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samedi 8 février 2014

JO de Sotchi : un point sur la menace terroriste

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A la mi-janvier, plusieurs médias ont annoncé la mort de Doku Umarov, chef de l’ « Emirat du Caucase », entité islamiste qu’il avait lui-même proclamée en 2007. D’autres journalistes ont immédiatement mis en doute cette nouvelle, expliquant que la mort du jihadiste tchétchène avait déjà été annoncée – à tort – par le passé. Doku Umarov est, pour le pouvoir russe, un homme à abattre. Il a appelé ses partisans, en juillet 2013, à employer une « force maximale » pour perturber les « jeux sataniques » de Sotchi.
Les jihadistes du Caucase n’ont pas fait que proférer des menaces. Ils sont aussi passés à l’acte. A la fin du mois de décembre 2013, plus de trente personnes ont été tuées dans des attentats suicides perpétrés à Volgograd. Cette attaque était la première dans une grande ville de Russie depuis l’attentat de janvier 2011 à l’aéroport Domodedovo de Moscou. Quelques mois plus tôt, en mars 2010, des attentats-suicides avaient provoqué la mort d’une quarantaine de personnes dans le métro de la capitale russe. En 2009, c’est le train reliant Moscou à Saint-Pétersbourg qui avait été visé, l’attaque se soldant par la mort de 28 passagers.

Les JO de Sotchi interviennent dix ans après une série d’attaques particulièrement sanglantes : l’année 2004 avait en effet été marquée, entre autres, par l’assassinat du président tchétchène pro-russe Akhmad Kadyrov, une offensive en Ingouchie, la destruction en vol de deux avions de ligne, plusieurs attentats dans le métro de Moscou et la prise d’otages de l’école de Beslan.  Aujourd’hui, si les hommes – et les femmes puisque plusieurs de ces attentats ont été commis par des femmes – répondant aux ordres de Doku Umarov sont encore capables de mener des actions sanglantes loin de leurs bases, le jihad dans le Caucase semble toutefois marquer le pas.

La dernière grande offensive des jihadistes date d’octobre 2005 quand ils avaient tenté – sans succès – de prendre la ville de Nalchik. Depuis la mort du prédécesseur de Doku Umarov,  Chamil Bassaïev, à l’été 2006, les jihadistes semblent avoir changé de stratégie, évoluant d’une logique de guérilla visant à prendre le pouvoir sur des zones aussi étendues que possible à une stratégie davantage tournée vers des actions terroristes spectaculaires. Pour un mouvement insurrectionnel, une évolution de ce type est généralement un signe de faiblesse : elle signifie que les autorités en place ont réussi à affaiblir suffisamment leurs adversaires pour qu’ils ne soient plus en mesure de recruter en masse des nouveaux combattants et d’obtenir le soutien de la population. C’est ce qui s’est passé dans le Caucase où les autorités russes ont porté de rudes coups à l’insurrection, par des méthodes brutales et controversées.

Les JO de Sotchi seront placés sous très haute surveillance, ce qui ne manque pas de déclencher les critiques des défenseurs des droits individuels. S’il est légitime de critiquer les dérives autoritaires du pouvoir russe, il ne faut pas, toutefois, se leurrer : la menace terroriste qui plane sur Sotchi est réelle. Les événements sportifs qui attirent des touristes, des personnalités et des médias du monde entier sont des cibles de choix. En 1972, aux JO de Munich, la prise d’otages d’athlètes israéliens par un commando palestinien s’était dénouée dans le sang. En 1996, lors de l’euro de football, une bombe de l’IRA avait soufflé un centre commercial de Manchester. La même année, un engin explosif avait semé la panique pendant les JO d’Atlanta. En  2010, juste avant la coupe d’Afrique des nations de football, le bus de la sélection togolaise avait été mitraillé par des rebelles du Front de libération de l’Etat du Cabinda. Enfin, en avril 2013, trois spectateurs ont perdu la vie dans les attentats du marathon de Boston. Les auteurs de ces derniers étaient justement originaires du Caucase.

Les mesures de contrôle qui seront mises en œuvre à Sotchi – notamment la surveillance des télécommunications – seront sûrement désagréables pour les sportifs et les spectateurs. Toutefois, n’importe quel Etat qui organiserait un événement de cette ampleur dans un pareil contexte déploierait des mesures de sécurité exceptionnelles, contraignantes pour les libertés individuelles. Le gouvernement russe ferait preuve d’irresponsabilité s’il ne cherchait pas à constituer une bulle de sécurité aussi hermétique que possible autour de Sotchi. Si l’on s’indigne de cette situation, la question qu’il faut se poser est : la décision d’attribuer les JO à la Russie – prise en 2007 soit trois ans à peine après les multiples attaques de 2004 – était-elle vraiment judicieuse ? Rappelons que des villes comme Salzbourg ou Pyeongchang étaient candidates à l’organisation de ces jeux. Si aucun site olympique n’est à l’abri d’une action terroriste, qu’elle soit d’origine domestique ou importée, les montagnes autrichiennes présentent néanmoins l’avantage de ne pas être situées à quelques encablures d’un foyer insurrectionnel.