Par Patrick Coquart.
Dans quelques jours – le 3 juillet 2018 – le Mouvement des Entreprises de France (Medef) aura désigné un successeur à Pierre Gattaz, l’actuel président. Au départ de la course, ils étaient neuf candidats. Sept ont jeté l’éponge : Patrick Martin, Jean-Charles Simon, Fabrice Le Saché, Pierre Brajeux et Dominique Carlac’h se sont désistés pour Geoffroy Roux de Bézieux. Frédéric Motte et Olivier Klotz, se sont retirés en faveur d’Alexandre Saubot.
Les deux candidats qui restent en lice sont des caciques de l’organisation patronale : Geoffroy Roux de Bézieux, déjà candidat en 2013 mais qui s’était retiré en faveur de Pierre Gattaz, est vice-président délégué du Medef ; Alexandre Saubot était président du pôle social du Medef et président de l’UIMM jusqu’à sa candidature. Leurs programmes comportent-ils des propositions décoiffantes ?
Parallèlement, il faut réduire les prélèvements obligatoires en supprimant les « impôts de production, c’est-à-dire les impôts qui pèsent sur le haut du compte de résultat ». Aujourd’hui, précise-t-il, « la somme des impôts locaux est supérieure à celle de l’impôt sur les sociétés. Notre déficit de compétitivité vient en grande partie de cet écart avec nos partenaires européens ».
En matière de fiscalité écologique, Roux de Bézieux entonne l’air du temps, à savoir que « la fiscalité écologique doit accompagner la nécessaire transition énergétique mais de manière raisonnable et planifiée en prenant en compte la rentabilité des acteurs ».
Roux de Bézieux demande la « poursuite de la simplification du droit du travail, en particulier sur les contrats de travail et sur les seuils ». Il souhaite par ailleurs enrayer l’inflation des codes nationaux hypertrophiés et la sur-transposition des textes européens.
Alexandre Saubot défend l’idée que le Medef puisse porter des réformes profondes auprès des pouvoirs publics. Lui aussi plaide pour la fin de la politique française de sur-transposition des directives européennes. Il est partisan de l’expérimentation « pour simplifier et adapter les normes réglementaires en fonction des réalités du terrain, sur certains territoires, sur une certaine durée ou pour des entreprises inférieures à une certaine taille ».
Il veut également réduire les dépenses publiques, notamment en simplifiant le mille-feuilles territorial, pour baisser les charges et les impôts. Cette baisse des prélèvements obligatoires devra porter sur les charges sociales et sur les impôts de production : taxe foncière, cotisation foncière des entreprises, CVAE, C3S, Tascom, taxe sur les salaires, versement transports, etc. Tous ces prélèvements – avant IS – s’élèvent à 15 % du PIB en France contre 7 % en Allemagne.
Les deux candidats ne divergent pas vraiment sur cette problématique du poids de l’État. Qui s’en étonnera ? Un bémol cependant : toutes ces propositions, aussi valables soient-elles, ne risquent pas de voir le jour si le principal intéressé, à savoir le gouvernement, fait la sourde oreille. Ce sont des propos avant tout électoralistes.
L’ex-président de l’UIMM recommande donc d’arrêter de conclure de tels accords. Ceux-ci devraient être à l’avenir à la seule initiative des partenaires sociaux et porter sur un nombre restreint de sujets. Pour autant, selon Saubot, le dialogue avec les organisations syndicales ne doit pas être rompu. Au contraire, il doit être permanent sur les sujets économiques, et les bouleversements technologiques. Mais ce dialogue ne doit pas nécessairement avoir lieu au niveau national interprofessionnel.
Le Medef d’Alexandre Saubot favorisera la négociation décentralisée dans les branches et les entreprises. S’agissant de la négociation de branche, elle reste, pour Alexandre Saubot, « un socle conventionnel indispensable pour les PME, et surtout les TPE, la plupart d’entre elles ne disposant ni des représentants du personnel, ni des compétences RH et d’une expertise suffisante, pour construire en leur sein des accords collectifs de qualité ». Mais cela ne se pourra que si les quelques 320 branches se regroupent en ensembles cohérents.
