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La
victoire des marcheurs de la Manif pour tous sur le gouvernement
constitue plus qu’un signe, une démonstration de puissance. Après
vingt mois de présidence Hollande, c’est le peuple de droite qui est
dans la rue, c’est lui qui donne le ton et établit les nouveaux rapports
de force. Ce ne sont pas les partis d’opposition qui commandent. Les
centristes restent inaudibles, l’UMP se montre bien embarrassée, preuve
de lucidité, et le Front national lui-même se tient prudemment en
retrait. Les thèmes qui mobilisent relèvent tous en apparence des
questions de société, essentiellement d’une conception traditionnelle de
la famille. Les manifestations victorieuses de ces trois dernières
semaines apparaissent comme la revanche de la famille chrétienne sur la
famille progressiste. Celle-ci avait pu imposer le mariage pour tous,
celle-là interdit que l’on aille au-delà : batailles au sein de la
société civile qui font plier la société politique.
Pour le Front de gauche et pour les Verts, les plus avancés en matière de mœurs, le recul gouvernemental signe une nouvelle déroute de leur influence. Pour l’aile gauche du Parti socialiste, c’est un échec sociétal qui s’ajoute aux échecs économiques et sociaux. Pour les ministres les plus en flèche sur ces questions - Christiane Taubira, Dominique Bertinotti ou Najat Vallaud-Belkacem, par exemple - c’est une humiliation. Face à l’effondrement du pouvoir dans l’opinion, l’heure est à la retraite généralisée. Les illusions s’envolent, le réalisme s’impose.
Le plus original dans cette situation, qui rappelle 1984 et les gigantesques manifestations contre les projets gouvernementaux à propos de l’école privée, c’est la place que tiennent les associations d’inspiration catholique et le rôle que joue l’Eglise de France dans l’affaire. Rien d’étonnant : école privée, famille, mœurs, on touche au cœur même de la culture chrétienne. Malgré la sécularisation spectaculaire de la société française, malgré le recul abyssal de la pratique religieuse, le peuple catholique reste le noyau le plus nombreux et, dans les grandes circonstances, le plus impliqué de tous. Le cardinal archevêque de Lyon, Mgr. Barbarin, devient la figure de proue de ce grand front du refus.
Cela va poser un problème inédit à l’opposition de droite et d’extrême droite. L’UMP est mal aimée, y compris par son propre électorat. Le FN stagne et reflue légèrement après sa forte percée. Les partis politiques sont honnis. Dès lors, la tentation des manifestants va être de se transformer en groupes de pression puissants et massifs qui vont vouloir arracher aux partis d’opposition des engagements, voire des serments. Ils chercheront à leur imposer leur idéologie : c’est ainsi qu’est né le Tea Party aux Etats-Unis, mû lui aussi par des ressorts religieux. Il a contraint le parti républicain à caricaturer ses thèses, d’où d’ailleurs son échec final.
Derrière ces prises de positions sociétales, on perçoit cependant d’autres revendications, frustrations ou protestations, qui font bien plus qu’affleurer. Les manifestants de ces dernières semaines se mobilisent pour la famille traditionnelle mais charrie aussi la crainte du chômage, la peur du déclassement, l’effroi de l’insécurité et l’obsession d’un déclin dont ils tiennent désormais le gouvernement pour responsable. On peut imaginer ainsi, sans forcer le trait, que si, après les promesses de stabilisation des impôts pesant sur les ménages, d’autres prélèvements faisaient leur apparition (la fin des déductions de la CSG), des manifestations antifiscalité prendraient le relais des manifestations profamilles traditionnelles, sans doute même plus violemment. Des fractions de plus en plus larges de la société civile paraissent avoir atteint un point d’exaspération tel que des protestations de masse deviennent possibles, voire redoutables. Fiscalité, famille, chômage, insécurité peuvent soudain coaguler ou exploser. En 1995, les syndicats de gauche descendaient dans la rue. En 2014, ce peut être le temps des exaspérés de droite hors des partis, à travers des associations et des mouvements improvisés.
