres. En effet, hormis à sa naissance et pendant
quelques temps (où il est descendu jusqu’à 0,82 dollar), l’euro est une
monnaie dont le cours est trop élevé. Les économistes estiment que son
cours normal devrait être entre 1 et 1,15 dollars à parité de pouvoir
d’achat, soit encore une surévaluation de 10 à 20 % aujourd’hui (qui a
atteint 50 % mi-2008 à 1,6 dollar).
Cette surévaluation a une raison simple : la politique monétaire
exagérément restrictive de la BCE par rapport à la Fed, qui pousse
l’euro à la hausse. L’exemple le plus frappant, dénoncé par de nombreux
économistes, est la décision incroyable de juin 2008, quand Jean-Claude
Trichet avait trouvé le moyen d'augmenter les taux alors que les
Etats-Unis les avaient déjà abaissés de 3 points ! Cette surévaluation
est un énorme handicap commercial. Par exemple, en dix ans, la France
est passée d’un excédent vis-à-vis des Etats-Unis à un déficit de 5
milliards.
Et cette surévaluation encourage les délocalisations. Tout d’abord,
Airbus, fleuron de notre industrie, a décidé d’augmenter la part de ses
composants produits en zone dollar pour se prémunir de la surévaluation
de l’euro : une partie du fuselage de l’A350 sera donc produite aux
Etats-Unis. Un comble ! Les constructeurs automobiles français ont suivi
le même raisonnement : ils produisaient plus de 3 millions de voitures
en France en 2004. Ce chiffre est tombé à un peu plus de 1,5 en 2009…
La désinflation compétitive
Dans un régime de change ajustable ou flottant, ajuster le cours de
la monnaie est un des moyens les plus efficaces pour rééquilibrer les
échanges commerciaux. La monnaie des pays en déficit a tendance à perdre
de la valeur (ce qui permet de favoriser ses exportations et de
renchérir, et donc réduire, ses importations) alors que celle d’un pays
en excédent a tendance à s’apprécier, pénalisant ses exportations et
favorisant ses importations. Ce mécanisme naturel, qui contribue
fortement au rééquilibrage des balances commerciales, est impossible
avec l’euro.
Du coup, avec l’euro cher et des coûts salariaux à l’origine
largement supérieurs à la moyenne, l’Allemagne a choisi de mener une
politique de désinflation compétitive pour aider ses exportations. En
effet, dans un système de parité complètement fixe, chaque point de
hausse de salaire de moins que le voisin est un point de compétitivité
coût de mieux qui permet de gagner la bataille commerciale. C’est ce que
l’Allemagne a compris depuis le milieu des années 1990 et applique avec
toute sa rigueur.
Ce blocage des salaires a permis à notre voisin d’outre-Rhin de
grandement gagner en compétitivité et d’accumuler des excédents
commerciaux grandissants vis-à-vis de l’ensemble de ses « partenaires »
monétaires. Le problème est que cette politique a un effet dépressif
important (la croissance allemande a été la plus faible de la zone dans
les années 2000 – 0.8 % par an - avec l’Italie), ce qui, vu son poids
économique, se transmet à l’ensemble de la zone.
Pire, ce comportement bien peu collectif a toutes les chances de
pousser les autres pays à adopter la même politique de rigueur salariale
absolue pour ne pas perdre en compétitivité. Mais déjà que cette
politique avait un impact extrêmement négatif quand elle était
uniquement poursuivie par l’Allemagne, elle pourrait se révéler
désastreuse si davantage de pays y cédaient, car cela réduirait encore
le potentiel de croissance d’une zone qui n’a déjà pas brillé dans ce
domaine depuis 10 ans…
Une même politique pour des réalités différentes
Mais ce n’est pas tout. L’autre problème majeur de l’euro est
d’imposer une même politique monétaire à un ensemble de pays aux
réalités trop disparates. Autant les taux sont généralement trop élevés
pour des pays comme la France et l’Allemagne, autant ils ont longtemps
été trop faibles pour des pays à croissance et inflation plus fortes. Un
taux d’intérêt de 4 % était bien trop faible pour une Irlande dont la
croissance nominale du PIB flirtait avec les 8 % ou même pour l’Espagne
ou la Grèce.