Alexandre Saubot reste un défenseur du paritarisme qui, « lorsqu’il s’exerce sans interférence de l’Etat » est « un mode de décision et de gestion à même de dégager des compromis opérationnels et réalistes entre les exigences de compétitivité des entreprises et l’aspiration légitime de leurs salariés à un filet de sécurité dans et à l’issue de leur vie professionnelle ».
Enfin, Saubot veut réexaminer le bien-fondé de la participation du Medef aux différentes institutions paritaires comme l’assurance maladie, l’assurance vieillesse les allocations familiales. L’organisation patronale se concentrera « sur les institutions où le paritarisme conserve un rôle stratégique parce qu’il apporte une valeur ajoutée significative aux entreprises » (retraites complémentaires, assurance chômage, accidents du travail et maladies professionnelles, commissions des recours amiables de la Sécurité sociale…).
Geoffroy Roux de Bézieux tient un discours similaire. Il fait siennes les dernières réformes du dialogue social portant celui-ci au plus près du terrain. Il veut poursuivre dans cette voie et laisser à l’entreprise ou à la branche la négociation des éléments de l’organisation du travail. Pour autant, il entend maintenir un dialogue social national centré sur la prospective économique et les grands défis liés aux nouvelles technologies et à leurs conséquences sur les entreprises et les salariés.
Cette concertation avec les syndicats doit, pour Roux de Bézieux, être indépendante de l’État et du gouvernement. L’agenda social doit, selon lui, être décidé en totale autonomie, et les discussions dont le résultat est fixé à l’avance ne doivent plus être menées.
Quant au paritarisme, il doit selon Roux de Bézieux, persister si les partenaires sociaux ont la pleine et entière responsabilité de la gestion. En toute logique, avec lui, le Medef devrait donc se retirer de l’assurance chômage et de l’assurance retraite. Oui, dit le candidat, mais le patronat ne peut cependant se « dessaisir d’un certain nombre de sujets touchant la vie quotidienne des entreprises et notamment le marché de l’emploi et la formation ».
Là encore, il ne semble pas y avoir de grandes divergences de vue entre les candidats, même si le périmètre du dialogue social et celui du paritarisme de gestion peuvent varier de l’un à l’autre. En tout cas, il n’y a pas à attendre de grands bouleversements de la part du nouveau président qui sait bien que la gestion paritaire est une source de financement importante des organisations patronales et syndicales.
Pour Roux de Bézieux, le Medef doit être capable « à terme de vivre des seules cotisations volontaires de ses adhérents ». Faut-il comprendre que les ressources provenant de la gestion des organismes paritaires, évoquées ci-dessus, seront complètement exclues ?
Saubot est moins catégorique lorsqu’il affirme être convaincu que l’indépendance du Medef « passe par une capacité à vivre pour l’essentiel de ressources propres (cotisations et autres ressources en provenance directe des entreprises) ». Tout est dans la formule « pour l’essentiel » !
Le nouvel élu, quel qu’il soit, ne bouleversera pas l’institution patronale. Mais il est possible que sur la question du financement les choses puissent changer. C’est un point capital car il aura nécessairement des répercussions sur le financement public et occulte des syndicats de salariés.
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Dans quelques jours – le 3 juillet 2018 – le Mouvement des Entreprises de France (Medef) aura désigné un successeur à Pierre Gattaz, l’actuel président. Au départ de la course, ils étaient neuf candidats. Sept ont jeté l’éponge : Patrick Martin, Jean-Charles Simon, Fabrice Le Saché, Pierre Brajeux et Dominique Carlac’h se sont désistés pour Geoffroy Roux de Bézieux. Frédéric Motte et Olivier Klotz, se sont retirés en faveur d’Alexandre Saubot.
