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mercredi 6 juin 2018

Emmanuel Macron saura-t-il comprendre le monde nouveau et changer la ligne géostratégique de la France ?

Il y avait le monde ancien, cher à M. Macron, fait d’obéissance bruxelloise, de copinage allemand, de finance, de mondialisme sans écluses, d’hostilité à la Russie, d’obédience américaine et otanienne, de rigueur budgétaire mais de faveurs fiscales pour les plus riches. Ce monde « attalimorphe » ringard, des années 80, vient de subir en vingt-cinq ans plusieurs mutations radicales : fin de l’URSS, OMC et mondialisme total, raz-de-marée chinois, submersion migratoire, agression islamiste, euro, dette, krach, paupérisation des nations, sanctions antirusses, Brexit, trumpisme, euro-allergie croissante en Pologne, Hongrie, Tchéquie, Slovaquie, Espagne, Pays-Bas, Autriche et, à présent, en Italie…

Emmanuel Macron a choisi la confrontation, la dénonciation ou l’invective avec Poutine, Trump et le nouveau gouvernement italien… Alors que l’ère Merkel est à son crépuscule. Ce n’est pas un comportement d’homme d’État. Il isole la France au lieu de saisir les occasions qui s’offrent.

Il fallait suivre le brise-glace Trump pour desserrer l’étau du commerce mondialisé sans écluses. Il suffisait d’instaurer, a minima, la TVA sociale, réussie par Schröder et ratée par Borloo et Sarkozy. Car l’Italie peut être un meilleur partenaire que l’Allemagne, qui est sur une autre planète économique : deuxième pays manufacturier d’Europe (avant la France), puissance exportatrice avec, en 2017, le record historique de 448 milliards d’euros d’exportations, soit une hausse de plus de 7 % sur un an (Les Échos, 23/4/2018), l’Italie est même en tête en Europe pour les relocalisations industrielles : 32 entreprises de 2014 à 2017, contre 23 en France.

Il ne fallait pas tresser des lauriers à Mattarella pour son mini-coup d’État constitutionnel qui a échoué. Comment va-t-il rattraper son impair quand il rencontrera Giuseppe Conte ? Comment la France va-t-elle se positionner à Bruxelles quand Paolo Savona, ancien ministre et ex-patron des patrons italiens, est désormais ministre… des Affaires européennes ? Quand l’Italie affirmera à Bruxelles la primauté de la défense de l’intérêt national italien (« difesa dell’interesse nazionale come primo punto del governo ») et sa détermination à revoir les principaux traités européens, outre les règles de la monnaie unique, du budget de la dette (« rivedere i principali Trattati europei, non solo quelle che regolano la moneta unica ») ?
L’Italie annonce des mesures unilatérales qui vont anéantir le centralisme bruxellois : expulsion des 600.000 migrants clandestins (sauf les vrais réfugiés) et des Roms. Réduction de sa population d’étrangers réguliers (six millions !) pour redonner espoir à ses six millions de pauvres (800 euros de « reddito di cittadinanza sul modello del reddito di autonomia previsto dalla Regione Lombardia »). Respecter ses retraités (« abolizione della Legge Fornero »). Moraliser sa caste politicienne, sa justice et sa police… Enfin, abaisser les impôts (ce qui fera exploser son budget, sa dette et la zone euro avec). Ultimement, tout en réaffirmant son maintien dans l’OTAN, le nouveau gouvernement annonce l’abolition unilatérale des sanctions économiques contre la Russie et l’« apertura diretta di un dialogo con Mosca e il presidente Vladimir Putin per superare le ultime tensioni tra Occidente e Russia ».

Allô, l’Élysée ?

Henri Temple 

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