En effet, si on prend le cas de l’Espagne, pays qui avait un excédent
budgétaire au milieu des années 2000, c’est bien l’euro qui a provoqué
la bulle immobilière et le krach qui a suivi. En effet, les taux courts,
à 4 % alors que la croissance nominale de l’économie (croissance +
inflation) dépassait les 6 %, étaient trop bas, poussant tout le monde à
investir. Si le pays avait pu mener une politique monétaire
indépendante, nul doute que sa banque centrale aurait monté les taux et
limité la bulle et le désastre consécutif.
L'alternative de la monnaie commune
Mais alors, que fait-on après la monnaie unique ? Il suffit de faire
de l’euro la monnaie commune de l’Europe, en réintroduisant des monnaies
nationales qui permettront des ajustements de parité et à chacun de
mener des politiques indépendantes. En outre, cela rendrait caduques les
politiques de désinflation compétitive, ce qui pousserait sans doute
l’Allemagne à adopter une politique plus tournée vers la croissance que
vers le contrôle des salaires. Mieux, un tel euro pourrait déborder du
cadre européen pour devenir un véritable rival du dollar.
Mais est-ce possible ? Bien sûr puisque nous avons réussi le passage à
la monnaie unique il y a quelques années. En outre, nous avons les
précédents tchécoslovaques et yougoslaves où l’éclatement de ces deux
pays a été suivi du passage à de nouvelles monnaies nationales. Il y a
donc des précédents récents. Mieux, comme le souligne Christian Saint
Etienne, le maintien de signes nationaux sur les billets et les pièces
permet d’imaginer un passage rapide.
Certains agitent le spectre d’une explosion des taux d’intérêt en
France, mais cela est malhonnête. Malgré le déficit le plus élevé du G7,
la Grande-Bretagne arrive toujours à se financer à des taux
raisonnables. D’autres avancent que la dette deviendrait ingérable en
cas de dévaluation. Pas faux, sauf si comme nous le proposons les
gouvernements imposent une conversion en monnaie nationale avant la
dévaluation. En outre, en reprenant le contrôle de notre monnaie, nous
pourrions également monétiser notre dette, comme le font les Etats-Unis
et la Grande-Bretagne depuis le début de la crise. Il est en effet
aberrent d’emprunter à 3 % alors que la BCE prête aux banques à 1 %.
Surévaluation, compression de plus en plus forte des salaires et de
la croissance, divergences économiques entre pays membres, encouragement
des bulles, impossibilité d’ajuster les déséquilibres commerciaux : la
monnaie unique est une catastrophe économique dont il faut sortir,
vite !
Relisez également les discours de Nicolas Dupont-Aignan
prononcés à l'Assemblée Nationale et lors des Universités d'été de
Debout La République en téléchargeant le PDF "Discours NDA euro"
ci-contre.
2. Questions/Réponses
Y a-t-il des précédents de retour à des monnaies nationales ?
Oui, il y a de nombreux exemples. Ironie de l’histoire, à l’époque où
les pays de l’Union européenne ratifiaient le traité de Maastricht, la
Tchécoslovaquie prenait le sens inverse. En 1993 les deux Etats tchèque
et slovaque, issus de sa scission, ont choisi d’introduire des monnaies
nationales distinctes pour adapter leurs politiques monétaires aux
réalités économiques différentes des deux pays. C’est ainsi que la
couronne slovaque s’est dépréciée par rapport à la couronne tchèque,
reflétant ainsi les écarts de compétitivité entre les deux pays. Cet
exemple récent montre qu’il est parfaitement possible de revenir à des
monnaies nationales après avoir partagé une même monnaie pendant
plusieurs années (75 ans dans le cas tchécoslovaque).
