par Frédéric Lordon
Tout semble donc s’opposer à ce qu’on redise. Et pourtant il le faut. Il le faut même sur le mode le mieux fait pour scandaliser les amis de la bonne volonté et de l’initiative, c’est-à-dire en rapportant le présent au passé – c’est qu’on ne voit pas trop comment rendre quoi que ce soit d’intelligible autrement… –, meilleur moyen cependant de s’exposer au reproche de « rouvrir inutilement les vieilles querelles, quand le travail de l’avenir nous appelle à unir nos forces ».
Dégager le sens véritable du « Parlement des invisibles », au-delà de ses lénifiants discours, demande donc de ressaisir la trajectoire singulière du rosanvallonisme, d’ailleurs moins compris comme un courant de pensée que comme une tendance, particulièrement dynamique, il faut le lui accorder, de l’entrepreneuriat intellectuel. Qualifier adéquatement cette trajectoire demanderait alors d’en passer par une métaphore mathématique, celle de la géométrie riemannienne (la géométrie sur la sphère) dans laquelle les lignes droites (définies formellement comme le plus court chemin entre deux points) sont en fait de grandes courbes, et le fait est que si le rosanvallonisme apparaît en longue période très incurvé, il ne faut pas moins y voir un effort de maintenir, propre à une trajectoire finalement « rectiligne ».
Nul doute qu’en apparence le rosanvallonisme ne cesse de se déplacer. Mais d’un déplacement qui procède en fait d’une entreprise de rectification politique continuée, c’est-à-dire de rattrapage de mauvais placements successifs. Successifs ? En réalité c’est toujours la même tension qui est éternellement à réduire, mais aussi éternellement à reproduire, car Rosanvallon ne veut surtout pas remettre en cause le positionnement idéologique qui en est le principe. Ni par conséquent ne peut-il en résoudre l’aporie fondamentale consistant, poussé au train par un air du temps de contestation de la mondialisation, à chercher comment occuper la position de la critique du capitalisme mondialisé… sans jamais vouloir remettre en question le capitalisme mondialisé.
Saint-Simon, époque bénie
du néolibéralisme sans complexe
Remettre en question, il n’en était vraiment pas question aux débuts.
Les débuts de la Fondation Saint Simon. Beaucoup – suffisamment – a
déjà été dit à ce sujet, y compris dans les commentaires récents de
l’initiative du « Parlement » qui (à raison) n’ont pas manqué de
rappeler ce glorieux passé [1],
pour qu’il soit nécessaire d’y revenir. On sait que la Fondation Saint
Simon, en son projet explicite de « rapprocher la droite modérée et la
gauche intelligente » a été l’une des figurations les plus précoces, les
plus nuisibles et les plus caricaturales de l’oligarchie du
néolibéralisme en cours de mondialisation, entreprise de synarchie
symbolique réunissant pêle-mêle grands capitalistes, hauts
fonctionnaires, demi-intellectuels et patrons de presse de fausse gauche
passés à droite (July, Joffrin and Co), tous bien d’accord pour en
finir avec les « archaïsmes » de la lutte des classes, ça va sans dire,
mais aussi, plus prosaïquement, avec les coûteuses « rigidités » de
l’Etat social fordien, de la société fordienne même, qu’il est grand
temps de convertir à la nouvelle ère, l’ère du capitalisme vrai,
moderne, de la concurrence et de la liberté. S’il s’agit de convertir,
c’est bien la « gauche » qui doit être le point d’application de
l’effort. Enfin la « gauche »… Disons cette fraction de la gauche qu’on
pressent très capable de passer à droite, rocardiens, PSU recyclés,
cédétistes, etc. Que la droite soit de droite, c’est pour ainsi dire
dans son concept, mais que la gauche devienne de droite, c’est une idée
autrement audacieuse – et un défi à relever. Qui requiert alors l’appui
décisif de médias de « gauche » – mais d’aussi fausse gauche que celle
qu’on a pour projet de déplacer. C’est pourquoi Libération est au cœur de ce dispositif [2] (plus tard Le Nouvel Obs et Le Monde), et la présence de July-Joffrin, névralgique à tous égards.Cependant, devenu président de la Fondation après en avoir été secrétaire-général [3], Pierre Rosanvallon prend conscience, bien plus vivement que ses co-fondateurs (Alain Minc, Roger Fauroux, François Furet), des coûts symboliques et politiques qui vont avec le spectacle d’une oligarchie aussi ouvertement engagée dans la propagande du néolibéralisme. C’est pourquoi l’argument avancé pour justifier la décision de mettre la clé sous la porte en 1999, argument de « la mission accomplie » qui rendrait dès lors sans objet le maintien des structures de la mission, demande à être reçu avec un peu de circonspection. La fondation Saint Simon « a réussi » explique Rosanvallon dans l’acte d’auto-dissolution publié par Le Monde [4], or les institutions qui ont réussi sont menacées de routine – et qui ne serait sensible à cet admirable mouvement d’un moderne Cincinnatus ?