Les deux candidats qui restent en lice sont des caciques de l’organisation patronale : Geoffroy Roux de Bézieux, déjà candidat en 2013 mais qui s’était retiré en faveur de Pierre Gattaz, est vice-président délégué du Medef ; Alexandre Saubot était président du pôle social du Medef et président de l’UIMM jusqu’à sa candidature. Leurs programmes comportent-ils des propositions décoiffantes ?
Réduire le poids de l’État
Pour Roux de Bézieux, la dépense publique est trop élevée en France (57 % du PIB contre une moyenne de 50 % en Europe). Baisser celle-ci de 3 points de PIB d’ici 2022 comme le propose le gouvernement lui semble donc aller dans la bonne voie, sauf que cette trajectoire ne repose que sur la croissance du PIB et pas sur une baisse des dépenses. Il convient donc, selon lui, de réduire les dépenses publiques de fonctionnement.Parallèlement, il faut réduire les prélèvements obligatoires en supprimant les « impôts de production, c’est-à-dire les impôts qui pèsent sur le haut du compte de résultat ». Aujourd’hui, précise-t-il, « la somme des impôts locaux est supérieure à celle de l’impôt sur les sociétés. Notre déficit de compétitivité vient en grande partie de cet écart avec nos partenaires européens ».
En matière de fiscalité écologique, Roux de Bézieux entonne l’air du temps, à savoir que « la fiscalité écologique doit accompagner la nécessaire transition énergétique mais de manière raisonnable et planifiée en prenant en compte la rentabilité des acteurs ».
Roux de Bézieux demande la « poursuite de la simplification du droit du travail, en particulier sur les contrats de travail et sur les seuils ». Il souhaite par ailleurs enrayer l’inflation des codes nationaux hypertrophiés et la sur-transposition des textes européens.
Alexandre Saubot défend l’idée que le Medef puisse porter des réformes profondes auprès des pouvoirs publics. Lui aussi plaide pour la fin de la politique française de sur-transposition des directives européennes. Il est partisan de l’expérimentation « pour simplifier et adapter les normes réglementaires en fonction des réalités du terrain, sur certains territoires, sur une certaine durée ou pour des entreprises inférieures à une certaine taille ».
Il veut également réduire les dépenses publiques, notamment en simplifiant le mille-feuilles territorial, pour baisser les charges et les impôts. Cette baisse des prélèvements obligatoires devra porter sur les charges sociales et sur les impôts de production : taxe foncière, cotisation foncière des entreprises, CVAE, C3S, Tascom, taxe sur les salaires, versement transports, etc. Tous ces prélèvements – avant IS – s’élèvent à 15 % du PIB en France contre 7 % en Allemagne.
Les deux candidats ne divergent pas vraiment sur cette problématique du poids de l’État. Qui s’en étonnera ? Un bémol cependant : toutes ces propositions, aussi valables soient-elles, ne risquent pas de voir le jour si le principal intéressé, à savoir le gouvernement, fait la sourde oreille. Ce sont des propos avant tout électoralistes.
Renouveler le dialogue social
Pour Alexandre Saubot, le temps des grands accords interprofessionnels est révolu. En effet, selon lui, les accords conclus ces dernières années sont insatisfaisants et souvent perçus, par les entreprises et notamment les PME, « comme un facteur supplémentaire de complexité et de pesanteur du droit du travail ». Le candidat critique également les négociations engagées à la demande des pouvoirs publics car trop contraignantes. De plus, le gouvernement n’hésite jamais à réécrire l’accord, bouleversant ainsi son équilibre.L’ex-président de l’UIMM recommande donc d’arrêter de conclure de tels accords. Ceux-ci devraient être à l’avenir à la seule initiative des partenaires sociaux et porter sur un nombre restreint de sujets. Pour autant, selon Saubot, le dialogue avec les organisations syndicales ne doit pas être rompu. Au contraire, il doit être permanent sur les sujets économiques, et les bouleversements technologiques. Mais ce dialogue ne doit pas nécessairement avoir lieu au niveau national interprofessionnel.
