La soirée du 21 juin à l’Élysée, à l’occasion de la fête de la
musique, avait quelque chose de particulier. Une ambiance inhabituelle
pour une soirée à l’Élysée.
Oubliez la prestance, la sobriété, la grande musique, la chanson
populaire française, l’opéra… l’ambiance était électro. Mais ce qui
étonne encore plus, ce sont les « danseurs ».
On pouvait lire sur le t-shirt d’un DJ « noir et pédé », les hommes (peu
de femmes) typés afro, étaient vêtus de résilles, de mini-short et
dansaient en se trémoussant, avec souplesse, il faut l’admettre. Et tout
ce petit monde s’est réuni pour une photo avec le couple présidentiel.
Si cet événement nous scandalise, ce n’est pas parce que les danseurs
sont noirs ou qu’ils sont homosexuels. Nous estimons (et les réactions
sur les réseaux sociaux semblaient pour beaucoup de cet avis, du moins
auprès de celle que l’on qualifie de « fachosphère »), que ce type de
spectacle n’a simplement pas sa place à l’Élysée.
En effet, les reproches que nous pouvons adresser concernent moins ces
danseurs et leur type de spectacle, qui a sa place certainement dans une
« boîte gay », que le choix du couple présidentiel. Car ces danses et
ces tenues ne sont pas neutres. Les tenues sont courtes, ils
travestissent en partie le corps de l’homme, les mouvements évoquent la
sexualité. Ces spectacles sont faits de sorte à briser les codes
publics, les codes de genre et hétérosexuels. Et « casser les codes »,
n’est pas signe de décadence de civilisation en soit. Une société a des
normes et des occasions de « suspendre » cet ordre, comme au Carnaval de
Rio par exemple. Nous touchons là presque à un phénomène
anthropologique. Une société invente ses moyens de rompre ses codes
ponctuellement.
Ce type de spectacle a par exemple lieu habituellement dans les soirées
LGBT, réservées aux adultes éclairés, conscients de ce qu’ils vont y
trouver (et qu’ils recherchent surtout), le temps d’une fête, d’un
moment de divertissement et d’égarement comme il en existe sous
différentes formes.
Mais si la société tolère, accepte et encadre ces festivités, elles
n’ont pas habituellement pour destination la scène publique, pas toutes.
La scène publique est le lieu des normes et des conventions. Ce ne sont
pas ces festivités qui organisent la scène publique mais la société qui
encadre ces festivités en lui attribue des lieux ou des moments.
Si certains disent qu’au nom de la liberté, ce type de spectacle
n’aurait pas de lieu approprié, trouveraient-ils normal, seraient-ils
capables honnêtement d’organiser ce type de soirée à un anniversaire
d’enfants ou dans un cimetière ? S’ils admettent que non, ils admettent
alors qu’il existe des lieux et des publics pour certaines activités,
donc des conditions, ce qui va à l’encontre d’une liberté absolue.
Il reste donc à déterminer si l’Élysée fait partie de ces lieux, alors
qu’il fait partie de la vie publique et qu’il est médiatisé et donc
potentiellement regardé par le monde entier. Il faut donc se demander
l’image que l’on veut renvoyer de l’Élysée. S’il s’agit d’une image de
dignité, de sobriété, d’élégance, de distinction, de grandeur… ou de
débauche. Et c’est un questionnement que l’on peut se poser que l’on
soit homosexuel (affilié ou non à une communauté) ou pas.
© Laurent Duverger pour Dreuz.info.
