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lundi 10 février 2014

Dépenses publiques : la gauche face au casse-tête des 50 milliards

Par Solenn de Roy

 http://www.lefigaro.fr/


Bernard Cazeneuve et Pierre Moscovici, à l'Assemblée nationale, le 5 février.
Le ministre du Budget, Bernard Cazeneuve, appelle les ministres à faire des économies drastiques. Ceux-ci redoutent une «purge» dans tous leurs budgets.

C'est un épouvantable casse-tête. François Hollande, qui réunit samedi à l'Élysée un deuxième conseil stratégique de la dépense publique, se trouve au pied du mur: après les avoir promis, le chef de l'État doit désormais trouver ces fameux «50 milliards, au moins», destinés à réduire le déficit public et à financer le pacte de responsabilité pour les entreprises. Les réunions se sont enchaînées à l'Élysée depuis la conférence de presse du 14 janvier. De son côté, le ministre du Budget, Bernard Cazeneuve, a entamé son tour de chauffe, recevant à tour de rôle les ministres, appelés à faire des économies drastiques. «Ça va être la purge, s'inquiète un poids lourd de la majorité. Tous les budgets vont être touchés. Les ministres sont affolés. Ils ne savent pas comment faire… Bref, c'est l'horreur.»

Le ministre de l'Éducation, Vincent Peillon, a semé le trouble en évoquant mercredi une piste de travail explosive: le gel provisoire des promotions et avancements pour l'ensemble des fonctionnaires. Soit 1,2 milliard d'euros d'économies par an. Une proposition que Peillon a ensuite démenti avoir évoquée. Mais cette hypothèse de travail, poussée par la Cour des comptes depuis des années, se trouvera bien - «sans surprise», selon un proche du dossier - au menu des discussions du conseil stratégique. «Quand vous êtes dans un exercice d'économies très important, vous ne vous interdisez rien, reconnaît un conseiller élyséen. On veut regarder tous les sujets.»

Reste que la «fuite» du ministère de l'Éducation nationale a agacé à l'Élysée, où l'on souhaite aller vite sur un dossier périlleux, en évitant à tout prix les «couacs» anxiogènes, à quelques semaines des municipales. Samedi, les ministres devraient être une nouvelle fois priés d'éviter de «parler à tort et à travers», selon un conseiller élyséen. «Attention à la méthode!, prévient le député PS Christophe Caresche. Il faut éviter d'égrener les pistes d'économies, au risque de coaguler les mécontentements. Cela reviendrait à griller une à une les cartouches, avant même les arbitrages rendus.» Devant des proches, Cazeneuve a confié qu'il était «soulagé» que le dossier soit centralisé à l'Élysée. «Il ne voulait pas que les ministres aient des cordes de rappel», explique un proche.

«Mission impossible!»

Au gouvernement et dans la majorité, le pari hollandais suscite de l'inquiétude, voire du scepticisme. «Mission impossible!, tranche le conseiller d'un ministre régalien. Jérôme Cahuzac disait il y a un an qu'il fallait trouver 5 milliards d'économies: on les cherche encore… Le président n'arrivera pas à trouver 50 milliards en grattant ici ou là. Il va devoir supprimer certaines missions de l'État. Ce serait une première!» «On a limé un à un les tuyaux de l'orgue mais cette méthode du rabot, c'est terminé, confirme un ministre de la «task force» priée de dessiner les scénarios d'économies. Maintenant, la question, c'est: quel tuyau on enlève?» Un proche du président n'élude pas: «On fera des réformes de structure, on redonnera du sens aux missions de l'État, sinon on n'y arrivera pas. Il n'y a pas à tortiller.»

Pari audacieux pour un président impopulaire. «En prenant la main sur ce dossier, Hollande s'attend à être jugé sur les résultats, observe un conseiller. Il est très déterminé. N'oublions pas qu'il est issu de la Cour des comptes. Il kiffe l'idée d'un État qui fait mieux avec moins.» Un dirigeant PS soupire: «Ce faisant, il se met au centre du champ de tir.»