On n’est cependant pas forcé d’acheter comptant l’histoire que les institutions de pouvoir écrivent aimablement à propos d’elles-mêmes. Il est permis notamment de se souvenir qu’avant 1999 il y a eu 1995, l’un de ces moments de la vie politique à haut pouvoir de classement, comme le sera plus tard le référendum du Traité constitutionnel européen (TCE) en 2005. Et que l’épreuve a été conclusive avec une netteté cristalline. La Fondation Saint Simon dans un très bel ensemble se jette derrière le plan Juppé… au moment précis où le corps social français commence à manifester, avec une constance qui ne se démentira plus, sa rétivité à la Grande Transformation néolibérale. De ce point de vue, la victoire de Jospin en 1997, sur une ligne un peu « de gauche » – engagement à la non-privatisation de France Télécom, ultimatum à la signature du Traité d’Amsterdam – confirmera cette disposition (d’ailleurs jusqu’à ce que lui-même, à force d’abandons, ne finisse éjecté).
C’est probablement assez pour que Pierre Rosanvallon s’inquiète d’un effet de déport qui finirait par le couper des grands courants de la société française et l’enfermer dans un personnage d’oligarque majeur, rôle qui peut convenir à l’inconscience de Christine Ockrent ou au cynisme de Denis Kessler, mais pas aux ambitions de devenir l’intellectuel central de la société française. La Fondation Saint-Simon a peut-être « réussi » mais au prix de déborder un peu le contour de la réussite adéquate, justement mesurée, bref elle est allée trop loin, devenue suppôt trop visible de la domination néolibérale. Il est temps de corriger le tir et de faire mouvement. D’autant plus qu’en vérité la mission n’est jamais accomplie, le combat idéologique jamais terminé. Il s’agit bien plutôt de le poursuivre mais par d’autres moyens, moins caricaturalement synarchiques que ceux de la Fondation, un peu plus intellectuellement relevés si possible (c’est possible !) : ce sera la République des Idées – et Cincinnatus ne retourne pas aux champs.
La République des Idées ou le triomphe « expert »
de la gauche pleurnicheuse
Pour bon nombre de commentateurs, la République des Idées, c’est la
face lumineuse du rosanvallonisme, le rachat des errements droitiers de
la Fondation Saint-Simon, le retour au lieu naturel de la « gauche ».
Enfin d’une gauche pas très à gauche tout de même, et dont la portée
« critique » demeure très étroitement circonscrite. En vérité, la
République des Idées se pose comme l’institution intellectuelle de ce
qu’on pourrait nommer la gauche pleurnicheuse, cette gauche pareille à
ceux dont Bossuet rappelle que Dieu se moque parce qu’« ils déplorent
les effets dont ils chérissent les causes ».Alors oui, pour ce qui est de pleurnicher, la gauche pleurnicheuse ne regarde pas à la dépense lacrymale : inégalités, précarité, déclassement, exclusions, ghettoïsation, chômage même ! rien de ce qui fait souffrir la société française ne lui est étranger. Ca n’est pas qu’ayant bien pleuré le travail soit terminé, d’ailleurs on remplit des pages pour analyser et pour « comprendre ». Mais en omettant systématiquement de chercher les causes dans certaines directions qui ont été fermées par principe, dès le départ – et la clé jetée dans les taillis. Europe, libre-échange, pouvoir du capital financier : les trois idées qui n’ont pas droit de cité, ou bien sur le mode de la plus grande inconséquence, dans cette République des idées.
C’est alors une performance dans son genre que de se pencher si longuement sur les dégâts de la mondialisation sans jamais mettre en cause frontalement la mondialisation. Il est vrai que les contributeurs ont été choisis tout exprès : tous ont pour propriété d’avoir poussé le scrupule méthodologique-disciplinaire au point ultime où leur objet est si bien circonscrit qu’il en est déconnecté de toute détermination macro-structurale. On se penche donc avec une rigueur d’entomologiste sur les inégalités (Camille Peugny), sur les déséquilibres de la fiscalité (Camille Landais, Thomas Piketty et Emmanuel Saez), sur la pauvreté (Esther Duflo), ou même sur « les ravages du nouveau productivisme » (Philippe Askénazy), ce dernier réussissant sur pareil sujet cet exploit de ne pas prononcer une seule fois les mots « actionnaire » ou « rentabilité financière » ! Ainsi le monde est-il découpé en misères séparées et tout est fait pour laisser chacune à sa particularité, c’est-à-dire à son isolement, sans jamais vouloir donner à aucune la valeur d’un symptôme, ni encore moins les réunir en un tableau d’ensemble qui, bien sûr, demanderait à aller voir au-delà, dans la direction d’un système générateur.
