Goldnadel : Le « camp du bien », champion des fausses informations
Méchant week-end pour le camp du Bien aux États-Unis, on reconnaît à
présent que les photographies utilisées pour émouvoir l’opinion à propos
des enfants de migrants emprisonnés étaient des fakes venus d’ailleurs
et instrumentalisés pour la bonne cause.
C’est ainsi par exemple que l’on pouvait apprendre sur le site d’Europe 1
comme sur notre propre site que « trois photos, devenus des symboles de
la séparation des enfants migrants avec leurs parents à la frontière
avec les États-Unis, ne correspondent finalement pas à la réalité ».
- Ainsi, l’article du Time qui affirmait mensongèrement que la petite fille mexicaine avait été séparée de sa mère. L’article a ensuite été corrigé mais la photo a néanmoins été utilisée pour sa spectaculaire ouverture.
- Sur un autre cliché montré à des millions de personnes, on a présenté une centaine d’enfants derrière une grille, certains d’entre eux entendant y grimper, le cliché a circulé pendant des jours comme une supposée photo de centre de détention pour mineurs à la frontière mexicaine. Mais dans la réalité la photo a été prise en 2010. Elle représente des enfants palestiniens attendant la distribution de nourriture pendant le ramadan en Cisjordanie…
- La troisième photo qui aura sans doute le plus attendri le cœur public représente un enfant en train de pleurer dans ce qui semble être une cage. Il s’agit en réalité d’un trompe-l’œil qui met en scène des arrestations d’enfants dans le cadre d’une manifestation anti-Trump.
Bref un fake à l’intérieur d’un fake. Le procédé n’est d’ailleurs pas
nouveau, les grands faiseurs de fake ont fait leurs classes à Gaza
rebaptisé depuis Pallywood.
Ils font partie des fake tolérés pour cause sacrée.
Car ce qui est extraordinaire, c’est que ce sont les contempteurs les
plus sévères du fake, qu’ils considèrent comme une sorte de production
naturelle de la fâcheuse sphère Trumpienne, qui les fabriquent à la
chaîne, et quand sur le moment, leurs adversaires crient à
l’escroquerie, voilà les lépreux mal léchés renvoyés dans leurs
léproseries complotistes. Plus fort encore, c’est parce ces gueux
auraient créé des fakes, et qu’ils seraient tellement allergiques aux
mensonges et aux trucages, que les braves gens du camp du Bien rêvent
d’interdire sur la Toile tous ceux qui prennent des libertés avec leurs
fantasmes.
Car ne croyez surtout pas qu’ils grimacent quand on leur met leurs déjections sous leur nez trop bouchés.
Aucun n’a utilisé le mot « fake » pour qualifier les faussetés
photographiques utilisées par Time et les autres journalistes du camp
des distingués. La réaction du clergé médiatique est autrement plus
onctueuse et chattemite.
C’est ainsi par exemple que L’Obs, se gardant bien d’employer le mot qui fait mal écrivait autrement plus sobrement :
« cette enfant n’a pas été séparée de ses parents. Sa photo est un symbole. »
Voilà donc la manière dont l’église cathodique confesse un fake.
Quand cela lui convient, la fin justifie les plus mauvais moyens. Un
esprit chagrin comme le mien, dans cette morale sélective à théologie
variable y verrait la définition clinique même de la perversion
intellectuelle et morale. Cette utilisation cynique des moyens
médiatiques de masse commence, je l’avoue, à m’effrayer quand j’observe
simultanément les lois nouvelles de répression et la fermeture de sites
mal pensant. Dans ce cadre anxieux, je ne résiste pas au désir de vous
informer de ce qui se trame dans les caves du Vatican médiatique
gauchisant et qui ne devrait pas non plus trop vous rassurer.
C’est ainsi qu’une lectrice attentive autant qu’attentionnée a bien
voulu me transmettre le script de l’émission diffusée par France Culture
le 21 mars 2018 consacrée au fake news. Cette émission-débat, au
pluralisme comme toujours mesuré, réunissait Sylvie Kaufman (le Monde,
le New York Times) Romain Badourad (université de Cergy-Pontoise) et
était animée par Anne -Lorraine Bujon, rédactrice en chef de la revue
Esprit. Mais c’est l’intervention du troisième invité, Pierre Haski, à
la 36e minute, 38e seconde de l’émission qui est incroyablement
édifiante (encore que le reste de l’émission est assez croquignolet).