Tout cela s’inscrit dans le virage à droite de la société française. Il est spectaculaire jusqu’au théâtral. Il submerge la presse, il colonise les sondages, il triomphe dans les débats médiatiques. Le PS s’assume social-démocrate, le centre s’enracine à droite, la droite décomplexée n’en finit pas de se radicaliser et le FN voit surgir une extrême droite encore plus inquiétante que lui. Le mouvement est général. Il imprègne l’enquête annuelle du Cevipof, grande référence qui tourne au cauchemar : institutions dévalorisées, personnel politique méprisé, sentiment d’échec absolu partagé, pessimismes ravageurs, déclinisme triomphant, amertume noire vis-à-vis de la société, demande pressante d’autorité, nostalgie du chef charismatique. Pour la droite, un risque. Pour la gauche, un fiasco.
Pour le Front de gauche et pour les Verts, les plus avancés en matière de mœurs, le recul gouvernemental signe une nouvelle déroute de leur influence. Pour l’aile gauche du Parti socialiste, c’est un échec sociétal qui s’ajoute aux échecs économiques et sociaux. Pour les ministres les plus en flèche sur ces questions - Christiane Taubira, Dominique Bertinotti ou Najat Vallaud-Belkacem, par exemple - c’est une humiliation. Face à l’effondrement du pouvoir dans l’opinion, l’heure est à la retraite généralisée. Les illusions s’envolent, le réalisme s’impose.
Le plus original dans cette situation, qui rappelle 1984 et les gigantesques manifestations contre les projets gouvernementaux à propos de l’école privée, c’est la place que tiennent les associations d’inspiration catholique et le rôle que joue l’Eglise de France dans l’affaire. Rien d’étonnant : école privée, famille, mœurs, on touche au cœur même de la culture chrétienne. Malgré la sécularisation spectaculaire de la société française, malgré le recul abyssal de la pratique religieuse, le peuple catholique reste le noyau le plus nombreux et, dans les grandes circonstances, le plus impliqué de tous. Le cardinal archevêque de Lyon, Mgr. Barbarin, devient la figure de proue de ce grand front du refus.
Cela va poser un problème inédit à l’opposition de droite et d’extrême droite. L’UMP est mal aimée, y compris par son propre électorat. Le FN stagne et reflue légèrement après sa forte percée. Les partis politiques sont honnis. Dès lors, la tentation des manifestants va être de se transformer en groupes de pression puissants et massifs qui vont vouloir arracher aux partis d’opposition des engagements, voire des serments. Ils chercheront à leur imposer leur idéologie : c’est ainsi qu’est né le Tea Party aux Etats-Unis, mû lui aussi par des ressorts religieux. Il a contraint le parti républicain à caricaturer ses thèses, d’où d’ailleurs son échec final.
Derrière ces prises de positions sociétales, on perçoit cependant d’autres revendications, frustrations ou protestations, qui font bien plus qu’affleurer. Les manifestants de ces dernières semaines se mobilisent pour la famille traditionnelle mais charrie aussi la crainte du chômage, la peur du déclassement, l’effroi de l’insécurité et l’obsession d’un déclin dont ils tiennent désormais le gouvernement pour responsable. On peut imaginer ainsi, sans forcer le trait, que si, après les promesses de stabilisation des impôts pesant sur les ménages, d’autres prélèvements faisaient leur apparition (la fin des déductions de la CSG), des manifestations antifiscalité prendraient le relais des manifestations profamilles traditionnelles, sans doute même plus violemment. Des fractions de plus en plus larges de la société civile paraissent avoir atteint un point d’exaspération tel que des protestations de masse deviennent possibles, voire redoutables. Fiscalité, famille, chômage, insécurité peuvent soudain coaguler ou exploser. En 1995, les syndicats de gauche descendaient dans la rue. En 2014, ce peut être le temps des exaspérés de droite hors des partis, à travers des associations et des mouvements improvisés.
Tout cela s’inscrit dans le virage à droite de la société française. Il est spectaculaire jusqu’au théâtral. Il submerge la presse, il colonise les sondages, il triomphe dans les débats médiatiques. Le PS s’assume social-démocrate, le centre s’enracine à droite, la droite décomplexée n’en finit pas de se radicaliser et le FN voit surgir une extrême droite encore plus inquiétante que lui. Le mouvement est général. Il imprègne l’enquête annuelle du Cevipof, grande référence qui tourne au cauchemar : institutions dévalorisées, personnel politique méprisé, sentiment d’échec absolu partagé, pessimismes ravageurs, déclinisme triomphant, amertume noire vis-à-vis de la société, demande pressante d’autorité, nostalgie du chef charismatique. Pour la droite, un risque. Pour la gauche, un fiasco.