Or nous sommes dans les années 2000 et le « système générateur » est évident à tous – sauf aux découpages méthodiques de la République des Idées : le capitalisme néolibéral mondialisé. Il est vrai que, publiant Pascal Lamy, il ne faut pas escompter une charge contre le libre-échange. Il est vrai a contrario qu’on trouve parfois, de ci de là, des bouts de mots, comme « capitalisme » ou « mondialisation », mais sans jamais constituer la chose en tant que telle, dans sa cohérence et sa globalité, dans sa productivité causale globale, comme formation macroscopique à laquelle faire remonter la diversité des nuisances que la République des Idées entend bien maintenir séparées. Faute de quoi, il pourrait venir à l’ordre du jour de mettre en cause un ordre social… Sous ce rapport, le maximum de l’hypocrisie est sans doute atteint par Jean Peyrelevade qui semble enfin désigner la chose, d’ailleurs sous un nom bien fait pour revêtir tous les attributs de la critique radicale – le « capitalisme total » [5] ! – mais pour conclure que rien ne doit en être changé et que « les mouvements hostiles à la mondialisation » ne sont que « criailleries (…) et refus de la réalité » [6].
Inoffensive « nouvelle critique sociale »
On dira qu’il est malhonnête de juger une collection entière d’après quelques auteurs isolément – on entend d’ici le lénifiant plaidoyer à la « diversité ». Mais comment, au contraire, ne pas être frappé par l’homogénéité des positions, cela même d’ailleurs qui donne à une collection… sa ligne, et c’est sans doute chose souhaitable qu’elle en ait une !, on se dit même que Pierre Rosanvallon en la lançant devait en avoir vaguement l’idée. Que lui coûterait-il de la reconnaître comme telle ? Peut-être ce difficile aveu qu’elle est intrinsèquement contradictoire : incarner la critique… sans vraiment rien critiquer. Tout bien considéré, le sommet ça n’est pas Le capitalisme total de Jean Peyrelevade, mais bien La nouvelle critique sociale, ouvrage collectif composé par une phalange d’auteurs (Philippe Askénazy, Louis Chauvel, Martin Hirsch, Eric Maurin, Thierry Pech, Thomas Piketty et, primus inter pares, Pierre Rosanvallon himself) notoirement connus pour n’avoir jamais eu jusqu’ici la moindre velléité critique. Nous sommes en 2006, tous ces gens ont été favorables au Traité constitutionnel européen, après le mouvement de 1995 un autre impitoyable schibboleth, et c’est sans rien vouloir dire de l’Europe néolibérale, ou bien en chapitrant les « ennemis de la mondialisation » comme ailleurs Daniel Cohen [7] (un autre auteur de référence de la collection) que la « nouvelle critique sociale » nous fait son aimable proposition : « ceux qui placent [la mondialisation] au banc des accusés risquent de manquer le cœur de la question, qui réside dans un travail sur soi beaucoup plus que dans la critique générale d’un contexte international par ailleurs largement partagé [8] ». Le « contexte international », appellation sûrement plus présentable que « la mondialisation », est « largement partagé », il ne nous reste donc que « le travail sur soi »… – et se trouvent d’un coup confirmés tous les effets de défiguration emportés par les revendications du « nouveau » ou du « néo » : comme les nouveaux philosophes ont été une insulte à la philosophie, la nouvelle critique sociale est un assassinat de la critique sociale. Car on aura rarement vu « critique sociale » remettre si peu en cause, trouver si peu à contester des rapports sociaux contemporains et, il semble bien en effet que, sous les assauts féroces de cette critique-là, l’ordre social ne tremble pas beaucoup sur ses bases. Mais n’était-ce pas le but, pour le coup tout à fait politique, de la manœuvre : préempter le label « critique sociale » pour s’en faire un monopole reconnu. Et en refaire le contenu à sa sauce – blanche.La manœuvre n’opère pas seulement par le minutieux découpage des thèses autorisées, ou plutôt des questions interdites, mais également par la promotion de « nouveaux intellectuels » – puisque décidément tout est nouveau dans cette affaire – qui, à l’image de la critique sociale qui n’en est pas, ont pour propriété de n’en être pas. Car la République des Idées s’enorgueillit de rompre avec « un certain type d’intellectuel », rupture en fait peu coûteuse quand il s’agit de déclasser (enfin) le quarteron de pitres entartables connus sous le nom de « nouveaux philosophes », intellectuels de pacotille idéalement calibrés pour plaire aux éditorialistes qui leurs ont toujours su gré de penser juste un peu au-delà d’eux pour leur offrir une impression d’intelligence, mais surtout pas trop pour ne pas leur donner le sentiment de leur indigence – il n’est que de voir Jean-Marie Colombani qui, trente ans après, continue de « regarder BHL comme un intellectuel d’exception [9] »...
