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Le
15 septembre 2013, le penseur grand-européen d’origine croate, ancien
professeur de sciences politiques et membre du conseil d’administration
du Parti américain de la liberté (American Freedom Party, anciennement American Third Position),
Tomislav Sunic, a prononcé un discours à Ulrichsberg. Dans ce petit
village sis près de Klagenfurt en Carinthie (Nord de l’Autriche), se
tient chaque année le Jour du souvenir, en mémoire des centaines de
milliers de victimes des persécutions communistes et alliées à la fin et
après la Seconde Guerre mondiale dans cette région. Devant l’avance de
l’Armée rouge, les populations avaient tenté de trouver refuge auprès
des troupes alliées, qui les avaient impitoyablement livrées aux troupes
de Staline. Il s’agissait majoritairement de civils; il se trouvait
aussi parmi eux des volontaires européens venus de toute l’Europe pour
combattre le bolchevisme, de « France, d’Italie, de Hongrie, de
Biélorussie, de Croatie, de Roumanie, de Flandre et de Wallonie » note
Tomislav Sunic, mais aussi de Grande-Bretagne, d’Australie et des
États-Unis.
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Mesdames et Messieurs, chers Amis.
C’est
un honneur pour moi de pouvoir prendre la parole brièvement ici. Mais
mon discours en ces lieux est aussi mon devoir civique envers
d’innombrables personnes de toute l’Europe qui ont y connu un destin
tragique. Ce bel endroit, à l’image de l’ensemble de la province de
Carinthie, illustre l’extrême beauté de la nature. Mais cette terre est
aussi un symbole de l’extrême souffrance d’innombrables soldats et
civils des deux guerres mondiales, et en particulier durant la période
qui a suivi la Seconde Guerre mondiale.
Dans
cette beauté, je perçois toujours quelque chose d’effrayant. En
général, l’extrême beauté peut se transformer instantanément en une
indicible horreur. Pour les troupes du général romain Varus en l’an 9,
les forêts de Westphalie ne sont pas vraiment un endroit romantique.
Pour Arminius, au contraire, elles étaient très agréables. Jeune homme –
et aujourd’hui encore – j’étais terrifié en regardant de nombreux
touristes allemands et autrichiens nageant dans les stations balnéaires
d’Istrie toute proche, en Croatie. Comment peut-on jouir des plages
croates, alors que d’innombrables soldats allemands, d’innombrables
civils italiens et croates y ont été assassinés à l’été 1945 ?
La
Carinthie et la Croatie ne sont pas seulement des terres de beauté,
mais sont aussi des terres de mort. Nous ne commémorons pas ici
seulement les morts de l’Autriche ou de l’Allemagne, mais aussi les
morts et ceux qui sont tombés venus d’autres pays, qui passaient sur ces
terres à l’été 1945, pour sauver leur vie.
Mesdames et Messieurs, chers Amis,
Chaque
journée de commémoration est un événement très problématique. Ce qui
peut être considéré comme honorable et humain par les victimes peut être
considéré comme criminel par les meurtriers – et vice versa.
Les
données empiriques ou les preuves légales concernant des faits
historiques n’aident en rien. Une croyance, une théologie politique
d’opinions dissidentes ne peuvent être combattues par des arguments. Si
tel était le cas, ce ne serait plus une croyance, mais un fait
communément admis.
Comme
beaucoup d’entre vous, je suis aussi un expatrié revenant à la maison,
mais dans un cadre historique différent. Après mes jours d’exil aux
États-Unis, après l’éclatement de la Yougoslavie, je suis retourné dans
la Croatie libérée. Mais mon combat et notre combat continue, car de
nombreux Croates considèrent leur histoire récente différemment que
durant la Yougoslavie communiste. Et souvent, cela ne plaît pas aux
faiseurs d’opinion, y compris les prétendus antifascistes d’Autriche et
de l’Union européenne. D’une part, nous apprécions tous ici la beauté de
la nature, mais d’autre part, nous devons aussi nous poser la question :
quelle était la perception de cette beauté naturelle par les nombreux
soldats et civils d’Europe centrale, orientale et méridionale fuyant
vers le nord à la fin de mai 1945, ou tout simplement tentant de fuir
vers la liberté ?
Ainsi,
nous ne devons pas oublier les innombrables et anonymes citoyens de
l’Europe centrale et du Sud qui fuyaient à travers ces montagnes
longtemps après la Seconde Guerre mondiale fut terminée, et qui
aspiraient à la liberté. Ici, nous apprécions la beauté des montagnes,
mais ces montagnes prirent alors le nom de montagnes de la mort. Par
conséquent, aucune journée de commémoration d’un groupe ethnique ou d’un
peuple, ne peut être un événement apolitique ou rester non-affiliée à
un parti politique. Aussi fort que j’essaie de rester neutre, objectif,
universitaire et m’en tenant aux faits dans mon discours à propos de ces
victimes, dans les yeux de mes adversaires, les victimes ici et leurs
souffrances n’étaient que l’application d’un châtiment mérité pour leurs
méfaits antérieurs, réels ou supposés.
