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jeudi 7 juin 2018

Les zigzags de l’ultradroite au tribunal

Catherine Lagrange, notre correspondante à Lyon (Rhône)

Les anciens chefs de deux mouvements d’extrême droite interdits, l’Œuvre française et Jeunesses nationalistes révolutionnaires, comparaissaient lundi pour «reconstitution de ligues dissoutes».

Le 25 juillet 2013, quelques semaines après la mort de Clément Méric, militant d’extrême gauche tué dans une bagarre avec des nationalistes, le président François Hollande avait dissous par décret L’Œuvre française et Jeunesses nationalistes révolutionnaires (JNR). Ignorant cette dissolution, ces deux groupuscules d’ultradroite domiciliés à Lyon avaient continué leurs activités.
Poursuivis pour reconstitution de ligues dissoutes, leurs chefs de file, Yvan Benedetti et Alexandre Gabriac risquent six mois de prison avec sursis et 15 000 euros d’amende chacun, peines requises ce lundi par le procureur devant le tribunal correctionnel de Lyon.

Alexandre Gabriac fait profil bas

La sphère des militants de l’ultradroite s’est mobilisée pour dénoncer cette dissolution jugée « injuste » : réunions aux quatre coins de la France, interventions sur les réseaux sociaux, expression sur le site internet Jeune Nation, distribution de flyers aux armes de leurs mouvements, exhibition de leur drapeau…

Mais devant les faits qui leur sont reprochés, les deux chefs militants n’ont pas adopté la même position face au tribunal. Alexandre Gabriac, 27 ans, ancien conseiller régional Rhône-Alpes élu en 2010, avant d’être exclu du FN pour propagande nazie, a fait profil bas, évoquant de simples « négligences ».
« Aux conférences, j’étais invité comme conseiller régional, je n’étais pas organisateur », a assuré Gabriac à la barre, « et pour les tweets, il y avait plusieurs administrateurs qui géraient le compte ». Le compte en banque des JNR a continué de tourner après la dissolution ? « Je l’ai fait fermer dès que la police me l’a fait remarquer », rappelle-t-il.

Yvan Benedetti assume

À l’inverse, Yvan Benedetti, 52 ans, chef de file de L’Œuvre française et ancien conseiller municipal de Vénissieux en banlieue lyonnaise, lui aussi exclu du FN pour son extrémisme, n’a pas hésité à assumer et même revendiquer son appartenance au mouvement créé en 1968 en mémoire du maréchal Pétain, dénonçant pendant les trois heures d’audience sa dissolution.
« Je refuse l’interdiction, je considère que cette interdiction est illégitime, elle est totalement arbitraire », a-t-il répété devant le tribunal. « L’Œuvre française existe et existera tant que le combat pour le rétablissement de la souveraineté de la France ne sera pas accepté. »
Le procureur Vincent Lemonier n’a pas fait de distinction entre les deux prévenus. « Alexandre Gabriac assure qu’il n’était au courant de rien, mais en réalité il continuait son activité », a-t-il estimé. « Yvan Benedetti, lui, est plus clair, mais l’infraction est parfaitement caractérisée pour l’un et l’autre. »

Une défense très politique

Il a dénoncé dans son réquisitoire « des faits sérieux ». « Ce n’est pas rien de célébrer le régime nazi, Franco, etc. Ce sont des régimes politiques qui ont dévasté l’Europe. Que la loi interdise d’en faire l’apologie est parfaitement justifié », a fermement rappelé le procureur.
Le représentant du parquet a choisi d’insister sur l’amende requise (15 000 euros) pour chacun, plutôt que sur de la prison ferme lors de son réquisitoire contre les deux militants qui n’ont plus aujourd’hui de mandats électoraux. Gabriac vit désormais dans l’Isère, où il occupe un emploi de bureau à 1 067 euros mensuels. Benedetti est lui hébergé chez sa sœur en Corse et vit des minimas sociaux.
Leur avocat historique, Pierre-Marie Bonneau, a adopté lui aussi une défense très politique : « On veut les faire taire ? Alors on trouve le moyen de dissoudre leurs associations », a-t-il plaidé. « Est-ce qu’on condamne quelqu’un parce qu’il a commis un délit ? Ou parce qu’il véhicule des idées pour lesquelles on leur a donné charge d’élus ? » Le tribunal rendra sa décision le 4 juillet prochain.

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