Mais pour mettre qui à la place ? Des chercheurs en sciences sociales. Adieu les divagations anti-totalitaires, les chemises blanches et les coupes au bol ; maintenant la division du travail scientifique, la spécialisation disciplinaire, les chiffres et les statistiques. Reconnaissons sans détour que ce parti-là vaut mille fois mieux que le précédent. Cependant on ne fait pas de la critique avec de seules statistiques. Qu’il en faille, et de bonnes, la chose est tout à fait incontestable ! Mais pour les faire parler, il leur faut un ajout décisif : l’ajout d’une intention… critique, c’est-à-dire d’un point de vue colérique sur le monde. Mais la colère n’entre pas dans les dispositions des auteurs de la République des Idées, où tout est d’un très grand calme. Certes on n’en finit pas de traquer le « dysfonctionnement », mais comme de bons ingénieurs-systèmes qui n’ont, par construction, aucune envie de s’en prendre au système. Ca n’est pas qu’ils le trouvent parfait, mais dans l’ensemble ils n’ont pas grand-chose de fondamental à y redire, et travaillent plutôt à le faire « mieux marcher ».
Il est très évident que l’escroquerie intellectuelle et politique est consommée quand pareil contentement se donne pour de la « critique sociale ». On n’en trouverait guère démontage plus représentatif que celui auquel se livre Ugo Palheta à propos du récent ouvrage de Camille Peugny sur les inégalités [10]. Car, note Palheta, le livre en question certes ne manque pas d’offrir profusion d’éléments statistiques, pour montrer toutes les distorsions de « l’égalité des chances », la falsification de la promesse d’ascension sociale par le mérite, et même des propositions pour la rendre un peu moins fausse… mais ceci, et par le fait même, sans jamais mettre en question son propre implicite, peut-être même sans l’apercevoir du tout, qui admet comme naturel le principe méritocratique, c’est-à-dire la conservation d’un ordre social fondamentalement inégalitaire et hiérarchique – l’essentiel étant qu’il consiste en « justes inégalités ». Par une seule citation de Jean-Claude Passeron, Palheta dévoile d’un seul coup l’ampleur des impensés de Camille Peugny et de sa défense de la « mobilité sociale » : « Le fait que le fils de ministre ait autant de chances de devenir balayeur que le fils de balayeur de devenir ministre pourrait ne rien changer de fondamental aux rapports sociaux entre le ministre et le balayeur [11] » – et l’on pourrait faire une démonstration exactement semblable, démonstration d’impensé et de soustraction inconsciente, à propos des travaux d’Esther Duflo [12] ou de Thomas Piketty [13].
C’est en ce point précis que s’exprime l’essence de la pensée « République des Idées », c’est-à-dire la limite de ce qu’elle désire penser, révélant bien sûr en creux tout ce qu’elle tient bien à laisser inquestionné. Le propre de la République des Idées, c’est alors la vivacité de son sentiment du « jusqu’où aller trop loin », frontière jamais explicitement problématisée, dont aucun des auteurs évidemment n’admettrait s’y soumettre, mais laissée au mécanisme à demi-conscient, et au moins aussi sûr, de l’affinité des habitus, ce préaccord, intellectuel et politique, d’esprits qui se reconnaissent immédiatement entre eux, et ne se retrouvent pas là par hasard. De telle sorte en effet qu’aucun auteur ne se soumet à rien : il lui suffit de se laisser aller « en toute liberté » à ses penchants intellectuels les plus sincères. Et tous savent très bien où s’arrêter : là où leur désir de penser, ou plutôt de ne plus penser, le leur commande.
Bien sûr, comme tout désir, ce désir-là n’est pas irrévocablement fixé, et il peut connaître des déplacements. D’ailleurs il en connaît, mais comme toujours de la manière la moins avouable à soi-même pour des individus enclins à la croyance au libre-arbitre en toutes choses, et spécialement au libre-arbitre intellectuel : sous la contrainte des événements extérieurs... C’est ici que revient le motif géométrique paradoxal de la « droite incurvée », cette marque de fabrique du rosanvallonisme, tout de rectifications incrémentales successives. Car la société bouge, et il convient de bouger avec elle sauf à se retrouver totalement déporté ! En l’occurrence la société commence à en avoir plein le dos des couillonnades qu’on lui a vendues comme modernité depuis vingt ans, Saint-Simon et République inclus, et dont les désastres lui sautent au visage en technicolor. De la mondialisation néolibérale, et de l’Europe qui en est la réalisation régionale – à l’exact inverse de la risible rhétorique du « bouclier » – le bilan historique est maintenant bien établi, et il est accablant. On ne peut pas dire que la « nouvelle critique sociale », elle-même d’ailleurs une des étapes de cette rectification, ait fait preuve de beaucoup de clairvoyance à ce propos – comment l’aurait-elle pu : elle a été depuis le début le discours de l’accompagnement savant.
