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Laurent Jeanneau et Marc Bertrand
François Hollande a perdu son pari : le nombre de demandeurs
d'emploi n'a pas diminué en 2013. Six infographies pour décrypter les
derniers chiffres du chômage.
Les emplois d’avenir n’auront pas suffi : la publication du nombre de chômeurs inscrits à Pôle emploi en décembre dernier a douché les derniers espoirs du gouvernement d’inverser la courbe du chômage en 2013. Et même si la hausse s’est ralentie, il est encore trop tôt pour parler de « quasi-stabilisation », comme le fait le ministère du Travail dans un communiqué. Et pour cause : c’est le deuxième mois consécutif de hausse du chômage, après la courte accalmie enregistrée à la fin de l’été et au début de l’automne.
Le nombre de demandeurs d’emploi qui n’ont pas du tout travaillé (catégorie A) a ainsi augmenté de 10 200 personnes en décembre dernier. Si on y ajoute les chômeurs qui ont exercé une activité réduite ce mois-là (catégories ABC), c’est 22 000 inscrits supplémentaires que l’on compte sur les listes de Pôle emploi. Sur l'ensemble de l'année 2013, le nombre de chômeurs supplémentaires s'élève à 177 800 en catégorie A. C'est moins qu'en 2012 (283 800), mais plus qu'en 2011 (142 500) et qu'en 2010 (62 300). Au total, il y a désormais plus de 3,3 millions de chômeurs de catégorie A et 5,5 millions de demandeurs d'emploi toutes catégories confondues. Dans les deux cas, il s'agit d'un record absolu.
Si François Hollande n'a pas réussi à tenir son pari, c'est d'abord parce que la croissance n'a pas été au rendez-vous. Oscillant entre – 0,1 % et 0,5 % sur les trois premiers trimestres de 2013, l'activité a été trop faible pour relancer les créations d'emplois dans le privé. Etant donné que la population active a augmenté de 82 000 personnes entre les troisièmes trimestres de 2012 et 2013, il aurait fallu que le produit intérieur brut (PIB) augmente d'au moins 1,5 % pour que le chômage reflue. Pour compenser l'atonie du secteur privé, le gouvernement a misé sur les emplois aidés dans le secteur non marchand, avec la création des emplois d'avenir, des contrats de générations et le maintien d'un stock relativement élevé de contrats d'insertion plus classiques (même si on reste loin des niveaux atteints au début des années 2000). Mais cela n'a manifestement pas suffit.
Certes, les jeunes en ont bénéficié : depuis le mois d'avril, le nombre de demandeurs d'emploi de moins de 25 ans a commencé à diminuer (– 21 600 en catégories ABC). Mais les 100 000 emplois d'avenir destinés aux jeunes non qualifiés et financés par l'Etat en 2013 n'expliquent pas à eux seuls la décrue du chômage des jeunes. Face à une crise qui dure et des perspectives toujours aussi bouchées sur le marché du travail, nombre d'entre eux renoncent à chercher un emploi. C'est ce que montre la baisse sensible du taux d'activité des moins de 25 ans depuis début 2009.
Les jeunes préfèrent en effet prolonger leurs études en attendant que la situation s'améliore ou finissent par se décourager et sortent des listes de Pôle emploi. La plupart d'entre eux n'ont d'ailleurs pas droit à une indemnité chômage faute d'avoir suffisamment cotisé et ils n'ont donc que peu d'intérêt à continuer à pointer au service public de l'emploi.
Mais c'est surtout la situation des seniors qui est préoccupante. Le nombre de demandeurs d'emploi de plus de 50 ans augmente sans interruption depuis le début de la crise (+ 10 % depuis un an et + 118 % depuis janvier 2008), jusqu'à franchir la barre du million en juin dernier.
La réforme des retraites de 2010 n'y est pas pour rien, comme en témoigne l'explosion spectaculaire du nombre de chômeurs de plus de 60 ans.
Mais le plus inquiétant, c'est que perdre son emploi au-delà de 50 ans laisse peu d'espoir de s'en sortir. En témoigne la forte proportion de chômeurs de longue durée parmi les chômeurs de cette tranche d'âge. Une proportion qui était déjà élevée avant la crise et qui s'est aggravée depuis.
Plus largement, le chômage de longue durée continue son ascension. Plus de deux millions de chômeurs sont désormais inscrits à Pôle emploi depuis plus d'un an, dont près de 600 000 le sont depuis plus de trois ans.
Autant de personnes qui sont de plus en plus éloignées de l'emploi et qui risquent d'arriver en fin de droits. C'est déjà le cas des 800 000 personnes qui sont inscrites à Pôle emploi et qui touchent le RSA. Pour eux, l'inversion de la courbe du chômage ne suffira sans doute pas…
Laurent Jeanneau et Marc Bertrand