Peut-on juridiquement sortir de l’euro ?
Oui. Même si cette possibilité n’est pas prévue par les traités
européens, le droit international et la Convention de Vienne prévoient
que tout pays peut dénoncer un traité ou une partie d’un traité.
Juridiquement, la France peut donc faire le choix de quitter la zone
euro.
La France peut-elle sortir seule ?
Oui mais si la France sort de l’euro, il est probable que la monnaie
unique ne pourra pas y survivre. La sortie de la France servira
d’exemple à d’autres pays comme l’Espagne ou l’Italie. C’est pour cela
qu’il faudra au préalable prévenir nos partenaires de manière à pouvoir
organiser une sortie conjointe et coordonnée.
Est-ce la fin de toute politique monétaire européenne ?
Non car l’euro pourra être conservé comme monnaie commune européenne.
Cette alternative nous permettra de conserver les avantages de l’euro
comme :
- Unité de compte commune -> simplification pour la gestion des entreprises européennes
- Monnaie de réserve -> concurrent du dollar
Un nouveau Système Monétaire Européen pourrait alors être mis en
place, de manière à coordonner les politiques monétaires des Etats
membres. Nous proposons de revenir à un système de change fixe mais
ajustable à intervalles réguliers en fonction des données économiques et
de la balance commerciale des pays membres.
En somme, nous proposons de garder les avantages d’une monnaie commune tout en se débarrassant des inconvénients d’une monnaie unique.
En somme, nous proposons de garder les avantages d’une monnaie commune tout en se débarrassant des inconvénients d’une monnaie unique.
Y aura-t-il une dévaluation de notre nouvelle monnaie nationale ?
Tout d’abord, le franc baisserait sans doute par rapport au mark (le
coût du travail en France a progressé de 5 % quand il a baissé de 10 %
en Allemagne depuis 1999). On peut donc estimer que notre monnaie
devrait baisser de 10 à 15 % par rapport au mark.
En revanche, la lire Italienne, la peseta Espagnole, l’escudo Portugais et le drachme Grec baisseraient sans doute plus que le franc (le coût du travail y a progressé de 14 %). Du coup, au final, le franc se retrouverait sans doute à un point d’équilibre et resterait autour de la parité avec l’euro. En revanche, le mark passerait sans doute à 1,1 euro ou plus alors que la lire et la peseta tomberaient à 0,9 euro ou moins.
Le retour aux dévaluations ne risque-t-il pas de menacer la croissance ?
Au contraire, quand il y avait des dévaluations en Europe, la
croissance était plus forte. Dans les années 1980, le PIB de la France
augmentait de 2,3 % par an, celui de l’Italie de 2,6 % et celui de
l’Allemagne de 2 %. Dans les années 2000, sans possibilité d’ajustement,
la croissance de la France n’a été que de 1,5 %, celle de l’Italie de
0,5 % et celle de l’Allemagne de 0,8 %.
En fait, la possibilité de dévaluer évite les politiques de désinflation compétitive. Un pays dont les salaires progressent un peu plus vite que le voisin peut compter sur une dévaluation pour retrouver de la compétitivité. La dévaluation autorise la progression des salaires.
Au contraire, dans un système de change fixe comme l’euro, toute progression de salaires supérieure aux voisins est une détérioration de la compétitivité par rapport aux autres pays européens, ce qui fait que l’euro pousse les salaires à la baisse pour gagner en compétitivité. Cette situation explique les excédents réalisés par l’Allemagne sur ses voisins depuis 10 ans.
Comment financer la dette publique ?
Par la monétisation de la dette comme le font la Fed aux Etats-Unis
ou les banques centrales de la Grande-Bretagne et du Japon. En outre, il
faut noter que la France dispose d’un très fort taux d’épargne. Ainsi,
avec le contrôle des changes, l’Etat pourrait compter sur l’épargne
nationale pour financer sa dette publique.