Comptant cependant (non sans une certaine rationalité…) sur les effets d’amnésie, elle ajuste le tir en temps réel, critère en soi de la cécité, ou de la compromission intellectuelle, qui ne pense jamais que dans le sens du vent, qui ne pense que ce que l’air du temps autorise de nouveau à penser, et ignore tout de l’idée contracyclique comme du risque minoritaire. Aussi, à une très longue période où rien, rigoureusement rien, n’a jamais été dit qui puisse mettre en cause sérieusement le libre-échange, la mondialisation financière et ses effets sur le salariat, ou pire encore l’Europe, succèdent de soudains réveils : on s’aperçoit – mais après 2008 – que la finance libéralisée est un ferment de destruction sans pareil, qu’il faudrait peut-être y faire un petit quelque chose, que l’Europe n’a pas parfaitement tout réussi, qu’on pourrait trouver dans les inégalités de quoi questionner la mondialisation néolibérale elle-même – et plus seulement les fâcheuses retombées de l’innovation technologique (par ailleurs si incontestablement désirable). Des chercheurs qu’au vu de leurs décennies antérieures on n’aurait jamais imaginé seulement dire « capitalisme » sont tout d’un coup très en colère, protestent que ça ne peut plus durer, on en connaît même qui se déclarent « atterrés ».
La rationalité politique, en ce point, commanderait d’enregistrer avec satisfaction le grossissement des rangs de la critique et de cesser un peu de touiller la marmite aux rancunes. A ceci près que le syndrome de la nouvelle critique sociale qui n’en est pas une continue de produire ses effets, et n’en finit pas, quoique par des moyens sans cesse renouvelés, par là bien faits pour entretenir l’illusion, de demeurer fidèle à son intention d’origine qui tient finalement en un mot : l’évitement. L’évitement, cet autre nom du « ne pas aller trop loin », le principe de la droite-courbe du rosanvallonisme. Tel qu’il ne cesse d’être à l’œuvre dans le Parlement des invisibles – et voilà pourquoi il fallait faire ce détour, presque certain d’ailleurs d’être renvoyé au ressentiment acrimonieux alors qu’il doit bien plutôt à une méditation politique élémentaire des leçons de l’histoire (et aussi au désir de faire dérailler un abus de plus).
Evitement de la critique des médias
Car sous ses dehors d’une gentillesse inattaquable, la somme des évitements du Parlement des invisibles ne laisse pas d’étonner. Le premier, le plus énorme peut-être, c’est celui de la question des médias. Pierre Rosanvallon s’interroge gravement sur les mécanismes producteurs de l’invisibilité. Et, très curieusement, à aucun moment ne rencontre les médias. Or qui, dans la société, détient en tout premier lieu le pouvoir de rendre visible ou de renvoyer à l’invisibilité si ce n’est le système médiatique ? Une étude de cas simple et facilement accessible aurait consisté à prendre n’importe quel mouvement de grève local, sur une ligne de RER par exemple ou dans une gare quelconque, et d’examiner quelle restitution en est faite par les médias mainstream, pour compter le nombre de fois où ceux-ci en ont parlé autrement qu’en essayant toutes les permutations possibles des mots « grogne », « pagaille » et « otages », où ils ont fourni le moindre aperçu des conditions de travail des grévistes, de ce qu’ils vivent réellement et concrètement, de l’abus managérial de trop qui les a décidés au mouvement, bref de rendre visible de l’invisible.Mais pas un mot ou presque sur ce sujet, en tout cas rien qui ne soit de l’ordre d’une mise en cause systématique des grands médias. Se peut-il, et ici retour à l’essence entrepreneuriale du rosanvallonisme, que la stratégie d’alliance quasi-organique de la République des Idées avec les principaux médias, l’assurance des promotions façon « tapis de bombes » de tous ses opuscules, les lancements à grand spectacle, les abonnements aux forums de Libération ou du Nouvel Obs, l’opération « Nouvelle critique sociale » concoctée avec Le Monde (apparier ces deux termes, c’est déjà comme une farce), soient pour quelque chose dans cet étrange silence où l’on prétend rééclairer de l’invisible mais au prix de l’inaudible ?
Ne soyons pas injustes tout de même : il y a bien dans l’ouvrage Le Parlement des invisibles, une charge d’une grande férocité critique contre… la presse people qui exalte « les petitesses » et « la médiocrité », et surtout fait régner une fausse transparence qui n’en renforce que davantage l’invisibilité. On a donc trouvé le coupable.
Evitement du « socialisme néolibéral »
Enfin en matière de médias. Car il y en a d’autres. L’invisibilité n’a-t-elle pas également pour origine les carences de la représentation politique ? Pierre Rosanvallon, qui n’avait qu’une connaissance très pratique des médias, est ici sur son terrain de spécialité. Voilà pourtant ce qu’on trouve au rayon « Les origines de la mal-représentation » : la politique dominée par les enjeux de conquête du pouvoir, les faux-semblants de la « proximité » des élus avec leurs mandants, la professionnalisation dommageable de la vie politique qui produit en fait de l’éloignement. Ah oui, et la langue de bois, qui ne dit pas le vrai. Christophe Barbier au Collège de France…Dieu sait qu’il y aurait une ou deux petites choses à dire en matière de « mal-représentation ». Par exemple sur l’abandon du salariat par ceux-là mêmes qui étaient supposés en exprimer les voix : la gauche, ou plutôt la « gauche », cette « gauche » devenue si outrageusement de droite. Que la droite – la droite nominale – se voue aux riches, aux dominants, au capital, qui pourrait le lui reprocher, n’est-elle pas, justement, la droite ? Mais que la gauche prenne les mêmes partis, n’est-ce pas là une intéressante énigme pour l’historien des idées politiques ? Ne serait-ce pas même un point de passage tout à fait obligé pour celui qui désire s’interroger sur ce fait, certainement avéré, que la souffrance sociale n’est plus sérieusement portée par aucune fraction de la représentation parlementaire, à commencer par la « gauche » qui en était supposément dépositaire ?
