http://www.gresea.be/
Gresea asbl (Groupe de recherche pour une stratégie économique alternative)
Au moment de boucler ce dossier paraissait à la Une de La Libre (datée du 9 décembre 2013) ce constat plutôt alarmant : « Depuis dix ans, on n’a jamais créé si peu d’emplois ».
Plus de 25.000 emplois perdus entre les mois de juin 2011 et 2012, soit le « pire score des 10 dernières années » signale l’article, et c’est sans doute plus désastreux que ne le laissent supposer nos confrères car, analysant la chose dans le détail en soulignant qu’un léger mieux se dessine dans la fonction publique, l’enseignement et la santé, ils omettent de dire que ces secteurs, peu ou pas créateurs de valeur ajoutée [1] dépendent des secteurs porteurs, à commencer par l’industrie, qui est en chute libre...
Bref, ça va plutôt mal.
Et cela rend tout l’édifice des politiques « d’activation » des chômeurs aussi saugrenu qu’un éléphant faisant l’acrobate sur une corde raide sans autre filet que les bras d’une souris. Obliger les gens à chercher un job alors qu’il n’y en a pas ! Faut oser. Ils osent. On le verra dans les analyses qui suivent.
En Europe, le chômage atteint des niveaux records. Il frappe de plein fouet les jeunes. On les a déjà affublés du sinistre sobriquet de « Neets », c’est de l’eurosabir pour « Not in Education, Employment or Training », comprendre : ni à l’école, ni au travail ni dans un machin programmé par la sacrosainte formation-tout-au-long-de-la-vie. Pour ces jeunes, l’avenir, c’est zéro.
Fin 2012, le 22 octobre, rapportait The Guardian, ces jeunes de 15 à 29 ans étaient quelque 15 millions dans l’UE-27, soit un immense gâchis, pour les intéressés comme pour tout le monde. Car le coût [2] tant de leur « entretien » (protection sociale) que de leur absence dans le système productif, peut être estimé à 153 milliards d’euros ou, plus parlant, 3 milliards d’euros par semaine [3]
On a presque l’impression que c’est le résultat d’une politique délibérée. Peut-être bien. Voir les analyses qui suivent.
Donc, gâchis.
Il faut sans doute partir de là. Idéalement, en théorie, le chômage n’est pas un problème. On peut très bien s’arranger pour que tout le monde ait du travail, dit autrement : que chacune et chacun puisse, selon ses capacités, contribuer à l’effort collectif d’une économie. Ici, un petit tableau s’impose :
Il est tiré, page 41, de l’Histoire inédite de l’économie en Belgique, publié en 2008 sous la direction de Reginald Savage, premier-né de la collection L’Autre économie que le Gresea dirige aux Éditions Couleur livres. Et il montre bien que l’emploi potentiel total (la population active, 1re ligne du dessus) ne correspond pas du tout à l’emploi total réel (2e ligne), ni le chômage (4e ligne) à la différence (appelée « sous-emploi », 3e ligne) entre les deux premiers.
Le chômage, tel qu’on l’entend, est donc une fiction. Comme Guy
Standing l’a mis en évidence (voir plus loin, page 34), on n’avait
d’abord en tête, avènement de la sécurité sociale oblige, vers 1945, que
« l’emploi formel du chef de ménage mâle ». Et ce n’était là, souligne
Jacques Freyssinet, que la continuation d’une philosophie sociale qui,
depuis le début de l’industrialisme, qualifie de chômeur quiconque a
« perdu un emploi salarié », mais seulement ceux-là [4].
Pas les femmes, pas le tout-venant des « demandeurs d’emploi »
(volontaires ou contraints.) C’est que, entre-temps, feu l’idée du plein
emploi aidant, la donne a été radicalement renversée. Pour le meilleur
(l’objectif du travail partagé pour tous) ou pour le pire : tous censés
courir après un emploi rétribué qui n’existe pas...