Alexandre Latsa:
Ex: http://french.ruvr.ru
Pour d’autres analystes journalistiques, la Russie comprendrait
30 à 40 millions de musulmans, soit jusqu’à 25 % de la population de
Russie, condamnant de façon irréversible le pays à devenir un califat.
Pour eux à l’horizon 2050 la Russie devrait se transformer en une sorte
de Russabia, pendant russe de l’Eurabia de l’Ouest du continent.
Ces
théories se sont brusquement développées lorsque durant les 2 ou3
dernières années sont apparues des vidéos sur les prières de rue de la
communauté musulmane à Moscou qui selon certains sites laïcistes « submergeraient Moscou » comme Paris ou d’autres villes d’Europe.
En réalité il n’en est rien.
Ces
prières ont lieu une fois par an dans la capitale de Russie et
contrairement à la situation dans d’autres pays européens, elles sont
organisées volontairement « par » les autorités municipales russes «
pour » les croyants musulmans. La capitale de Russie comprend en effet
quatre mosquées pour les quelques deux millions de musulmans que la
ville connaît et dont la grande majorité sont issus d’Asie centrale mais
travaillent dans la capitale. Il faut noter que les musulmans ne sont
pas les seuls à être « mal logés » puisque selon Alexandre Boroda de la fédération des juifs de Russie, 500.000 juifs vivraient à Moscou alors que la ville ne comprendrait actuellement que quatre synagogues.
D’un
point de vue des évolutions démographiques internes à la fédération de
Russie, force est de constater que les chiffres et les faits vont aussi
pour l’instant à l’encontre de ces prévisions catastrophistes.
Le recensement de 2002 annonçait le chiffre de 14,64 millions de musulmans en Russie soit un peu moins de 10 % de la population du pays à cette époque. Selon une analyse du Pew Research Center,
un think-tank américain spécialisé sur les questions démographiques et
sociales, on serait arrivé à 16,4 millions en 2010. Toujours selon ce
think-tank, en 2030 on devrait arriver à 18,6 millions de musulmans en
Russie (sur une population de plausiblement 150 millions soit 12 % de la population totale du pays) mais cela seulement si leur progression se maintient à 0,6 % / an selon
Didier Chaudet. La population musulmane passerait donc de 9% de la
totalité de la population du pays en 2002 à autour de 12 % en 2030.
Qu’en est-il des chiffres dont on dispose ?
Le
district du Caucase du Nord qui représente 6,7 % de la population de
Russie n’a « produit » (en 2013) « que » 8,7 % des naissances du pays,
incluant les minorités russes présentes dans cette région. Les trois
républiques les « moins russes» du grand Caucase Nord que sont la
Tchétchénie, le Daghestan et l’Ingouchie (qui comprennent à elle trois
moins de 3 % de Russes ethniques) ont connu à elle trois 98.801
naissances en 2013 (contre 99.909 en 2012 soit une baisse de 1,7 %)
c’est à dire 5,5 % des naissances de toute la fédération de Russie, un
taux presque identique à celui de 2006 comme on peut le constater ici.
L’ensemble
de toutes les républiques musulmanes de Russie, du Caucase
(Tchétchénie, Daguestan, Ingouchie, Adygué, Kabardino-Balkarie et
Karatchaïévo-Tcherkessie) ainsi que de la Volga (Tatarstan et
Bachokorstan) ont connu cette année 286.402 naissances pour 14.443.611
millions d’habitants, soit un total de 15 % du total des naissances du pays pour 13,2 % de la population de la fédération de Russie.
Il
ne faut pas cependant pas oublier que nombre de ces républiques «
musulmanes » ont en outre de fortes minorités russes (36 % au
Bachokorstan, 33 % en Karatchaïévo-Tcherkessie, 30 % au Tatarstan, 25 %
en Kabardino-Balkarie) voir une majorité russe comme c’est le cas en
Adygué avec 63 % de russes.
Bien
sûr, nombre de citoyens de ces républiques sont à Moscou et aussi de
façon moindre à Saint-Pétersbourg, ce qui contrebalance un peu la
tendance. Mais en même temps ce ne sont pas les minorités tatares ou
caucasiennes moscovites (russifiées et urbanisées) qui ont dans leur
intérêt de bâtir un nouveau califat ou de faire sécession bien au
contraire.
En effet selon une étude de Gallup de 2007
49 % des Russes musulmans ne priaient jamais (66 % pour les jeunes
générations), 46 % ne sauraient pas prononcer la profession de foi
musulmane, 50 % boiraient de l'alcool et 27 % mangeraient du porc. Nulle
surprise dés lors que selon les derniers sondages
de 2013 « seulement » 7 % de la population se déclare musulmane (contre
4 % en 2002 et 6 % en 2007) pendant que 68% des sondés se déclarent eux
orthodoxes contre 50 % en 2002.
Ce
retour en religion des Russiens et des habitants de la Russie est sans
doute l’une des principales raisons du renouveau démographique russe et
de la hausse du nombre de naissances ces dernières années, avec la forte
propagande d’Etat entamée en 2005 et évidemment la hausse continue de
l’amélioration des conditions de vie, qui incluent l’obtention des
primes à la naissance.