N’y aurait-il pas là un petit quelque chose à penser, un petit quelque chose qui évidemment demanderait d’interroger une dérive de longue période, celle du Parti socialiste, quand celui-ci constitue la clientèle manifeste de la République des Idées, et plus encore qu’une clientèle, le mouvement politique profondément affinitaire, celui dont elle se veut, non pas bien sûr l’intellectuel organique, mais le compagnon de route. Or voilà, mettre en cause en général dans la conjoncture présente supposerait de mettre en cause en particulier, et même rudement, celui qu’on a choisi d’accompagner – dont on a choisi en fait d’être l’attendri précepteur. En vérité le maître est une sorte de maïeuticien du pauvre : il n’a pas d’autres idées que celles de son élève, et juste pour projet de les lui rendre plus claires et distinctes. Et puis l’accompagnement ne date pas d’aujourd’hui, et l’un et l’autre se tiennent chaud depuis longtemps, non parfois sans tension, récemment en tout cas, car l’élève désire beaucoup la droite, plus que le précepteur qui, pour lui-même, commence à s’en inquiéter, divergences secondaires cependant, impropres à remettre en cause l’essentiel : la République des Idées accompagne ceux qui accompagnent le monde.
Evitement du capitalo-parlementarisme
Si le parti socialiste de droite ne peut faire l’objet de la moindre mise en question, comment le principe même de la dite « démocratie parlementaire » le pourrait-il ? N’y aurait-il pas pourtant quelque chose à chercher de ce côté également, de ce côté surtout ? La composition sociale des « élites » parlementaires de tous bords, leur profonde adhésion commune aux principes fondamentaux de ce que Marx appellerait l’ordre bourgeois, c’est-à-dire l’ordre de la société capitaliste, dont il est bien clair que jamais personne n’évoquera le dépassement, la confirmation historique de très longue période de cette vocation des institutions parlementaires à la défense de cet ordre, le rappel de ces épisodes fameux où ladite démocratie n’a pas hésité une seule seconde à recourir aux moyens les moins démocratiques toutes les fois où elle a senti que l’ordre dont elle a la conservation était sérieusement menacé, l’anticipation très bien fondée qu’il en irait exactement de même dût une nouvelle occasion de ce genre se reproduire, mais aussi, bien en deçà, dramatiquement en deçà, l’accord profond des deux bords sur l’orientation néolibérale du monde présent, l’expression de cet accord dans la continuité de la politique européenne, le souvenir effacé d’une ratification parlementaire à 90 % du TCE infirmée à 55 % par référendum, la conclusion « logiquement » tirée par les « représentants » que les référendums sont à éviter, la spontanéité avec laquelle Juliette Meadel, ex-directrice de Terra Nova (renvoyée parce qu’un peu trop à gauche !) s’exclame qu’ils n’ont pas d’autre effet que « favoriser le réflexe populiste [14] », l’Assemblée Nationale elle-même qui ces jours-ci affiche en grand à son fronton que sa journée du livre politique se tiendra sur le thème « Trop ou pas assez de démocratie ? » [15], laissant tout de même sérieusement entendre que « trop » est une réponse possible, au total l’évident refus de la « représentation » d’associer si peu que ce soit les « représentés » aux affaires qui les intéressent, tout ceci ne pourrait-il être matière à réflexion du Parlement des invisibles – s’il existait vraiment –, et en tout cas du livre qui en célèbre la « fondation » ?Le pire étant que certaines de ces questions – pas toutes… – ne sont pas étrangères à Rosanvallon, ainsi par exemple – récemment tout de même – des carences de la « démocratie parlementaire », et de la nécessité de lui offrir les compléments d’une « contre-démocratie », ce sont ses mots [16]. Mais d’une part sans que jamais il ne prenne frontalement pour objet ni les captations de représentation ni leurs effets de dépossession, sans jamais en rapporter les mécanismes au travail des intérêts enkystés dans les institutions parlementaires du capitalisme, ni manquer de rejeter dans les enfers du populisme les contre-pouvoirs qui ne pensent pas comme il faut, c’est-à-dire qui questionnent de trop près les mécanismes réels des inégalités, ceux du libre-échange par exemple, puisque l’idée protectionniste est intrinsèquement « fondée sur le rejet [17] » – avec une finesse particulière Rosanvallon évoque à répétition le « national-protectionnisme [18] »… de la fin du XIXème siècle. Au fait, et puisqu’il est question de célébrer les contre-pouvoirs, Pierre Rosanvallon a-t-il jamais consenti à faire l’éloge du débat exemplaire du Traité constitutionnel européen de 2005 ? D’autre part, comment ne pas être étonné que ces affleurements restent pour la plupart réservés aux ouvrages « savants », sans d’ailleurs que leur soit donnée une visibilité spéciale, mais surtout qu’ils ne sortent pas dans les opuscules d’intervention, là où ils seraient le plus évidemment utiles ? Et spécialement dans celui qui traite de l’invisibilité et de la « mal-représentation » – d’où ils sont totalement absents.