Le Medef d’Alexandre Saubot favorisera la négociation décentralisée dans les branches et les entreprises. S’agissant de la négociation de branche, elle reste, pour Alexandre Saubot, « un socle conventionnel indispensable pour les PME, et surtout les TPE, la plupart d’entre elles ne disposant ni des représentants du personnel, ni des compétences RH et d’une expertise suffisante, pour construire en leur sein des accords collectifs de qualité ». Mais cela ne se pourra que si les quelques 320 branches se regroupent en ensembles cohérents.
Alexandre Saubot reste un défenseur du paritarisme qui, « lorsqu’il s’exerce sans interférence de l’Etat » est « un mode de décision et de gestion à même de dégager des compromis opérationnels et réalistes entre les exigences de compétitivité des entreprises et l’aspiration légitime de leurs salariés à un filet de sécurité dans et à l’issue de leur vie professionnelle ».
Enfin, Saubot veut réexaminer le bien-fondé de la participation du Medef aux différentes institutions paritaires comme l’assurance maladie, l’assurance vieillesse les allocations familiales. L’organisation patronale se concentrera « sur les institutions où le paritarisme conserve un rôle stratégique parce qu’il apporte une valeur ajoutée significative aux entreprises » (retraites complémentaires, assurance chômage, accidents du travail et maladies professionnelles, commissions des recours amiables de la Sécurité sociale…).
Geoffroy Roux de Bézieux tient un discours similaire. Il fait siennes les dernières réformes du dialogue social portant celui-ci au plus près du terrain. Il veut poursuivre dans cette voie et laisser à l’entreprise ou à la branche la négociation des éléments de l’organisation du travail. Pour autant, il entend maintenir un dialogue social national centré sur la prospective économique et les grands défis liés aux nouvelles technologies et à leurs conséquences sur les entreprises et les salariés.
Cette concertation avec les syndicats doit, pour Roux de Bézieux, être indépendante de l’État et du gouvernement. L’agenda social doit, selon lui, être décidé en totale autonomie, et les discussions dont le résultat est fixé à l’avance ne doivent plus être menées.
Quant au paritarisme, il doit selon Roux de Bézieux, persister si les partenaires sociaux ont la pleine et entière responsabilité de la gestion. En toute logique, avec lui, le Medef devrait donc se retirer de l’assurance chômage et de l’assurance retraite. Oui, dit le candidat, mais le patronat ne peut cependant se « dessaisir d’un certain nombre de sujets touchant la vie quotidienne des entreprises et notamment le marché de l’emploi et la formation ».
Là encore, il ne semble pas y avoir de grandes divergences de vue entre les candidats, même si le périmètre du dialogue social et celui du paritarisme de gestion peuvent varier de l’un à l’autre. En tout cas, il n’y a pas à attendre de grands bouleversements de la part du nouveau président qui sait bien que la gestion paritaire est une source de financement importante des organisations patronales et syndicales.
Réformer l’organisation patronale
Saubot et Roux de Bézieux émettent beaucoup d’idées pour réformer le Medef dans son fonctionnement. Nous ne attarderons pas sur ces questions internes, sauf sur un point : le financement.Pour Roux de Bézieux, le Medef doit être capable « à terme de vivre des seules cotisations volontaires de ses adhérents ». Faut-il comprendre que les ressources provenant de la gestion des organismes paritaires, évoquées ci-dessus, seront complètement exclues ?
Saubot est moins catégorique lorsqu’il affirme être convaincu que l’indépendance du Medef « passe par une capacité à vivre pour l’essentiel de ressources propres (cotisations et autres ressources en provenance directe des entreprises) ». Tout est dans la formule « pour l’essentiel » !
Le nouvel élu, quel qu’il soit, ne bouleversera pas l’institution patronale. Mais il est possible que sur la question du financement les choses puissent changer. C’est un point capital car il aura nécessairement des répercussions sur le financement public et occulte des syndicats de salariés.
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