Par Eric Treguier
En deux ans, la Chine devrait avoir acheté autant d'or que le stock détenu par la banque de France. Objectif de Pékin : dépasser les Etats-Unis afin de permettre au yuan de rivaliser avec le dollar.
Pour la première fois dans l’histoire, un pays devrait avoir
acheté plus de 1.000 tonnes d’or en une seule année. L’année, c’est
2013. Le pays, c’est la Chine. Déjà, pour le premier semestre, la
République populaire de Chine (RPC), a importé plus de 700 tonnes de
métal jaune, soit 54% de plus que l’an dernier.
Le pays dépasse désormais l’Inde comme premier importateur
de métal jaune au monde. Le timing de ces achats est particulièrement
intelligent: les cours de l’or, à 1.313 dollars l’once, sont quasiment à
un plus bas depuis trois ans. Il est aussi particulièrement
"politique", car, à travers ces achats d’or, la Chine veut se construire
une monnaie de réserve, avec l’objectif un jour, de remplacer le
dollar…
La Chine a acheté en deux ans l'équivalent du stock d'or détenu par la France
Mais c’est surtout le rythme d’accumulation de l’or qui
surprend. En deux ans et demi, le pays a acheté 2.500 tonnes d’or,
c’est-à-dire l’équivalent de la totalité du stock d’or de la France
(2.435 tonnes). De plus, elle conserve à l’intérieur de ses frontières
l’or que produisent toutes ses mines. Or, la production aurifères des
mines chinoises "devrait atteindre 430 tonnes cette année, contre
seulement 403 tonnes l’an dernier" explique Du Haiqing, vice-directeur
général de China Gold Group Corp, l'un des principaux producteurs.
Bizarrement, le pays est pourtant resté officiellement au
sixième rang mondial pour ses réserves de métal jaune, selon les
statistiques d’octobre diffusées par le World Gold Council,
avec seulement 1.054 tonnes dans ses coffres. Mais le pays ne publie
aucun chiffre sur l’état de ses stocks, ni sur ses achats d’or sur le
marché. Et le seul moyen de suivre ses réserves est de tracer ses
transactions sur la place de Hong Kong, qui sert de principale place de marché pour les achats d’or des autorités chinoises.
En réalité, mais officieusement cette fois, la Chine
posséderait plus de 3.390 tonnes d’or dans ses coffres. Elle deviendrait
ainsi le deuxième pays au monde pour ses réserves, derrière les
Etats-Unis et leurs 8.133 tonnes, et devant l’Allemagne (3.390 tonnes) et la France (2.435 tonnes).
Avec son appétit d’or, ses réserves augmenteraient de 100
tonnes par mois. Elle fait tout pour cela. En 2002, le pays créait le
Shanghai Gold Exchange (SGE) qui en dix ans est devenu la première place
d’échange sur l’or. Cette année, les contrats qui y sont échangés
dépassent les 1.000 tonnes (40% de la production mondiale). Depuis trois
ans, les banques ont aussi comme instruction de financer des achats de
mines d’or à l’étranger et d’encourager les investisseurs individuels.
En 2017, même les Etats-Unis auront moins de lingots dans leurs coffres
A ce train-là, la Chine devrait devenir, d’ici 2017, le pays ayant les premières réserves au monde, devant les Etats-Unis.
Cela fait sens, affirment plusieurs économistes : les dirigeants
chinois sont à la manœuvres pour préparer l’après-règne du dollar. La
Chine possède en effet plus de 5.000 milliards de dollars, dont la
valeur ne cesse depuis cinq ans, de baisser, suite aux opérations
d’émissions massives (le "Quantitative Easing") lancées par la Réserve
fédérale.
Elle remplace donc petit à petit ses réserves de dollars par
des réserves d’or, plus stables, et plus aptes, le jour où sa monnaie,
le Yuan (appelé aussi Renminbi), sera convertible… et donc en mesure de
faire concurrence à la devise de son principal rival économique.
Récemment, l’agence de presse officielle Xinhua, appelait d'ailleurs à
une "désaméricanisation du monde". Elle prévoit d’ailleurs que le Yuan
remplacera à terme le dollar dans les transactions sur les matières
premières.
La présence, dans les coffres de la banque centrale de Chine, de plusieurs milliers de tonnes de métal jaune contribuera sans doute à consolider la confiance qu’auront dans cette nouvelle monnaie de réserve les
investisseurs du monde entier. Et au train actuel, il ne serait pas
étonnant que dans une décennie, nous payions une bonne partie de nos
importations de café, de cuivre et d’aluminium en yuans.