Plus
problématique est le fait que dans la « lutte pour la mémoire
historique » d’aujourd’hui toutes les victimes n’ont pas le même droit à
être commémorée. Nous pouvons l’observer tous les jours dans les
médiats. Certains victimes doivent avoir la priorité sur les autres et
certaines doivent être complètement oubliées. Ulrichsberg est le symbole
de la mémoire d’innombrables allemand et d’innombrables européens,
Croates, Hongrois, Italiens, Belges et Français. Ce qui nous relie à
Ulrichsberg, nous relie aussi à Bleiburg en Carinthie, ou à Dresde, en
Saxe.
Dans
la mémoire historique croate le mot « Bleiburg » a une résonance toute
particulière, semblable à celle que possède Ulrichsberg pour vous. À
l’instant même où on prononce le mot « Bleiburg » en Croatie, on ne
pense pas aux belles forêts ou aux stations de ski, ou au centre
commercial de Carinthie.
Dans
le vocabulaire croate, le mot « Bleiburg » est devenu un terme
quasi-métaphysique de l’être croate en général. Bleiburg n’est pas le
symbole d’un bel endroit romantique, mais le symbole d’une catastrophe
biologique pour la Croatie. En mai 1945, à Bleiburg, des centaines de
milliers de Croates, de nombreux cosaques, de nombreux Monténégrins, de
nombreux Serbes et Slovènes, en majorité des civils qui fuyait ont été
livrés par les troupes alliées anglo-américaines à la racaille
communiste yougoslave. Nous ne devons pas oublier les millions
d’Allemands déportés de Silésie, de Poméranie, de la région des Sudètes
et de la région du Danube, y compris du Land de Carinthie.
Malheureusement,
il y a toujours deux poids et deux mesures dans les commémorations des
morts de notre époque d’après-guerre. Comme le grand spécialiste du
droit constitutionnel allemand Carl Schmitt nous l’a appris, il y a un
problème dangereux avec le droit international moderne, et donc avec
l’idéologie des droits de l’homme, et par conséquent avec nos jours de
commémoration d’aujourd’hui et de demain. Pour beaucoup de gens des
médiats, pour de nombreux prétendus antifascistes, les personnes qui ont
fui à travers la Carinthie durant l’été 1945 étaient des monstres et
des vermines. Comment les droits de l’homme peuvent-ils alors
s’appliquer à la vermine et aux non-démocrates ? Pour les soi-disant
monstres, il ne peut exister de lieu de mémoire. Ils ne méritent ni
compassion ni larmes.
Selon
ces antifascistes, ils méritaient la mort. On nous accuse parfois de
faire beaucoup d’agitation pour notre Jour du souvenir pour banaliser
les crimes [nationaux-socialistes]. Cela n’a aucun sens. Cette thèse
peut facilement être inversée. Les historiens et les faiseurs d’opinion
judiciaires oublient que toute victimologie unilatérale est
conflictuelle par nature : chaque victimologie unilatérale insiste
seulement sur sa propre spécificité, au détriment des autres victimes.
L’atmosphère
victimologique actuelle dans une Europe multiculturelle invite chaque
tribu, chaque communauté et chaque immigrant non-Européen à concevoir
ses victimes comme les seules importantes et uniques. Chaque position
victimaire se trouve cependant en concurrence avec les autres positions
victimaires, ce qui conduit finalement au choc. Une telle mentalité
victimaire unilatérale ne sert pas à prévenir les conflits ou à
favoriser la paix. Elle mène à la violence multi-ethnique et rend les
futurs conflits inévitables.
Les
conditions de victimes mutuelles – sans considération à ce que cela
peut incriminer ou banaliser – ne pourront être cachées ou empêchées
longtemps. Pour le dire autrement, en dehors de notre prétendue
exploitation de nos victimes présumées ici, pourquoi entendons-nous si
peu, quasiment rien, dans les écoles ou dans les universités sur les
souffrances des Allemands, des Croates et des autres pays, immédiatement
après la Seconde Guerre mondiale ? Avec la banalisation et la
minimisation des crimes de guerre alliés, aucun climat de compréhension
mutuelle et de réconciliation ne peut aujourd’hui se produire. Au
contraire, un climat de fausses mythologies et de conflits victimaires
est en train de naître, où chaque personne, chaque famille, chaque
ethnie se sent obligée de se considérer elle-même en victime de son
voisin respectif.
L’exemple
classique est l’effondrement de l’ancien État-prison artificiel de
Yougoslavie, où la victimologie mensongère communiste fut la principale
raison de la guerre en 1991. Les historiens communistes yougoslaves de
cour n’ont pas jeté les bases d’une compréhension mutuelle entre les
peuples yougoslaves, mais à la place ont instillé la haine mutuelle et
la guerre.
Mesdames et Messieurs, chers Collègues, chers Camarades,
Ne
nous laissons nous bercer d’illusions. Ulrichsberg n’est pas seulement
un mémorial approprié contre toutes les guerres, un lieu de
réconciliation, ou un lieu du souvenir. Ulrichsberg peut devenir un
signe symbolique indiquant les catastrophes imminentes. Nous pouvons
tous imaginer ce qui nous attend dans les années à venir. Certains
d’entre vous, certains d’entre nous ayant une plus longue mémoire
historique, savent bien que le monde est venu à une fin. Le monde à
venir sera laid. Mais le monde à venir nous offre à tous une chance.
Je vous remercie de votre attention.
Tomislav Sunic
• L’article original a été publié en anglais à partir du discours allemand sur le site The Occidental Observer, le 27 septembre 2013.