Sabine Colon |
LE PLUS. Se battre pour des causes justes, puis
se rendre compte qu'elles servent des intérêts particuliers... Après
l'affaire Dieudonné, notre contributrice, Sabine Colon, s'est rendu
compte que l'anti-racisme s'éloignait souvent de son objectif. Comment
est-elle passée du prosélytisme politique à l'indifférence ? C'est ce
qu'elle nous raconte.
J’ai longtemps été une "indignée" de gauche, à conspuer les extrémistes en tout genre, racistes, homophobes, antisémites. J’ai souvent joué la commentatrice météo, moraliste à souhait, qui parle du climat délétère, nauséabond, des années trente, et j’en passe.
Aujourd’hui, je n’arrive plus à m’indigner. J’observe et commente les débats, je ne les vis plus. Discuter avec des militants d’extrême droite m’était impossible. J’aurais pu en regarder mourir et m’en délecter, c’était un de mes paradoxes. L’affaire Clément Méric m’avait bouleversée – et me bouleverse toujours. Mais à l’inverse, si Esteban Morillo avait subi le même sort, je me serais dit "tant mieux". J’étais une petite dictatrice. J'étais une hystérique de la morale, une Fourest en herbe. Mais l’affaire Dieudonné a chamboulé mes schèmes moraux.
L'anti-racisme pour exister
J’ai définitivement rompu avec la gauche "touche pas mon pote", ces antifascistes en papier mâché, petits politiciens étriqués. J’ai rarement vu plus machiavélique qu’eux. J’ai heureusement gardé beaucoup de sympathie pour des personnalités de gauche, je pense à Christiane Taubira ou à Esther Benbassa. Mais Manuel Valls me laisse hilare, lorsqu’il participe à des conférences antiracistes !
Et ces quelques députés, maires ou autres, sentinelles autoproclamées de la bonne morale. Ceux-là – qui ne sont pas bien nombreux mais font beaucoup de bruit – semblent incapables d’exister autrement. Il est plus facile de se faire remarquer pour ses saillies antiracistes, à renfort de belles valeurs, que pour son talent et pour la pertinence de sa conception de la politique.
Je regrette que leurs masques soient tombés si brutalement, eux que j’appréciais tant jusqu’à l’affaire Dieudonné, ces quelques politiciens qu’Harlem Désir guide avec son bâton de sourcier, en quête du prochain scandale.
Échoués sur l'affaire Dieudonné
L’antiracisme est la panacée pour un politicien en mal de succès. L’affaire Dieudonné était un piège. La majorité de la classe politico-journalistique est vulgairement tombée dedans. Elle s’est laissée abuser par les simplifications de personnalités qui connaissaient trop peu l’environnement de Dieudonné, comme Alain Jakubowicz qui atteste que la quenelle serait un "salut nazi inversé". Une interprétation personnelle que tous les commentateurs ont reprise, eux qui n’avaient pas vu un poil de barbe de Dieudonné depuis dix ans – certains prenant soin de préciser que c’est un salut nazi, oui, mais "supposé".
Les ambassadeurs de l’opinion publique ont plongé dans l’hystérie collective. Et les politiciens moralistes les y ont poussés.
J’ai longtemps combattu les dogmes de cette extrême droite, ai souvent frôlé la bagarre avec des soraliens. J’avais une haine pour le conspirationnisme d'Alain Soral, pour son dénie de l'homophobie, sa façon de penser l’actualité internationale, son anti-féminisme. À une époque où on parlait encore peu de lui.
Aujourd’hui, à force d’entendre n’importe qui théoriser n’importe quoi, comparant celui-ci ou celui-là à Marine le Pen ou à Éric Zemmour (que de raccourcis !) ma haine s’est muée en mépris. En mépris sans indignation. Avec l’affaire Dieudonné, je me suis sentie harcelée par les prédicateurs de la bonne morale. Si bien que tout ce prosélytisme m’a fait perdre la foi.
J’ai longtemps été une "indignée" de gauche, à conspuer les extrémistes en tout genre, racistes, homophobes, antisémites. J’ai souvent joué la commentatrice météo, moraliste à souhait, qui parle du climat délétère, nauséabond, des années trente, et j’en passe.
Aujourd’hui, je n’arrive plus à m’indigner. J’observe et commente les débats, je ne les vis plus. Discuter avec des militants d’extrême droite m’était impossible. J’aurais pu en regarder mourir et m’en délecter, c’était un de mes paradoxes. L’affaire Clément Méric m’avait bouleversée – et me bouleverse toujours. Mais à l’inverse, si Esteban Morillo avait subi le même sort, je me serais dit "tant mieux". J’étais une petite dictatrice. J'étais une hystérique de la morale, une Fourest en herbe. Mais l’affaire Dieudonné a chamboulé mes schèmes moraux.
L'anti-racisme pour exister
J’ai définitivement rompu avec la gauche "touche pas mon pote", ces antifascistes en papier mâché, petits politiciens étriqués. J’ai rarement vu plus machiavélique qu’eux. J’ai heureusement gardé beaucoup de sympathie pour des personnalités de gauche, je pense à Christiane Taubira ou à Esther Benbassa. Mais Manuel Valls me laisse hilare, lorsqu’il participe à des conférences antiracistes !
Et ces quelques députés, maires ou autres, sentinelles autoproclamées de la bonne morale. Ceux-là – qui ne sont pas bien nombreux mais font beaucoup de bruit – semblent incapables d’exister autrement. Il est plus facile de se faire remarquer pour ses saillies antiracistes, à renfort de belles valeurs, que pour son talent et pour la pertinence de sa conception de la politique.
Je regrette que leurs masques soient tombés si brutalement, eux que j’appréciais tant jusqu’à l’affaire Dieudonné, ces quelques politiciens qu’Harlem Désir guide avec son bâton de sourcier, en quête du prochain scandale.
Échoués sur l'affaire Dieudonné
L’antiracisme est la panacée pour un politicien en mal de succès. L’affaire Dieudonné était un piège. La majorité de la classe politico-journalistique est vulgairement tombée dedans. Elle s’est laissée abuser par les simplifications de personnalités qui connaissaient trop peu l’environnement de Dieudonné, comme Alain Jakubowicz qui atteste que la quenelle serait un "salut nazi inversé". Une interprétation personnelle que tous les commentateurs ont reprise, eux qui n’avaient pas vu un poil de barbe de Dieudonné depuis dix ans – certains prenant soin de préciser que c’est un salut nazi, oui, mais "supposé".
Les ambassadeurs de l’opinion publique ont plongé dans l’hystérie collective. Et les politiciens moralistes les y ont poussés.
J’ai longtemps combattu les dogmes de cette extrême droite, ai souvent frôlé la bagarre avec des soraliens. J’avais une haine pour le conspirationnisme d'Alain Soral, pour son dénie de l'homophobie, sa façon de penser l’actualité internationale, son anti-féminisme. À une époque où on parlait encore peu de lui.
Aujourd’hui, à force d’entendre n’importe qui théoriser n’importe quoi, comparant celui-ci ou celui-là à Marine le Pen ou à Éric Zemmour (que de raccourcis !) ma haine s’est muée en mépris. En mépris sans indignation. Avec l’affaire Dieudonné, je me suis sentie harcelée par les prédicateurs de la bonne morale. Si bien que tout ce prosélytisme m’a fait perdre la foi.
notes
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