Evitement des causalités de la mondialisation
Reste le « Parlement » lui-même – au-delà de l’exposé de ses motifs. C’est tout de même une curieuse appellation pour une initiative qui rassemble un site et une collection éditoriale mais où l’on chercherait en vain la moindre trace d’une forme de délibération collective. L’idée de donner à voir des vies systématiquement tenues à l’invisibilité est indiscutablement excellente. Mais pourquoi lui avoir donné cette désignation manifestement inadéquate de « Parlement » ? Comment la seule monstration de ces vies non montrées pourrait-elle par soi produire quelque effet de délibération, à moins d’imaginer qu’elle suffira à dessiller qui de droit – les élites parlementaires – et à enfin éclairer leurs taches aveugles.Que cette exposition soit un progrès, redisons que la chose est indubitable. Mais ce sont la nature et la mesure de ce progrès qui sont en question. Or, disons-le également, il n’est pas sûr qu’il y ait grand-chose à attendre de cette « galerie de vies », et pour une raison qui tient au fait que si dévoiler est préférable à occulter (ou à laisser occulté), la pure et simple juxtaposition de choses montrées ne produit en elle-même aucun sens. Hélas c’est ce parti même que prend la « démocratie narrative » revendiquée par Rosanvallon, au risque de faire de ces vies affichées « des peintures muettes sur un tableau », selon une expression de Spinoza. Si un supplément de politique peut naître quelque part c’est à la condition expresse d’une production de sens, laquelle excède les simples collections et engage nécessairement un effort de liaison : rapporter des communautés d’expérience à des communautés de position, ou de situation, des souffrances à des mécanismes, et très généralement des effets à des causes, parfois lointaines et « abstraites », mais pas moins efficientes pour autant, c’est-à-dire relier des choses qui sont tenues séparées dans la conscience ordinaire, voilà en quoi consiste la fabrication de politique.
Mais relier à quoi ? Relier au risque de devoir tomber sur les « mauvaises choses », les choses à problème, celles dont on a posé dès le début qu’elles n’étaient reliables à rien, et qui ont été cantonnées dans le domaine de l’évitement – même si celui-ci, bien sûr, s’est quelque peu réduit sous le choc énorme de la crise financière de 2007-2008 et de la crise européenne à partir de 2010. Ayant rompu quelques lances avec son représentant le plus distingué [19] et suffisamment critiqué la faiblesse conceptuelle de l’idée de common decency [20], je me sens assez libre d’en appeler à Orwell pour figurer ce que pourrait être un effort de « liaison » authentiquement politique, à savoir un travail de la conséquence : Orwell ne parcourt la cité ouvrière de Wigan, ne descend dans ses mines qu’avec à l’idée de tenir ensemble l’atrocité des conditions de travail et la satisfaction tranquille avec laquelle « ceux de la surface » jouissent des produits de la mine, dont ils ignorent tout des conditions de production. C’est cette ignorance qu’Orwell veut défaire et ceci suppose un travail de connexion, pas seulement de monstration. En plus de montrer la vie des mineurs, Orwell rappelle donc sans cesse que nous nous chauffons au prix de cette vie. C’est-à-dire que les facilités de la consommation ont pour contrepartie les rapports d’exploitation du capitalisme, vérité élémentaire mais que tout le discours du capitalisme, spécialement celui du capitalisme néolibéral, s’efforce systématiquement de mettre en tessons – et depuis trois décennies, en effet, le point de vue salarial, le point de vue de la production n’existe plus dans les médias, entièrement évincé par celui du consommateur (que les magasins ouvrent le dimanche ! que le service minimum fasse circuler les trains !)
Le Parlement des invisibles a-t-il l’intention de rapporter quelques vies d’ouvriers aux pressions permanentes de la concurrence « non-distordue » avec des économies qui jouissent de toutes les distorsions sociales et environnementales ? A-t-il celle de simplement montrer la brutalisation croissante des rapports économiques, rapports de sous-traitance, rapports hiérarchiques dans l’entreprise, ou bien d’en désigner les causes, notamment la servitude de productivité sans fin qui accompagne la tyrannie actionnariale, explicitement nommée, en lieu et place de cet ectoplasme sans contour auquel Philippe Askénazy donne, encore en 2006, le nom filandreux de « productivisme moderne » ? Si ce Parlement en est un et qu’il se met à délibérer pour de bon, se demandera-t-il comment on brise cette cage de fer ? Si la chose est difficile, en rapportera-il la difficulté à quelques contraintes européennes ?
