Le gouvernement nationaliste et conservateur de
Viktor Orban, réélu en avril dernier, est en position d'accroître sa
mainmise sur l'État, les médias et la société civile. Il pourra ainsi
continuer d'ériger une démocratie « illibérale » en Hongrie.
Un texte de Frank Desoer, à Désautels le dimanche En ce soir du 8 mai, exactement un mois après les élections, on assiste à une scène presque devenue familière à Budapest, la capitale hongroise.
Devant le parlement hongrois, des milliers de manifestants brandissent des drapeaux et scandent des slogans pour dénoncer la dictature imposée par le gouvernement de Viktor Orban : « Non à la fraude électorale », ou encore « Alerte! La démocratie hongroise en péril! »
Un scrutin où le parti Fidesz, du premier ministre Viktor Orban, a été réélu triomphalement pour un troisième mandat de suite, avec 49 % des voix et les deux tiers des sièges au Parlement hongrois.
Le régime Orban n’exerce pas une dictature au sens strict du terme. Il n’a pas recours à la violence physique, mais plutôt à la violence économique […] pour faire taire tous ceux qui contredisent le gouvernement.
Le reportage de Frank Desoer est diffusé le 3 juin à l'émission Désautels le dimanche sur ICI Première.
Entre Berlusconi et Poutine
Pour Josef Peter Martin, directeur de Transparency International à Budapest, le régime hongrois se situe à mi-chemin entre l’Italie de Berlusconi et la Russie de Poutine.D’après le classement de cette organisation, la Hongrie est le pays le plus corrompu d’Europe, après la Bulgarie. C’est aussi un des pays qui bénéficient le plus des fonds de l’Union européenne. Au cours des sept dernières années, 25 milliards d’euros ont été versés à la Hongrie, soit de 4 % à 6 % de son PIB annuellement.
L’oligarchie formée d’entrepreneurs, d’amis du régime et de proches d’Orban empoche une bonne partie de ces fonds et parvient à arracher systématiquement les contrats pour les travaux publics locaux, grâce à un système d’appel d’offres truqué.
Une nouvelle idéologie nationale
Outre le contrôle des marchés publics, le régime Orban s’appuie sur la transmission de valeurs dites patriotiques et chrétiennes. Au nombre de celles-ci se trouve une conception particulière du rôle de la femme hongroise « naturellement faite, à son sens, pour s’occuper de la maison et faire des enfants ».Ces valeurs dites « traditionnelles » sont également transmises à travers les médias, surtout électroniques. La télévision, la radio et une partie de la presse écrite sont tombées progressivement aux mains de l’oligarchie dominante.Certains enseignants tentent de résister, mais la tendance est de nous utiliser comme médiateurs de l’idéologie gouvernementale.
La propagande anti-migrants, qui s’abreuve volontiers de fausses nouvelles, a connu un paroxysme durant la dernière campagne électorale.
On rapporte constamment à la télévision nationale des histoires de viols collectifs en Suède commis par des migrants. Des villageois qui n’ont que ça comme sources d’information finissent par y croire.
Un climat d’hostilité envers les migrants
L’offensive
anti-migrants s’est surtout développée à parti de la crise migratoire
de 2015, où plus de 400 000 réfugiés ont franchi la frontière qui sépare
la Hongrie de la Serbie.Aujourd’hui, très peu de migrants tentent de franchir la frontière hongroise. Malgré cela, le gouvernement continue d’entretenir une psychose anti-migrants en brandissant le spectre du terrorisme et de la dilution des valeurs chrétiennes que vivraient les « sociétés multiculturelles d’Europe de l’Ouest ».
Ce climat social et politique plutôt lourd ne risque pas de s’alléger de sitôt, puisqu’à l’heure actuelle l’opposition au Fidesz est très fragmentée. Le principal adversaire du régime, le Jobbik (près de 20 % des voix), un parti qui regroupe beaucoup de jeunes, tient un discours plus radical et plus à droite que celui du gouvernement, particulièrement sur la question de l’accueil des migrants.
Entre le Jobbik et les formations de gauche, aucune entente ni front commun ne semble possible.
Le régime a donc toute la latitude voulue pour imposer son modèle de démocratie « illibérale », lequel s’appuie sur le suffrage universel pour remettre en cause l’équilibre des pouvoirs et l’indépendance des institutions propres à la démocratie libérale.L’idée générale chez les jeunes est que la gauche, c’est fini en Hongrie. Nous prônons davantage les valeurs chrétiennes et traditionnelles.
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