L’intervenant, dont on rappellera qu’il fut à la tête du site bien
gaucher Rue89 (j’utilise le mot pour faire pendant à droitier
étrangement plus utilisé dans le vocabulaire médiatique) et qui vient
d’arriver à la présidence de Reporters Sans Frontières, ce qui en dit
long sur l’évolution de l’institution, a en effet benoîtement déclaré :
« durant la campagne électorale française, j’ai participé à une
opération de surveillance du Web qui était financé par l’Open Society,
fondation de Georges Soros, basée à Londres, qui a mis de gros moyens,
c’était après les élections américaines. Il voulait voir ce qui se
passerait, s’il y aurait le même type de phénomène qu’aux USA. »
Pendant six mois, ils ont « surveillé, analysé… »
Vous avez bien lu, des journalistes bien en cour sur le service public
audiovisuel français reconnaissent avec une merveilleuse bonne
conscience que pour éviter une nouvelle mésaventure électorale, ils
surveillent avec de gros moyens, la déontologie du Web français en étant
financés par une association dont le credo revendique l’abolition des
frontières et l’entrée libre de tous les migrants sans distinction.
les décodeurs, théoriquement fondés récemment pour vous avertir des contrevérités se mettent à présent à en confectionner
Les mêmes qui considèrent comme admissibles fakes et trucages lorsqu’ils
servent leur cause. Cerise sur le gâteau de plus en plus étouffant, les
décodeurs, théoriquement fondés récemment pour vous avertir des
contrevérités se mettent à présent à en confectionner. Exemple le plus
récent, cette historiette insignifiante autant que significative qui
concerne en l’espèce et Georges Soros et votre serviteur dévoué. Je vous
cite d’abord le passage que j’ai commis dans le Figarovox de la semaine
dernière :
« vous pourriez également vous interroger légitimement sur le propriétaire de l’Aquiarius. »
L’auteur du présent article l’a fait à voix haute au micro de RMC en
suggérant que, peut-être, Georges Soros, spéculateur international
autant que philanthrope internationaliste se cachait, via sa fondation
Open Society, derrière SOS Méditerranée qui est l’affréteur de
l’Aquarius. Le site Checknews de Libération a passé au crible mes
prudentes mais hérétiques déclarations. Évoquant un « raccourci » de ma
part tout en empruntant un long tunnel, les décodeurs libérés ont admis,
en gentlemen, que l’Open Society était indirectement en lien avec les
affréteurs.
Je vous cite à présent le passage qu’ont voulu me consacrer les
Décodeurs du Monde le 20 juin pour pouvoir écrire le mot « faux » :
« dans une tribune publiée sur le Figarovox le 18 juin, l’avocat
Gilles-William Goldnadel affirme que le financier milliardaire Georges
Soros serait l’affréteur de l’Aquiarius. Des déclarations qui font écho à
sa récente interview dans l’émission « les Grandes Gueules » du 12
juin, sur RMC, où il déclarait que le bateau était « affrété par SOS
Méditerranée » ; « Je crois savoir que l’un des copropriétaires, c’est
l’Open Society de M. Soros, qui est une association délibérément
immigrationniste. Donc il y a aussi des arrière-pensées politiques »,
déclarait-il alors.
Nos confrères de Libération ont consacré à cette affirmation un article
dans Checknews. Contacté par leurs soins, Antoine Laurent, responsable
des opérations maritimes de SOS Méditerranée, a expliqué que l’Aquiarius
appartenait à l’entreprise allemande, Jasmund Schipping, a confirmé que
l’O.N.G. ne recevait aucun financement de la part de Georges Soros,
affirmation appuyée par le service de presse de la structure
philanthropique du milliardaire. »
Et pour la synthèse, je vous lis la réaction sagace mais agaçante de cet
internaute vigilant en commentaires sous l’article du Monde :
« voilà qui est cocasse : dans son article dans le Figarovox, Me
Goldnadel, tout au contraire, revient sur ses déclarations à RMC passées
au crible par le Checknews de Libération et constate que celui-ci
valide en partie ses affirmations en reconnaissant que l’Open Society de
Soros était indirectement liée à SOS Méditerranée affréteur de
l’Aquiarius. Les Décodeurs ont donc réussi ce double exploit de
dénaturer l’article de Goldnadel et d’occulter les conclusions de
Checknews. »
Je n’aurais pas mieux écrit… Le camp du Bien ne va pas bien et moi, en
cambronniste assumé, je me sens mieux dans le camp des lépreux.
© Gilles-William Goldnadel. Publié avec l’aimable autorisation de Valeurs actuelles.