Pour l’heure, nous suivons dans son laboratoire un chercheur – qu’on n’aurait pas cru émarger aux premiers rangs de l’invisibilité… –, un travailleur de la logistique, des livreurs en camionnette. C’est sans conteste une excellente chose, et un réel progrès de la conscience sociale, de faire connaître à ceux qui en ignorent tout ce que peuvent être les vies en entrepôt ou en embouteillages. Mais il n’est pas certain que leur sortie de l’invisibilité soit davantage que temporaire dans le néant de causalité où ces vies sont laissées. Posées là sans être reliées à rien de la machinerie économique capitaliste, sans que soit jamais tenté de tenir les deux bouts, le bout des macrostructures lointaines et celui des existences concrètes que pourtant elles déterminent, ces vies ne sont-elles pas vouées à se juxtaposer les unes aux autres « comme des peintures muettes sur un tableau » ?
Pour qu’il en aille autrement encore faudrait-il avoir le désir de questionner des choses que, dès l’origine, le rosanvallonisme a décidé de laisser inquestionnées, c’est-à-dire d’abandonner les opportunes insuffisances de la « démocratie narrative » pour les dérangements plus sérieux d’une démocratie critique. On peut bien multiplier les initiatives à grand renfort de lancement médiatique, la République des Idées, la Nouvelle critique sociale, le Parlement des invisibles, leur succession même finit par devenir suspecte, pire encore ne fait que rendre plus… visibles les contours de l’évitement princeps, le périmètre interdit, celui qu’on ne rétrécit que contraint et forcé, quand des événements historiques majuscules, la crise financière, la crise européenne, ne laissent pas d’autre choix que d’y venir sauf à prendre le risque du ridicule au-delà de toute mesure, le ridicule d’être les derniers à accepter de parler de ce dont tout le monde réclame qu’on parle.
Le monde diplomatique
Notes
[1] Voir Anne-Sophie Jacques, « Invisibles : le parlement contesté de Rosanvallon », Arrêt sur images, 11 janvier 2014 ; Joseph Confavreux, « Représenter les invisibles. La république dévidée », Mediapart, 5 janvier 2014.[2] Voir le livre de Pierre Rimbert, Libération. De Sartre à Rothschild, Raisons d’agir, 2007.
[3] Pour une histoire de la Fondation Saint Simon, voir Vincent Laurent, « Les architectes du social-libéralisme », Le Monde diplomatique, septembre 1998.
[4] Pierre Rosanvallon, « La Fondation Saint Simon, une histoire accomplie », Le Monde, 23 juin 1999.
[5] Jean Peyrelevade, Le capitalisme total, La République des Idées, Seuil, 2005.
[6] Id., p. 92.
[7] Daniel Cohen, La mondialisation et ses ennemis, Grasset, 2004.
[8] Pierre Rosanvallon et Thierry Pech, « Introduction », La nouvelle critique sociale, Seuil-Le Monde, 2006, p. 16.
[9] Jean-Marie Colombani, Un monde à part, Plon, 2013, pp. 107-108.
[10] Ugo Palheta, « L’illusion méritocratique, ou l’impensé d’une sociologie sociale-conservatrice », Revue des Livres, n° 13, septembre-octobre 2013.
[11] Jean-Claude Passeron, Le raisonnement sociologique, Albin Michel, 2006, cité in Palheta, art. cit.
[12] Voir Cédric Durand et Charlotte Nordmann, « Esther Duflo, misère de l’économie du développement », Revue des Livres, n° 1, septembre-octobre 2011.
[13] Voir Michel Husson, « Le capital au XXIème siècle. Richesse des données, pauvreté de la théorie » (PDF), janvier 2014.
[14] « Nouvelle donne : “Il est impossible de changer le PS de l’intérieur !” », Arrêt sur images, 13 décembre 2013.
[15] « 23e journée du livre politique », 8 février 2014, Assemblée Nationale.
[16] Dans La société des égaux, Seuil, 2011.
[17] Pierre Rosanvallon, « La démocratie est fragile… », entretien à Télérama, 4 janvier 2014.
[18] Id.
[19] Voir « Impasse Jean-Claude Michéa », Revue des Livres, n° 12, juillet-août 2013.
[20] A ce propos d’ailleurs, il vaut de noter de quelle lapidaire manière Simon Leys, dont la sympathie pour Orwell n’est pas questionnable, expédie, littéralement, la common decency, en moins d’un paragraphe, comme l’une des idées les plus inconsistantes, les moins bien définies d’Orwell, bref dont il n’y a aucun inconvénient à se passer… et dont il est le moins sûr qu’il faille en faire la pierre d’angle de l’église orwellienne ; voir Simon Leys, Orwell ou l’horreur de la politique, Plon, 2006, p. 64.