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Le biologiste Gilles-Eric Séralini, déjà à l’origine de l’étude controversée
mettant en cause le maïs OGM NK 603 et le pesticide Roundup de Monsanto
en 2012, remet le couvert. Avec ses collègues de l’université de Caen
et du Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie
génétique (Criigen), il signe cette fois une étude sur la toxicité des
pesticides sous leur forme commerciale – c’est-à-dire assaisonnés
d’adjuvants – et non plus limitée à la substance active, jusqu’alors
seule prise en compte.
Différence notable : un institut public légitime cette nouvelle étude.
Jusqu’à « 1056 fois plus toxique » qu’annoncé
Le plan Cancer d’Hollande zappe les facteurs environnementaux
Pendant ce temps, François Hollande a dévoilé le plan Cancer 2014-2018 qui « zappe » les facteurs environnementaux, tels que les pesticides.
Les résultats de l’étude de Séralini en mettent à nouveau plein la
vue : dans leur composition intégrale, les pesticides seraient de « 2 à 1 000 fois plus toxiques » pour les cellules humaines que lorsqu’ils sont considérés à partir de leur seule substance active.
Elle conclut que sur neuf des « principaux » pesticides utilisés dans
le monde (dont le Roundup), « huit formulations sont clairement en
moyenne des centaines de fois plus toxiques que leur principe actif ».
Et jusqu’à « 1 056 fois plus toxique » pour le pesticide à base de tébuconazole (un fongicide autorisé en France).
En cause, selon Séralini et ses équipes, les adjuvants, qui « sont souvent confidentiels et déclarés comme inertes par les fabricants ».
Une étude automatiquement controversée
Les résultats de cette nouvelle étude pâtissent du statut controversé du professeur Séralini, dont la précédente étude choc avait été publiée puis retirée de la revue Food and Chemical Toxicology, celle-ci estimant que « les résultats présentés, s’ils ne sont pas incorrects, ne permettent pas de conclure ».
De même, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) en avait
contesté les protocoles, le nombre de sujets étudiés (200 rats) étant
jugé trop faible.
L’Anses notait néanmoins alors « l’originalité de cette étude »
abordant le sujet, « jusqu’ici peu étudié », des effets à long terme
(deux ans, en l’occurrence) des OGM associés aux pesticides.
Séralini affirmant de son côté que la marche arrière de Food and
Chemical Toxicology était motivée par l’arrivée dans le comité éditorial
de la revue de Richard Goodman, un biologiste ayant travaillé pour
Monsanto.
L’Inserm alerte sur la question des adjuvants
Voir le document: http://rue89.nouvelobs.com/sites/news/files/assets/document/2014/02/pesticides_-_effets_sur_la_sante_-_inserm.pdf
Mais cette nouvelle étude de Séralini sur la toxicité effective des
pesticides en formulation, publiée dans la revue Biomed Research
International, fait cette fois écho au récent rapport de l’Institut
national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).
En juin dernier, dans une longue publication [PDF]
consacrée aux effets des pesticides sur la santé, l’Inserm avait déjà
alerté sur la question des adjuvants, confirmant que ces derniers
« peuvent posséder leur propre toxicité ou interférer avec la substance
active ».
Ce que l’étude de Séralini prétend aujourd’hui brutalement démontrer.
Ce qui contredit également Eugénia Pommaret, directrice de l’Union des
industries de la protection des plantes (Uipp), perçue comme le « lobby des fabricants de pesticides », lorsqu’elle déclare :
« Tous les pesticides étudiés dans la publication [de Séralini] ont déjà été pleinement évalués avec des études de toxicité in vivo. Ces études doivent confirmer l’absence d’augmentation significative de la toxicité de la formulation par rapport à la toxicité de la substance active seule. »
Mme Pommaret
Source : http://www.notre-planete.info/actualites/3936-pesticides-1000-fois-plus-toxiques
Mme Pommaret
Source : http://www.notre-planete.info/actualites/3936-pesticides-1000-fois-plus-toxiques,
« Ce qui est testé n’est pas ce qui est employé »
L’association Génération Futures, qui mène un combat de longue date contre les pesticides, s’est félicitée de cette nouvelle étude :
« [Elle] remet en cause le mode de calcul des doses journalières admissibles calculées aujourd’hui à partir de la toxicité de la substance active seule, ainsi que la procédure d’évaluation du risque des pesticides qui ne prévoit pas l’obligation de tests pour la toxicité chronique des pesticides en formulation. »
Son porte-parole, François Veillerette, a ensuite réagi à la communication de la directrice de l’Uipp :
« C’est d’autant plus inacceptable que l’Anses elle-même a relevé le manque des tests sur les effets chroniques des pesticides tels qu’ils sont vendus et utilisés. Ce qui est testé n’est pas ce qui est réellement employé par les agriculteurs. »
Pesticides : un manque de transparence avéré
Au terme de son rapport de 150 pages, l’Inserm
– établissement public hors de tout soupçon de partialité – soulignait
déjà « le manque de transparence en termes de composition intégrale des
produits (adjuvants) pour des raisons de secret industriel ».
Joint au téléphone, Xavier Coumoul, cosignataire de ce rapport,
spécialisé en pharmacologie et toxicologie, confirme la légitimité de
l’étude de Séralini :
« Il est évident qu’il est nécessaire d’avoir accès à la formulation précise des pesticides. Et si Séralini en arrive à des résultats d’une telle ampleur, ça légitime qu’on y ait accès. Pour ma part, je n’ai jamais eu complètement accès aux formulations. »