Lundi,
deux anciens leaders de mouvement interdits à la suite de la mort de
Clément Méric en 2013 comparaissent devant le tribunal correctionnel de
Lyon. Ils sont accusés d'avoir maintenu l'existence de leurs structures.
Ils risquent 7 ans de prison et 100.000 euros d'amende.
Aucun militant de l'Œuvre française ni des JN n'était pourtant impliqué, de près ou de loin, dans la mort de Clément Méric. Les deux mouvements dissous ont été les victimes du grand coup de balai dans les milieux radicaux voulu par l'exécutif. Le gouvernement Ayrault faisait alors face à une contestation idéologique aussi bien dans la rue, avec la Manif pour tous, que sur Internet où les «quenelles», du geste controversé popularisé par le polémiste Dieudonné, fleurissaient en guise de pied-de-nez au «système». Lorsqu'est venue s'ajouter la mort de Clément Méric, le pouvoir a voulu frapper fort, voyant dans les dissolutions la réponse idéale.
«La matrice de ce qui a fait l'extrême droite»
C'est Manuel Valls, alors ministre de l'Intérieur, qui annonce la décision de dissoudre l'Œuvre française et des Jeunesses nationalistes, le 24 juillet 2013, à la sortie du Conseil des ministres.Il dénonce alors des groupes propageant «une idéologie xénophobe et antisémite, des thèses racistes et négationnistes, qui [exaltent] la collaboration et le régime de Vichy, et qui [rendent] des hommages réguliers au maréchal Pétain, à Brasillach ou à Maurras». Le décret de dissolution précise que ces mouvements constituent des milices privées ou des groupes de combat. «Quand on dissous l'Œuvre française, on dissous la matrice même de ce qui a fait l'extrême droite de ces trente dernières années», dira Manuel Valls un mois plus tard à l'Université d'été du Parti socialiste.Or, la Sous-direction anti-terroriste, qui épie étroitement Yvan Benedetti et Alexandre Gabriac, constate que ces derniers sont loin d'avoir cessé leurs activités militantes. Les services leur reprochent de continuer à mener des réunions communes, de s'afficher avec les couleurs de leurs anciennes associations dissoutes, d'alimenter leurs sites Internet et de ne pas avoir clôturé les comptes bancaires. Sans compter que le premier se présente à chaque fois qu'il le peut comme le «président de l'Œuvre française, envers et contre tout». Assez d'éléments selon la justice pour les mettre en examen pour reconstitution de ligue dissoute.
Deux stratégies de défense
Aujourd'hui, les deux compagnons se sont brouillés. À Lyon, ils se présenteront face à la justice avec deux stratégies opposées. «Alexandre Gabriac admet que les Jeunesses nationalistes ont été dissoutes, c'est par inertie qu'il a oublié de fermer les comptes en banque et pages Internet», plaide son avocat, Me Bonneau. Le jeune militant nationaliste, qui s'est fait connaître du grand public lors de son exclusion du FN suite à un salut nazi, milite aujourd'hui dans les rangs des catholiques de Civitas.À l'inverse, Yvan Benedetti a décidé d'utiliser l'audience de lundi pour dénoncer un procès politique. «Pas question que je me pose en accusé, explique-t-il. Je maintiens l'Œuvre française, même s'il n'y a plus de structure militante. La décision de dissoudre a été prise par un ennemi politique, Manuel Valls, qui a usé de ses fonctions pour interdire notre mouvement. On le tuera politiquement.» Son conseil, Me Elie Hatem, précise: «La dissolution a-t-elle été motivée par le droit commun ou par un motif politique? Nous pensons que c'est uniquement par opportunité que Manuel Valls l'a décidée, afin de servir sa carrière. Nous contestons donc la dissolution sur le même terrain que lui: la politique.»