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Le
voyage inédit d'une centaine de patrons français en Iran qui s'est
achevé mercredi a provoqué les critiques de John Kerry, le chef de la
diplomatie américaine. Mais Washington a aussi des arrière-pensées
commerciales.
La visite historique à Téhéran
d'une délégation de plus de cent représentants d'entreprises
françaises, entre lundi et mercredi, n'a pas été appréciée à Washington.
John Kerry,
le chef de la diplomatie américaine, a menacé les sociétés françaises.
«Si les Français peuvent envoyer des hommes d'affaires là-bas (en Iran),
a-t-il déclaré mercredi soir sur CNN, ils ne peuvent pas violer les
sanctions. Ils seront punis s'ils le font et ils le savent».
Quelques
heures plus tôt, le Kerry s'était entretenu au téléphone avec son
homologue français Laurent Fabius. Le voyage des patrons français
organisé par le Medef
n'est «pas utile», a déclaré John Kerry, selon l'un de ses subordonnés.
«Téhéran n'est pas ouvert au commerce et aux affaires parce que la
levée des sanctions est assez provisoire, assez limitée et assez
ciblée», a commenté Wendy Sherman, sous-secrétaire d'État chargée des
affaires politiques.
En réponse, Pierre Moscovici,
le ministre de l'Économie, avait indiqué mercredi soir que la visite du
Medef n'était pas un signe de «laxisme» de la France vis à vis des
sanctions contre l'Iran mais «un pari sur l'avenir». À la suite de
l'accord intérimaire conclu en novembre dernier entre l'Iran et le
groupe «5+1» (États-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni et
Allemagne) sur le programme nucléaire iranien, une petite partie des
sanctions internationales a été levée à partir du 20 janvier. Le
commerce de pétrole brut, de gaz et de produits raffinés iraniens reste
sous embargo des États-Unis et de l'Europe, mais certains avoirs gelés
ont été débloqués et certains échanges autorisés. L'accord de Genève
prévoit que cette levée des sanctions est réversible si les négociations
n'aboutissent pas à un accord définitif d'ici six mois.
Boeing et GM en embuscade
Dans ce contexte sensible, le Quai d'Orsay avait dûment chapitré les patrons voyageurs, comme le Figaro l'avait raconté
la semaine dernière. Même un diplomate américain, Peter Harrel, avait
convié une partie de la délégation à l'ambassade, à Paris pour leur
rappeler les sanctions en vigueur. Le Medef avait d'ailleurs entouré le
voyage d'une certaine discrétion et les représentants de Renault, PSA,
GDF Suez, Total, Alstom, l'Oréal ou encore Lafarge avaient pris soin de
souligner que le voyage était «exploratoire», et qu'aucun contrat ne
serait signé.
À Téhéran, malgré la neige qui a recouvert la ville,
l'accueil du conseiller du président Rohani, Mohammad Nahavandian, et
de responsables de la Chambre de commerce, a été chaleureux. Le chef de
la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif,
qui avait rencontré John Kerry le week-end dernier à Munich, a fustigé
les commentaires du Département d'État sur la visite des Français. «Ce
genre de déclarations n'aide pas et pourrait même avoir un impact
négatif» sur les négociations sur le nucléaire, a-t-il déclaré.
Inédite
par son effectif, la délégation du Medef n'était pas la première à
venir tâter le terrain commercial à Téhéran. Des Autrichiens, des
Britanniques et des Italiens avaient précédé les Français. Des
Américains aussi. General Motors et Boeing œuvrent déjà en coulisse et entendent bien rafler d'importants contrats, le jour où les affaires reprendront vraiment.